Fondée il y a cinq ans, Mountain House devait être un eldorado pour les jeunes familles. Aujourd'hui, 9 propriétaires sur 10 sont «sous l'eau», c'est-à-dire que leur hypothèque est plus élevée que la valeur de leur maison, un record aux États-Unis. Notre correspondant s'est rendu dans la petite localité, située à une heure de route de San Francisco.

Fondée il y a cinq ans, Mountain House devait être un eldorado pour les jeunes familles. Aujourd'hui, 9 propriétaires sur 10 sont «sous l'eau», c'est-à-dire que leur hypothèque est plus élevée que la valeur de leur maison, un record aux États-Unis. Notre correspondant s'est rendu dans la petite localité, située à une heure de route de San Francisco.

Marchez dans les rues manucurées de Mountain House et vous aurez l'impression de mettre les pieds dans le rêve américain.

Les résidences sont neuves, grandes et bien tenues. Les enfants boivent des jus de fruits biologiques à bord de poussettes sophistiquées. Les voitures n'ont pas de rouille. Les pelouses sont vertes toute l'année.

La crise qui frappe Mountain House n'est pas visible à l'oeil nu. Elle est évoquée à table. Devant l'écran d'ordinateur. Dans le noir, sur l'oreiller.

Neuf propriétaires sur dix ici doivent rembourser une hypothèque dont le montant excède la valeur de leur maison. Le «déficit» moyen est de 122 000$. Mountain House occupe le premier rang aux États-Unis pour la baisse de la valeur des propriétés.

Certaines familles s'en vont et acceptent de perdre leur investissement. D'autres choisissent de louer leur maison et d'habiter ailleurs, là où c'est moins cher. Plusieurs propriétaires continuent de payer, coûte que coûte, même s'ils n'ont aucun espoir de retrouver un jour l'argent qu'ils investissent.

«C'est un drôle d'endroit ici, explique Lori Pace, qui travaille au Wicklund Market, le dépanneur et seul commerce de Mountain House. Je veux dire, la plupart des maisons sont vides. Les gens sont partis. Ça fait une drôle d'ambiance. Les maisons sont noires le soir.»

Projets abandonnés

Irvinder Dhanda est amer. Il a acheté sa maison à Mountain House il y a quatre ans, pour 525 000$. M. Dhanda a fait une mise de fonds de 120 000$, et paye 2800$ par mois en hypothèque.

«Je suis déçu, dit-il. Quand j'ai acheté ma maison, la ville promettait de construire un centre commercial, une école secondaire et une salle de spectacle. Aujourd'hui, tous ces projets sont abandonnés. Et la valeur des maisons est en chute libre. Je continue à payer. Qu'est-ce que je peux faire?»

Mountain House, une ville modèle de 7000 habitants, a été construite dans un champ par la compagnie Trimark en 2005. À l'époque, Trimark affirmait que la ville, située à une heure de San Francisco, allait croître année après année, pour atteindre 45 000 habitants en 2025. La ville devait être autosuffisante, c'est-à-dire qu'on y trouverait les emplois et les services pour tous les résidants.

Trois ans plus tard, cette vision idyllique ne se trouve que sur les brochures jaunies de Trimark. Plus aucune maison n'est en chantier. Situé à l'entrée de la ville, le bureau des ventes est fermé. Une pancarte posée devant l'édifice indique que l'endroit est à louer. Un appel fait par La Presse n'a pas eu de réponse.

«Les gens sont déprimés, indique John Christensen, qui réside dans une maison unifamiliale neuve avec sa femme et ses deux fils. Chaque jour, on entend des nouvelles histoires. Telle famille est partie. Telle autre a perdu sa maison. Les gens ont l'impression de s'être fait avoir.»

M. Christensen est l'un des rares résidants à avoir le sourire aux lèvres ces jours-ci. Originaire de Berkeley, il a emménagé à Mountain House l'an dernier. La maison qu'il habite se vendait 600 000$ il y a quelques années. Une somme qu'il n'aurait jamais payée, dit-il.

«Nous louons la maison 1800$ par mois. C'est une vraie aubaine. Près de San Francisco, c'est impossible de trouver un logement neuf pour un prix semblable.»

«Je dois vivre avec mon choix»

Un camion U-Haul est stationné dans l'entrée d'une maison de la rue Heritage, en plein coeur de la ville. La maison compte deux étages, un garage double, une galerie et une grande cour à l'arrière.

Keith Vong l'a achetée pour 650 000$ en 2005. Il évalue qu'elle en vaut aujourd'hui 300 000$, tout au plus.

Sa femme, son jeune fils et lui sont en train de décharger le camion, qui contient toutes leurs possessions. Après avoir mis la maison en location durant quelques années, ils ont décidé d'y emménager, question d'économiser des sous.

«Je devais débourser 2000$ par mois de ma poche pour payer l'hypothèque, et ce, même si j'avais des revenus de la location, dit-il. C'était devenu ridicule. Nous avons décidé de revenir vivre ici.»

M. Vong, qui travaille comme agent immobilier à San Jose, devra faire deux heures de route, matin et soir, pour aller travailler. Il avait acheté la maison pour ses parents à la retraite, mais ceux-ci ne peuvent venir habiter à Mountain House à cause du manque de services.

«Ça leur prend un hôpital, des commerces, ce genre de choses. Tout cela devait être construit ici, mais c'est tombé à l'eau. Nous n'avons pas le choix de venir habiter la maison. Si nous l'abandonnons, nous perdons notre mise de fonds. Et notre cote de crédit sera mauvaise.»

Lorsqu'on lui demande s'il pense que sa maison va un jour retrouver sa valeur d'origine, M. Vong, laisse échapper un sourire.

«Non, je ne crois pas, dit-il. C'était un prix trop élevé. Maintenant, je dois vivre avec mon choix.»