Le Québec est branché, du moins on aime à le croire. Mais est-ce bien vrai? C'est relativement vrai dans les villes, mais faux en région, où un nombre considérable de citoyens attendent encore le grand jour, celui où ils auront accès à l'internet à haute vitesse.

Le Québec est branché, du moins on aime à le croire. Mais est-ce bien vrai? C'est relativement vrai dans les villes, mais faux en région, où un nombre considérable de citoyens attendent encore le grand jour, celui où ils auront accès à l'internet à haute vitesse.

L'internet est peut-être considéré maintenant comme un service essentiel, mais le service tarde à s'implanter dans les régions, et pas nécessairement les plus éloignées.

En 2002, le Parti libéral du Québec avait promis de brancher les régions avant la fin de son premier mandat. Mais selon la Fédération québécoise des municipalités, il y a encore en 2008 plus de 400 municipalités au Québec dont les services internet sont soit inexistants, soit insuffisants.

Pourtant, il n'en a pas été beaucoup question dans la campagne électorale qui s'achève.

«Le fait que certaines régions n'aient pas accès à l'internet à haute vitesse est catastrophique», estime Phillipe Le Roux, président de VDL2, une firme de services internet.

Selon lui, l'internet est aujourd'hui un service aussi important que l'eau, l'électricité et le téléphone. «Je dirais que c'est même plus important que le téléphone», ajoute-t-il, en soulignant l'importance de l'internet dans l'information et l'éducation de ses utilisateurs. «On se dirige vers une société à deux vitesses, ceux qui ont accès à la haute vitesse et les autres.»

Même dans les villes, les résidents ne sont pas aussi branchés qu'on le croit, souligne Monique Chartrand, directrice générale de Communautique, un organisme à but non lucratif qui veut favoriser l'accès aux technologies.

Le Québec utilise moins l'internet que les autres provinces canadiennes. Selon Communautique, il y a 64% d'internautes au Québec comparativement à 83% en Alberta.

Le Canada, qui a déjà été dans le peloton de tête des pays branchés selon le classement de l'OCDE, recule maintenant dans ce classement depuis trois ans.

C'est que la connexion téléphonique traditionnelle, suffisante pour la plupart des utilisateurs dans les débuts de l'internet, ne satisfait plus leurs besoins. Il faut être branché sur la fibre optique et les régions, dont la population est clairsemée, sont désavantagées par rapport aux centres densément peuplés.

Même dans les villes, le coût élevé d'un branchement à haute vitesse est un frein à son utilisation, souligne-t-elle. «Le modèle à forfait qui se répand, soit un meilleur tarif pour les abonnés au téléphone, à la télédistribution et à l'internet a un coût exorbitant pour beaucoup de gens.»

Exorbitant pour les utilisateurs, mais très payant pour les fournisseurs de services. Philippe Le Roux fait le calcul suivant: les deux tiers des trois millions de ménages québécois, soit deux millions de foyers, sont branchés à l'internet haute vitesse. Au coût moyen de 80$ par mois, c'est 1 milliard de dollars par année qui va dans les coffres des entreprises.

«L'entreprise privée fait beaucoup d'argent dans les grands centres urbains, mais se tient loin des régions où il y a peu de perspectives de profit», constate-t-il.

À Montréal, la ville aurait les moyens d'offrir gratuitement l'internet sans fil à ses résidents, mais elle ne le fait pas à cause des pressions des entreprises, estime-t-il.

Avec les profits qu'elles tirent des villes, les entreprises devraient être forcées par le gouvernement à desservir les régions, estime le fondateur de VDL2.

«La question est: est-ce qu'on considère l'internet comme un produit ou comme un service essentiel?»

Si c'est un service essentiel, alors Hydro-Québec, qui possède le plus important réseau de télécommunications au Québec, pourrait brancher rapidement tout le Québec à peu de frais, croit Philippe Le Roux.

Le gouvernement québécois a bien essayé de brancher les régions, mais ses efforts n'ont pas eu le succès escompté. Avec le programme Villages branchés, il a investi 150 millions pour relier les mairies, les écoles et les bibliothèques municipales.

Le gouvernement pariait qu'une fois la bande passante rendue dans les régions, l'entreprise privée prendrait le relais et investirait à son tour pour recruter de nouveaux clients.

Ça ne s'est pas produit. Les grands fournisseurs de services ont continué de développer leur réseau dans les villes et se sont désintéressés des campagnes.

«Les grandes entreprises ont écrémé le marché et laissé de côté les régions», dit Claire Bolduc, la présidente de Solidarité rurale qui a fait de l'accès à l'internet haute vitesse un cheval de bataille.

Le Trésor public a dû débourser davantage. Un nouveau programme, Communautés rurales branchées, a vu le jour avec un budget de 24 millions sur cinq ans. Pas un dollar de ce programme n'a encore été dépensé. L'aide promise arrivera le 1er avril, a fait savoir le ministère des Affaires municipales et des régions, qui en a la responsabilité.