Les Mercedes et les Toyota neuves brillent à perte de vue dans le port de Long Beach.

Les Mercedes et les Toyota neuves brillent à perte de vue dans le port de Long Beach.

Ces modèles 2009 viennent d'arriver d'Asie et semblent attendre d'être chargés à bord des camions qui les livreront chez les concessionnaires partout aux États-Unis.

Or, rien ne bouge. Personne n'est preneur.

«C'est une situation incroyable, explique Art Wong, porte-parole du port. Le port est un endroit où la marchandise est en transit. Ce n'est pas un entrepôt.»

Il y a quelques mois, les consommateurs américains n'avaient plus les moyens de faire le plein d'essence. Aujourd'hui, ils n'ont plus les moyens de changer de voiture.

Chute des ventes

Les ventes de véhicules neufs ont chuté de 15% cette année, un record pour l'industrie. Les derniers mois ont été les pires: la déroute des banques a paralysé le marché du crédit, composante essentielle de la vente de voitures neuves.

Dans le port de Long Beach, le deuxième en importance en Amérique du Nord après celui de Los Angeles, cette équation est visible à l'oeil nu.

Les milliers de voitures, dont plusieurs sont toujours recouvertes du film protecteur apposé à l'usine, sont alignées au soleil - une vision surréelle.

Sur plusieurs voitures, un autocollant indique la date limite à laquelle le film de plastique doit être enlevé.

Bien souvent, la date est passée depuis plusieurs mois.

Le phénomène a commencé à la fin de l'été. «Toyota nous a appelés. Puis Mercedes, et Nissan, explique M. Wong. Les compagnies voulaient louer de l'espace dans le port pour entreposer les voitures. C'est une demande inhabituelle, mais nous avons essayé de leur rendre service.»

120 hectares

Le port a mis 120 hectares (1,2 kilomètre carré) à leur disposition. Depuis, les voitures arrivent chaque semaine et sont méticuleusement garées les unes près des autres. Les terrains doivent servir aux projets d'expansion du port l'an prochain.

D'ici là, ils ont été transformés en stationnement à ciel ouvert.

«Les constructeurs d'automobiles ont été pris de court par la vitesse de la détérioration de l'économie américaine, dit M. Wong. Je pense qu'ils vont s'ajuster. Ça va prendre quelques mois.»

Les vendeurs d'automobiles neuves ont aujourd'hui des stocks pour trois ou quatre mois, comparativement à deux mois en moyenne l'an dernier.

Tout semble indiquer que la tendance est appelée à se poursuivre.

Vendredi, les économistes de l'Université du Michigan à Detroit ont prédit que les ventes d'automobiles seraient de 13,3 millions cette année, et de 12,2 millions l'an prochain, la pire prédiction depuis 25 ans.

Des tonnes de carton

Les voitures ne sont pas les seules marchandises entreposées au port de Long Beach.

Près des quais d'embarquement, des centaines de tonnes de carton sont empilées.

Le carton est normalement envoyé en Chine, où il est recyclé et sert ensuite à emballer des produits électroniques.

Le ralentissement de la production a fait chuter la demande de carton de recyclage. D'où l'accumulation de la matière, qui gît depuis des mois sous le soleil de la Californie.

«Nous sommes au carrefour de la mondialisation, explique M. Wong. Quand les choses changent, nous sommes souvent les premiers à le constater. Pour le moment, c'est assez impressionnant à voir. Et ce n'est pas très rassurant.»