La confiance des consommateurs qui périclite, le marché du travail qui ralentit, la récession qui menace...

La confiance des consommateurs qui périclite, le marché du travail qui ralentit, la récession qui menace...

Le moment ne pouvait guère être plus mal choisi pour les détaillants.

Avec la saison des Fêtes, une majorité de détaillants entament la période la plus déterminante de l'année pour leurs affaires et leurs prochains résultats financiers.

«Les perspectives du commerce de détail se détériorent. Tout indique que la croissance des ventes des Fêtes cette année sera bien inférieure à celle des années précédentes», avertit la firme de consultants en gestion Ernst&Young, dans son récent rapport sur le marché de la consommation au Canada.

Dans ce contexte, quelle perspective pour les investisseurs boursiers qui souhaitent, malgré tout, avoir quelques titres de détaillants dans leur portefeuille?

En fait, selon des analystes, prendre prétexte d'une conjoncture aussi préoccupante pour bouder systématiquement leurs actions pourrait s'avérer une occasion ratée, dans certains cas.

Deux grandes catégories

Une raison fondamentale?

Le milieu du commerce de détail est considéré selon deux grandes catégories, qui définissent aussi leur vulnérabilité à la conjoncture économique.

Dans la catégorie considérée la moins à risque, il y a les détaillants de biens et de services de base, comme l'alimentation et l'entretien ménager, les vêtements de base, les produits de santé et d'hygiène personnelle.

Dans l'autre, on retrouve les détaillants de biens et de services dits discrétionnaires. C'est-à-dire les articles de mode vestimentaire et d'intérieur, l'électronique de loisirs, les restaurants et les voyages. Cette catégorie est considérée comme plus sensible à la conjoncture économique.

Le présent épisode de ralentissement, sinon de récession, ne fait pas exception jusqu'à maintenant.

Aux États-Unis, où les dépenses de consommation reculent depuis quelques mois, les grands détaillants de vêtements et d'électronique voient leurs ventes chuter de 15% à 20% par rapport à la même période l'an dernier.

Certains se retrouvent déjà en sérieux péril financier, comme l'important détaillant d'électronique Circuit City. Pour endiguer ses pertes, il a décidé la fermeture de 155 magasins, l'équivalent d'un cinquième de tout son réseau.

Les magasins à «escompte»

En contrepartie, malgré le retranchement des consommateurs, des détaillants américains de magasins dits «à escompte», comme Wal-Mart et Costco, continuent d'afficher des résultats enviables dans les circonstances.

Le mois dernier, les magasins Wal-Mart aux États-Unis ont augmenté leurs ventes de 2,4%, ce qui était presque deux fois plus élevé que ce qu'espéraient les dirigeants du plus gros détaillant au monde.

De l'avis d'analystes, un tel essor continu et à contre-courant du marché de la consommation n'est pas très étonnant.

En fait, c'est la démonstration de l'avantage de ce type de détaillants dits à escomptes dans un contexte économique chancelant.

Pour les investisseurs boursiers, les actions de ces détaillants peuvent même s'avérer des titres défensifs en période de ralentissement économique.

Au Canada

Quel parallèle pour les principaux détaillants inscrits à la Bourse de Toronto?

«La faiblesse marquée du commerce de détail aux États-Unis est en train de se propager au Canada. Pour les investisseurs dans ce secteur, mieux vaut préférer les actions des détaillants de base», résume Keith Howlett, analyste en commerce de détail chez Valeurs mobilières Desjardins (VMD), dans une récente note à ses clients-investisseurs.

Cette préférence se manifeste déjà en Bourse.

Selon un relevé de VMD, les actions des principaux détaillants canadiens de biens et services de base ont essuyé un recul d'environ 7% depuis le début de septembre. C'est quatre fois moins pire que l'indice de marché S&P/TSX.

Ce groupe sectoriel comprend les grands détaillants en alimentation Sobeys (IGA), Loblaw (Provigo, Maxi) et Metro, ainsi que Couche-Tard, un important groupe de dépanneurs et de stations-services.

Les chaînes de pharmacies Jean Coutu et Shoppers Drug Mart (Pharmaprix au Québec) se retrouvent aussi dans ce groupe.

Ces détaillants bénéficient des recommandations d'analystes les plus favorables dans le commerce de détail ainsi que des meilleures prévisions de bénéfice par action pour le trimestre qui comprend les deux à trois derniers mois de 2008. (Voir tableau)

Un exemple: les bons résultats trimestriels divulgués cette semaine par Shoppers Drug Mart/Pharmaprix, avec une hausse de 5% des ventes de magasins comparables (ouverts depuis plus d'un an).

«Malgré la conjoncture qui se complique, un détaillant comme Shoppers Drug Mart continue de bien faire en ce qui concerne le ventes et la marge bénéficiaire», a noté Vishal Shreedhar, analyste en commerce de détail chez UBS à Toronto.

Détaillants discrétionnaires

En comparaison, les détaillants de biens et services dits discrétionnaires (vêtements, quincaillerie, loisirs) sont nettement en défaveur en Bourse depuis plusieurs semaines.

Ce groupe comprend notamment Rona (quincaillerie-rénovation) et Canadian Tire, ainsi que des détaillants vestimentaires comme Reitmans et West 49.

L'indice sectoriel de ces détaillants discrétionnaires à la Bourse de Toronto a reculé d'un peu plus de 20% depuis le début de septembre, selon le relevé de VMD.

De prime abord, c'est moins mauvais que le recul de l'indice de marché S&P/TSX. Mais c'est l'une des pires tenues parmi les indices sectoriels autres les matières premières, le pétrole et les services financiers, encore les plus influents à la Bourse de Toronto.

Par contre, soulignent des analystes, c'est lors de telles périodes que les détaillants plus vulnérables au ralentissement économique peuvent démontrer la qualité de leur gestion.

L'exemple le plus récent est celui de Canadian Tire, qui a surpris nombre d'analystes et d'investisseurs cette semaine avec des résultats meilleurs que prévu.

Entre autres, ses ventes de magasins comparables (ouverts depuis plus d'un an) ont crû de 2% au troisième trimestre, après quatre trimestres consécutifs de baisse.

Toutefois, les analystes ont constaté des dépenses encore élevées en améliorations de magasins - des investissements en croissance future selon l'entreprise - ainsi qu'une hausse surprenante du niveau d'inventaire.

«Pour regagner la confiance des investisseurs face à la conjoncture, Canadian Tire devra maintenir la croissance de ses ventes de magasins comparables. Aussi, l'entreprise pourrait avoir à effectuer des soldes imprévus afin de réduire son niveau élevé d'inventaire», a commenté l'analyste Vishal Shreedhar, de la firme UBS.