Des programmes à la pelle... mais aucun plan directeur. Voilà comment certains résument la réponse du Québec au problème toujours plus criant de la pénurie de main-d'oeuvre.

Des programmes à la pelle... mais aucun plan directeur. Voilà comment certains résument la réponse du Québec au problème toujours plus criant de la pénurie de main-d'oeuvre.

La Fédération des chambres de commerce du Québec a organisé hier une journée complète pour discuter du problème du manque de travailleurs au Québec. Un problème de taille: selon un sondage commandé par la Fédération, 84% des entreprises québécoises sont déjà frappées par la pénurie ou prévoient l'être à brève échéance.

Mais l'exercice de réflexion a rapidement tourné au malaise. Le problème: selon plusieurs intervenants, le Québec s'éparpille avec des mesures d'aide qui partent dans tous les sens. Et fait surprenant, ce sont souvent ceux qui dirigent ces programmes... qui les dénoncent le plus fort.

Adèle Girard, par exemple, dirige le Conseil québécois des ressources humaines en tourisme -un organisme soutenu par Emploi Québec pour développer l'emploi en tourisme.

«D'un côté, il y a la gang des entreprises. Ce sont elles qui embauchent et qui ont des problèmes. De l'autre, il y a tout le monde comme nous qui sont là autour pour trouver des solutions -je les appelle, et je m'inclus là-dedans, les grenouilleux. Et les grenouilleux, on a beaucoup de travail à faire pour se placer au service du client plutôt qu'au service de notre organisation.»

Son constat: les organismes d'aide qui travaillent à la formation des travailleurs, à l'intégration des immigrants ou à l'insertion des handicapés sont trop nombreux et ne travaillent pas ensemble.

«Moi je pense qu'il y a trop de monde qui veut aider, a-t-elle dit à La Presse Affaires. L'aide devrait être organisée autour de l'entreprise, alors qu'actuellement elle est structurée à partir des partenaires gouvernementaux.»

Sa solution?

«Je fermerais tous ces petits programmes-là, je mettrais tout l'argent dans un pot, et je le rendrais disponible aux entreprises qui sont prêtes à mettre 50% de la solution. Tu veux une piastre pour t'aider? Ben mets une piastre.»

Mme Girard était loin d'être seule à tenir de tels propos hier.

«Il y en a des outils (d'aide aux entreprises), c'est une prolifération, a lancé lors d'une plénière Sylvie Gagnon, directrice de Technocompétences, un organisme qui travaille au développement de la main-d'oeuvre dans le secteur des technologies de l'information. Je pense qu'au Québec on est très créatif, on en produit des nouveaux tout le temps. Mais est-ce qu'on pourrait faire fonctionner ceux qui sont là?»

Où sont les gens d'affaires

Mme Gagnon a incité à regarder dans la salle. Pas moins de trois ministres provinciaux se sont succédé au micro hier - Michelle Courchesne, de l'Éducation, du Loisir et du Sports, Sam Hamad, de l'Emploi et de la Solidarité sociale, et Yolande James, de l'Immigration. Dans les ateliers, les fonctionnaires et les représentants des commissions scolaires étaient partout. Le hic: la journée était annoncée comme un "rendez-vous des gens d'affaires".

«Des entreprises, il n'y en a quasiment pas. Y'a quelque chose qui cloche quelque part!» a-t-elle lancé.

«Il y a énormément d'offre disparate, et il n'y a pas réellement, aujourd'hui, de plan directeur. (...) Nous sommes en train d'improviser des solutions», a aussi lancé Aïda Kamar, présidente de Vision Diversité.

Un constat que partage Altitude Concepts, une PME qui organise par exemple des événements spéciaux pour des entreprises qui veulent épater leurs clients. La pénurie de personnel, la petite boîte de 18 employés la vit tous les jours. Faute de recruter assez de personnel d'expérience, elle doit refuser des contrats.

Les programmes d'aide? «Le problème, c'est que c'est très complexe, dit Didier Reinach, vice-président au développement. Il y a tellement d'aide disséminée à droite et à gauche, il y a tellement d'interlocuteurs que ça demande presque'une expertise complète juste pour ça.»

Le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, Sam Hamad, affirme avoir fait beaucoup d'efforts pour «réduire la paperasse» relative aux programmes d'aide. Est-ce que le système est encore trop compliqué? «C'est toujours compliqué. Gérer des fonds publics, ça prend plus de paperasse que gérer votre portefeuille. C'est normal.»