C'est rare, mais cette fois-ci, les spécialistes des devises sont sans réponse, incapables de prédire à quel moment notre huard doré cessera sa chute.
C'est rare, mais cette fois-ci, les spécialistes des devises sont sans réponse, incapables de prédire à quel moment notre huard doré cessera sa chute.
«Écoutez, on a faibli de 22% en trois semaines, explique François Bélanger, directeur général, marchés des devises, chez BMO marchés des capitaux. C'est certain que je serais mal placé de vous dire avec aplomb que ça va arrêter à 80 cents puis on revient.»
Hier, en fin de séance, le huard n'était pas encore à 80 cents US, mais s'en rapprochait rapidement, avec une clôture à 82,39 cents US, en baisse de 1,38 cent. Il s'agit de son niveau le plus bas depuis plus de trois ans. Ce mois-ci seulement, il a perdu 12%.
Quand s'arrêtera la plongée? Hughes Lajeunesse, vice-président chez BNP Paribas Canada, est aussi sans réponse. «C'est la question à 100 000$... Il y a énormément d'incertitude dans le marché.»
Pourtant, le marché s'attendait à une baisse de 50 points de la part de la Banque du Canada hier. La coupe n'a été que de 25 points. Le huard aurait donc dû remonter un peu.
C'est toutefois le ton du communiqué, qui laisse présager d'autres baisses de taux, qui a fait réagir le marché. Le ton de la prose du gouverneur Mark Carney et son groupe, mais aussi autre chose: un marché des devises que personne ne reconnaît.
«Les fondamentaux ne sont plus là, explique M. Bélanger. Les points techniques de mouvements de devises n'existent plus. La logique de marché n'est plus là. On est dans des eaux qu'on n'a jamais vraiment vues.»
Bref, c'est le brouillard. Un épais brouillard. «À ce moment-ci, la tendance reste très, très lourde sur le dollar canadien, souligne M. Lajeunesse. Je ne vois pas de renversement à court terme.»
À la Banque Laurentienne, François Barrière espère voir plus clair à la fin du mois, quand les entreprises rapporteront leurs résultats et que d'importantes transactions -qui nécessitent des capitaux- doivent avoir eu lieu.
Le vice-président au développement des affaires sur le marché des devises de la Laurentienne y va même d'une prévision pour la fin de 2008... en mettant des bémols à ses chiffres. «Mettons entre 81 cents US comme bas et 87 cents US comme haut. Ça risque d'être la zone de fin d'année, puis on va swinguer là-dedans. Mais c'est pas clair», dit François Barrière.
Et pour 2009, qui sera là dans moins de trois mois? Autour de 89 cents US, dit M. Barrière, en mettant encore plus de bémols. «Je ne fais pas beaucoup de prévisions à long terme, tant que je n'ai pas de données économiques sous la main.»
Plus que le pétrole
Comme d'habitude, le prix du pétrole et des autres matières premières qui coulent à pic fait plonger le huard. Les autres devises qui dépendent fortement du prix de ces matières baissent aussi plus que les autres.
Mais il y a aussi la force du dollar américain. Pas parce que l'économie américaine se porte bien, on l'aura compris, mais parce que bien des entreprises rapatrient de leurs avoirs au sud du 49e parallèle. Et elles le font en dollars US.
Aide aux exportateurs?
«Les gens n'achètent pas du dollar américain parce que c'est une devise refuge, ajoute M. Bélanger. Il y a une demande structurelle de dollar US à cause de la débandade du marché américain.»
La question, maintenant, c'est de savoir si cette dégringolade du huard aidera les exportateurs canadiens, eux qui ont vu le huard atteindre 1,09$US en novembre dernier. Un écart de 24% en moins d'un an.
«Au premier semestre de 2009, même si la devise est faible, ça ne veut pas dire que ça va faire de meilleurs revenus aux exportateurs, explique M. Barrière. Ils sont pris avec les contrats (sur les devises) qu'ils ont pris l'été passé... Ça peut prendre de six à neuf mois avant que ça ait une répercussion importante sur les exportations, sur la valeur des exportations.»
D'ici là, les Snowbirds auront eu le temps d'envahir la Floride et, eux, vivront la différence de taux.
DES VACANCES PLUS CHÈRES SAUF AU MEXIQUE
Variation du huard depuis le début de l'année
Dollar US -17,8%
Euro -8,1%
Franc suisse -8,4%
Yen japonais -19%
Peso mexicain +5,3%
Source: Bloomberg