Un promoteur immobilier devra verser plus de 550 000$ en compensation à la Société Radio-Canada (SRC) et à un organisme qui finance la construction de logements sociaux, à la suite du retentissant échec de son projet de condominiums dans les stationnements de la société d'État, en 2004.

Un promoteur immobilier devra verser plus de 550 000$ en compensation à la Société Radio-Canada (SRC) et à un organisme qui finance la construction de logements sociaux, à la suite du retentissant échec de son projet de condominiums dans les stationnements de la société d'État, en 2004.

Les Entreprises de construction du Versant, qui poursuivaient la SRC pour plus de 7,6 millions en lui reprochant d'être responsable de cet échec, ont été condamnées à verser 200 000$ à Radio-Canada et 350 000$ à l'organisme Inter-Loge Centre-Sud. Le Versant, dirigé par le promoteur immobilier Raymond Lessard, devra aussi payer les intérêts sur le montant dû à Inter-Loge, depuis quatre ans, ainsi qu'une somme de 5000$, pour des frais d'expertise.

Selon le juge Pepita G. Capriolo de la Cour supérieure, «la preuve n'a aucunement démontré que SRC ait agi abusivement ou de mauvaise foi», en avril 2004, lorsqu'elle a mis fin aux pourparlers avec M. Lessard pour la vente d'une partie des immenses terrains qu'elle possède, dans les environs immédiats de sa tour du boulevard René-Lévesque, à l'est du centre-ville de Montréal.

Selon le jugement, la SRC «pouvait douter légitimement du sérieux des intentions de Le Versant», après presque deux ans de négociations, marquées par des retournements de situation surprenants et par le défaut du promoteur de remplir ses obligations légales et administratives dans ce dossier, dont l'origine remonte aussi loin qu'en 2002.

Projet de condos

En 2001, la société d'État cherche à vendre ses terrains, présentement occupés par des stationnements, pour financer la rénovation de son bâtiment principal, la célèbre tour hexagonale du boulevard René-Lévesque est, dans le Centre-Sud.

En octobre 2002, la SRC et le Versant signent une offre d'achat pour des parcelles de terrains représentant un peu plus de 7% de l'ensemble de la propriété, à un coût de 30$ par pied carré. Les deux parties ne savent pas, à cette époque, que l'arrondissement de Ville-Marie, de la Ville de Montréal, exigera un plan de développement touchant l'ensemble de la propriété de la société.

Plus grave encore, l'arrondissement refuse net le projet de M. Lessard qui souhaite construire six immeubles à condos de trois étages de haut en bordure du boulevard René-Lévesque. Les autorités municipales réclament des immeubles d'au moins six étages. Le 10 décembre 2002, l'offre d'achat d'octobre expire, sans que M. Lessard y donne suite.

En janvier 2003, l'espoir renaît, avec l'entrée en scène de l'organisme Inter-Loge Centre-Sud. L'organisme à but non lucratif finance la construction de logements sociaux et envisage de s'associer au Versant pour la mise en valeur des terrains de Radio-Canada.

Le 11 février 2003, Le Versant signe un protocole d'entente conditionnel avec Inter-Loge pour 120 logements adaptés pour personnes âgées en perte d'autonomie (P.A.P.A.).

Quelques jours plus tard, un consultant de la SRC appelle Raymond Lessard pour lui apprendre que les discussions entre Radio-Canada et l'arrondissement de Ville-Marie ont progressé. La réaction du promoteur immobilier n'est pas du tout celle qu'on attendait.

Au lieu de se réjouir de ces progrès, l'avocat du promoteur immobilier, Me Robert Talbot, écrit à la SRC pour se plaindre que Le Versant est «pris en otage» entre la société d'État et l'arrondissement. La lettre, souligne le juge, contient "une menace de poursuites à venir" contre la SRC.

Des ententes, pas de terrain

"Le 11 avril 2003, résume le juge Capriolo, M. Lessard est dans la position fort ambiguë d'avoir un protocole d'entente conditionnel avec Inter-Loge pour la construction d'un projet sur un terrain qui ne lui appartient pas, mais, qui plus est, appartient à un tiers qu'il menace de poursuites, et avec qui il serait "farfelu et inutile" de négocier".

Les négociations se poursuivent pourtant entre le promoteur et Inter-Loge. En mai, un projet d'ensemble comprenant 120 logements sociaux et des immeubles à condos de trois étages est soumis à l'organisme. Les discussions reprennent aussi entre la SRC et Lessard et une nouvelle offre d'achat est signée en septembre 2003.

En août, puis en septembre, Inter-Loge émet des chèques de 150 000$ et 200 000$ à Le Versant, en dépôt de garantie, malgré des désaccords croissants quant à certaines des caractéristiques des logements sociaux (climatisation, balcons, etc.)

En novembre 2003, rien ne va plus. Un projet d'acte de vente des terrains, envoyé à M. Lessard, reste sans réponse. La Ville de Montréal exige une étude de sols avant que les terrains soient subdivisés. Les relations entre Le Versant et ses architectes sont rompues. Le promoteur accuse ceux-ci d'avoir défoncé son budget de 2 millions!

En janvier 2004, l'arrondissement approuve la subdivision des terrains et la SRC prévient Lessard que le délai de 10 jours prévu à l'offre de septembre 2003 commence à courir. Les délais sont repoussés à plusieurs reprises. Mais, le 6 avril, la SRC met fin à ce tourbillon de négociations.

Quant à Inter-Loge Centre-Sud, ses responsables n'apprendront l'état des relations entre Le Versant et la SRC que trois mois plus tard, au début de juillet 2004! L'organisme a inscrit une poursuite pour récupérer les 350 000$ remis en dépôt à Raymond Lessard en décembre 2004.

Les responsables du dossier à la SRC et chez Inter-Loge n'étaient pas disponibles, hier, pour commenter le jugement. Les messages laissés par La Presse aux bureaux de Les Constructions du Versant, fermés pour les vacances de la construction, sont aussi restés sans réponse.