«Il y a une culture du silence qui banalise les accidents de travail, au point où les jeunes travailleurs considèrent que ça fait partie de la réalité du marché du travail», dit Anne-Marie Angers-Trottier, intervenante pour Les Toiles des jeunes travailleurs et travailleuses.

«Il y a une culture du silence qui banalise les accidents de travail, au point où les jeunes travailleurs considèrent que ça fait partie de la réalité du marché du travail», dit Anne-Marie Angers-Trottier, intervenante pour Les Toiles des jeunes travailleurs et travailleuses.

Un phénomène qui serait particulièrement marqué dans les petits commerces au détail et dans le secteur de la restauration et des bars.

«Quand on demande aux jeunes de parler de leur travail, leur premier réflexe est de dire que tout va bien. Mais quand on leur demande s'ils se sont déjà blessés, s'ils se sont déjà brûlés ou s'ils ont déjà fait une chute au travail, la grande majorité va dire oui! explique-t-elle. Il faut creuser et poser des questions pour se rendre compte de l'ampleur du phénomène.»

La «loi» de la restauration et des bars

Julie est une jeune diplômée universitaire. La culture du silence dont parle Anne-Marie Angers-Trottier, elle la connaît bien. De 19 à 24 ans, elle a travaillé comme serveuse dans plusieurs bars et restaurants déjeuner. Aujourd'hui, elle aussi dénonce le phénomène de banalisation qui règne dans ce milieu.

«Tout le monde qui travaille dans un restaurant se coupe, se brûle ou glisse au moins une fois sur le plancher. Et tout le monde tient pour acquis que c'est inévitable et que c'est "normal". C'est comme une "loi" non écrite. On considère que les accidents font partie de l'apprentissage, souligne-t-elle. Moi, la première fois que je me suis ébouillantée avec une machine à café, on m'a dit: tu viens d'apprendre comment ça marche!»

Placés dans des situations de travail sous pression où la rapidité d'exécution est recherchée, les statistiques montrent que les jeunes travailleurs du domaine de la restauration sont particulièrement exposés aux risques d'accident.

Malgré tout, ils sont peu portés à dénoncer les pratiques qu'ils jugent dangereuses. «Souvent, ils vont accepter des conditions difficiles, au risque de se blesser, pour ne pas compromettre leur emploi, dit Mme Angers-Trottier. Il ne faut pas oublier que la plupart de ces jeunes ne sont pas syndiqués et qu'ils n'ont aucune protection. Ils ont donc avantage à être le plus conciliant possible.»

Interrogés, les jeunes disent qu'ils occupent des emplois temporaires de courte durée et que par conséquent, améliorer leurs conditions de travail n'en vaut pas la peine. Ils disent également avoir peur de nuire au climat de travail et d'être marginalisés par leurs collègues s'ils se plaignent.

Finalement, beaucoup croient que les lois et les normes du travail ne s'appliquent pas à eux parce qu'ils occupent des emplois temporaires ou à temps partiel.

Au cours de ses années de travail dans la restauration, Julie dit avoir dénoncé à plusieurs reprises des situations qui lui semblaient inacceptables. La plupart du temps, sans succès! «Quand tu vas voir ton supérieur pour dénoncer une situation et qu'il ne fait rien, il n'y a pas grand-chose de plus que tu peux faire.»

Selon elle, les commerçants retrouvent chez les jeunes un important bassin de main-d'oeuvre prête à faire les concessions nécessaires pour intégrer le marché du travail. «Parce que c'est payant, il va tout le temps y avoir quelqu'un prêt à prendre ta place et faire ce qu'il faut pour avoir l'emploi», souligne-t-elle.

Pour Anne-Marie Angers-Trottier, la faute n'est pas tant aux employeurs qu'à l'absence généralisée de conscientisation dans tout le milieu. «Les employeurs ne sont pas de mauvaise foi. Ils croient que leur commerce est totalement sécuritaire et que s'il n'y pas de sang ou de blessés graves, il n'y a pas d'accident, dit-elle. Ils se fient sur le gros bon sens des jeunes pour apprendre leur travail et assurer leur propre sécurité. Mais quand on regarde le nombre d'accidents qui survient chaque année, on voit que juste le gros bon sens, ça ne suffit pas!»

Anne-Marie Angers-Trottier rappelle que tous les employeurs devraient avoir en leur possession des formulaires de déclaration d'accident et que les jeunes devraient prendre l'habitude de les remplir lorsqu'un accident survient.

«Dans la plupart des cas, le but n'est pas d'obtenir une compensation ou un arrêt de travail, mais d'attirer l'attention sur une situation potentiellement dangereuse et d'offrir une certaine protection au jeune si des complications devaient survenir par la suite.»

INFORMATIONS ET CONSEILS

Les travailleurs qui voudraient obtenir des informations concernant leurs droits au travail ou des conseils pour améliorer leurs conditions de travail peuvent communiquer avec l'organisme Les Toiles des jeunes travailleurs et travailleuses au 514-699-0580.