Les symptômes d'épuisement du secteur manufacturier en fin d'année se multiplient et tout indique que le patient n'est pas au bout de ses peines.

Les symptômes d'épuisement du secteur manufacturier en fin d'année se multiplient et tout indique que le patient n'est pas au bout de ses peines.

La convalescence pourrait exiger assez de temps d'ailleurs pour plonger le Québec, mais surtout l'Ontario, en récession technique.

Vendredir, Statistique Canada nous a appris que les ventes des fabricants avaient chuté de 3,4% en décembre tandis que la valeur des nouvelles commandes avait reculé pour une neuvième fois en 11 mois.

Il s'agit du repli des livraisons manufacturières le plus important depuis août 2003, quand l'Ontario avait été paralysé durant une semaine par une panne majeure de courant.

La province voisine est encore la grande victime de la présente léthargie. Ses usines ont diminué la valeur de leurs expéditions de 6,4%. Au Québec, le repli a été limité à 2,1%.

S'il est vrai que 16 des 21 industries manufacturières ont fait marche arrière durant décembre, les ventes des constructeurs de véhicules automobiles se sont effondrées de 24,9%. Il s'agit de la pire baisse mensuelle depuis 1996.

Le gros de la production automobile canadienne (ontarienne) traverse la frontière où le consommateur est moins empressé de l'acheter que d'habitude.

Au Canada, par contre, le scénario est différent puisque les ventes de véhicules neufs ont augmenté de 4,8% sur celles de novembre et que les rabais annoncés en janvier ont augmenté l'achalandage des salles de démonstration. Mais notre consommation, toutes marques confondues, fait à peine le poids de la production ontarienne.

Les constructeurs canadiens ont prolongé le temps de fermeture généralement nécessaire au réoutillage ou à l'inventaire. Les perspectives du secteur restent sombres, malgré l'ouverture prochaine de l'usine Toyota à Woodstock, qui embauchera 2000 ouvriers.

On a appris vendredi que l'Indice de confiance des consommateurs de l'Université du Michigan avait plongé sous la barre des 70 points, «un seuil toujours associé à une réduction des dépenses réelles de consommation», fait remarquer Stéfane Marion, économiste en chef adjoint à la Financière Banque Nationale.

«La croissance de l'économie ontarienne est de toutes les provinces canadiennes celle qui est la plus tributaire des États-Unis, rappelle Robert Kavcic, analyste économique chez BMO Marchés des capitaux. Puisque l'économie américaine vacille cette année, la croissance de l'Ontario sera limitée à 0,9% et on ne peut écarter les risques de récession.»

M. Kavcic fait des prévisions de croissance aussi sombres pour le Québec, compte tenu des déboires du secteur forestier. Il croit qu'une récession peut être écartée plus facilement qu'en Ontario cependant «à cause de la vitalité du consommateur» et d'une dépendance moins grande des États-Unis.

Selon Statistique Canada, la valeur des commandes en carnet a quand même atteint un niveau record de 57,4 milliards, grâce surtout aux secteurs aérospatial et ferroviaire, deux industries très présentes au Québec.

L'agence fédérale précise aussi que les commandes en carnet dans ce dernier cas ont bondi de 19,4%, en raison de contrats de voitures de train de banlieue.

Le 18 décembre, l'Agence métropolitaine des transports a commandé 160 voitures à Bombardier qui seront assemblées à La Pocatière.

«En tant que ministre des Finances, je suis surtout inquiet pour l'Ontario, la province où je vis», a déclaré vendredi à Toronto Jim Flaherty. Il croit néanmoins que le Canada saura traverser le passage à vide de l'économie américaine.

BMO Marchés des capitaux fixe la croissance canadienne cette année à 1,5% seulement, soit moins que le 1,8% prévu par la Banque du Canada.

Le dernier trimestre de 2007 risque en revanche d'être beaucoup plus faible que prévu. On avait appris jeudi que la balance commerciale s'était gravement détériorée en décembre.

Vendredi, avec le repli des livraisons manufacturières, encore plus grave lorsqu'il est exprimé en volume plutôt qu'en valeur, les possibilités que l'économie se soit contractée en décembre ont augmenté.

«Comme l'importance relative du secteur manufacturier dans l'économie canadienne est d'environ 15%, le recul des livraisons manufacturières pourrait à lui seul engendrer une baisse de près de 0,9% du PIB réel en décembre, note Benoit P. Durocher, économiste au Mouvement Desjardins. Force est de constater que le manque à gagner semble particulièrement important.»

«Notre prévision préliminaire est pour un recul de 0,5% par rapport à novembre où la croissance s'était élevée à 0,1% seulement, avance Ted Carmichael, économiste principal chez JP Morgan Canada. Nous ramenons de 1,0% à 0,8% sur une base annuelle notre pronostic pour l'ensemble du trimestre.»

Devant pareil constat, on ne peut s'étonner que le huard se soit replié de 72 centièmes contre le billet vert. Il cotait 99,26 cents US en clôture.