La crise économique. C'est l'un des thèmes majeurs de la présente campagne électorale. Comment la crise bouleverse-t-elle concrètement la vie des Québécois?

La crise économique. C'est l'un des thèmes majeurs de la présente campagne électorale. Comment la crise bouleverse-t-elle concrètement la vie des Québécois?

Parfois brutalement, parfois insidieusement, le tsunami financier qui a frappé les États-Unis déferle aussi chez nous. Voici quelques visages de cette crise.

Jean-Philippe Tardif est courtier. Il gère les portefeuilles de 300 clients, dont une centaine sont à la retraite ou à la veille de faire le grand saut. Ces derniers mois, il a été assailli d'appels de ses clients, paniqués par la chute brutale de leurs placements en Bourse. Quand ils l'appellent, certains d'entre eux pleurent au téléphone. Les rencontres de planification financière sont déchirantes. Certains couples se brisent même sur cet écueil financier.

«Parfois, en partant, je leur laisse des références pour qu'ils consultent. Leur problème dépasse mes compétences. Je suis en finance. Je ne suis pas psychologue.»

Jean-Philippe Tardif a accepté de nous raconter le quotidien d'un courtier en temps de crise si nous changions son nom. Il ne voudrait surtout pas que ses clients perdent confiance en l'entreprise qui l'emploie. Dans le milieu financier, projeter une image de succès, c'est primordial. Et c'est aussi vrai dans la vie de certains retraités, raconte M. Tardif. Après des années d'excellents rendements à 10 ou 12%, certains clients se sont habitués à dépenser sans compter. L'un d'eux a acheté un spa à 10 000$. L'autre s'est endetté avec un gros Winnebago.

«On a beau leur dire: «Attention, ce sont des années exceptionnelles», on dirait que ça n'entre pas.» Les chutes des cours de la Bourse ont donc causé un choc majeur à ces retraités dépensiers, qui doivent maintenant faire leur deuil des voyages, des spas et des nouveaux meubles.

«On essaie de regarder avec eux: pouvez-vous être heureux en faisant des activités différentes? De la randonnée pédestre, de la natation, du bowling avec les amis?»

Dans certains couples, ce changement soudain dans le train de vie cause d'importantes frictions.

«Parfois, il y en a un qui dépense plus que l'autre, qui lui dit: «C'est à cause de toi qu'on est dans le pétrin.» En fait, je ne me rappelle pas avoir vu autant de divorces en un trimestre», dit M. Tardif.

Retour au travail

L'autre éventualité pour ces retraités, c'est, évidemment, de retourner travailler. Denise Berthelet, 70 ans, a vu la plupart de ses amis, retraités d'Hydro-Québec comme elle, retourner sur le marché du travail au fil des ans. «Je suis parmi les chanceuses qui n'ont pas eu à retourner travailler», souligne-t-elle.

Mme Berthelet a quitté la société d'État dans la vague de mises à la retraite du gouvernement Bouchard, en 1997. Elle a laissé son travail avec, en poche, la totalité de sa caisse de retraite. Un demi-million.

«Certains sont partis avec cet argent et ils ont fait de grosses dépenses. Moi, j'ai toujours été très, très prudente. Dans la tête de mes amis, j'aurais pu l'être moins. Mais je voulais dormir la nuit», raconte-t-elle.

Sa prudence a été payante. Il y a six mois, elle a eu un éclair de génie : elle a transformé la quasi-totalité de ses actions en obligations. Ses amis, eux, ont vu le cours de leurs actions chuter. «Ils étaient partis en peur dans les placements. Certains ont fait des placements à très haut risque. La crise actuelle les fait paniquer», dit-elle.

D'autant plus qu'un bon nombre d'entre eux ont dû retourner travailler dans les grands magasins, le transport adapté, les groupes communautaires. Le quotidien d'une retraite assombrie par les nuages de la crise économique.