Les deux tiers des étudiants en droit sont des femmes. Pourtant, à peine le quart des associés des grands cabinets sont féminins. Machos, les grands cabinets? Ou simple période de transition?

Les deux tiers des étudiants en droit sont des femmes. Pourtant, à peine le quart des associés des grands cabinets sont féminins. Machos, les grands cabinets? Ou simple période de transition?

L'avocate Kim Thomassin n'a pas hésité bien longtemps, l'été dernier, lorsque le grand patron de McCarthy Tétrault, W. Iain Scott, lui a proposé de prendre la direction du bureau de Québec.

Malgré un horaire déjà chargé, de nombreux déplacements et une petite fille de 17 mois qu'elle élève seule, elle a dit oui sur-le-champ.

"C'était une belle marque de confiance et j'avais envie de relever ce défi", dit la jeune associée de 36 ans, qui dirige aujourd'hui une équipe de 57 personnes du bureau de la Vieille Capitale.

Dans son milieu professionnel, Kim Thomassin est une exception. Elle est une des rares femmes au Canada à diriger un bureau régional d'un grand cabinet national - et la seule au Québec. Un peu comme en politique ou dans les grandes entreprises, les patronnes sont encore peu nombreuses dans les grands cabinets d'avocats.

Les femmes sont aussi en minorité à accéder au statut d'associé, alors qu'en moyenne, plus des trois quarts des associés avec participation aux profits des grands cabinets sont masculins. Pourtant, près des deux tiers des étudiants en droit dans les facultés du Québec sont des étudiantes, et environ 65% des avocats ayant moins de 10 ans de pratique sont des femmes, estime le Barreau du Québec.

Machos, les grands cabinets? Chose certaine, à quelques jours de la Journée internationale de la femme, on peut certes se poser la question. Mais les réponses sont loin d'être évidentes.

Lise Bergeron, 60 ans, associée, estime que la situation des femmes a bien changé au fil du temps, elle qui en est à sa 37e année chez Ogilvy Renault. Elle dit n'avoir jamais ressenti de discrimination. Elle est aussi d'avis que le "déficit" d'associés des femmes vis-à-vis de leurs collègues masculins devrait se résorber dans les prochaines années, à mesure que les nouvelles cohortes de diplômés feront leur marque sur le marché du travail.

Cela dit, il faut bien l'admettre, devenir associé est bien plus difficile aujourd'hui qu'il y a une dizaine d'années, autant pour les hommes que pour les femmes. Cela demande un investissement personnel considérable: temps, énergie, compétences, etc. En cabinet privé, l'horaire de l'avocat est constamment soumis aux exigences des clients. Il n'y a pas de 9 à 5. Et la conciliation travail-famille est bien plus un mythe qu'une réalité.

Un objectif difficile

Pour beaucoup de femmes, surtout celles qui ont des enfants ou veulent en avoir, devenir associée est tout simplement un objectif irréalisable. Lorsqu'elles s'en rendent compte, elles quittent leur poste pour les contentieux d'entreprise, les agences gouvernementales ou les plus petits cabinets, là "où les horaires sont plus prévisibles", dit Dominique Tardif, directrice de la firme de recrutement juridique ZSA à Montréal.

C'est ce qui arrivé à Pascale Pageau, 33 ans. Après avoir passé huit ans chez Desjardins Ducharme, puis chez BCF, elle a décidé, en 2005, de fonder son propre cabinet, parce que les horaires exigés pas ses anciens patrons ne lui permettaient pas de s'occuper convenablement de ses deux enfants.

"Il fallait que je paye quelqu'un juste pour aller les chercher à la garderie!" dit celle qui a longtemps rêvé de devenir associée, avant de réaliser qu'elle n'était pas prête à sacrifier sa vie familiale pour cet objectif.

Pour les grands cabinets, la rétention du talent féminin est d'ailleurs devenue une préoccupation majeure, mais "ils n'ont pas encore trouvé la solution", dit Dominique Tardif.

Chez McCarthy Tétrault, on a pris des mesures pour y remédier. Par exemple, on a mis sur pied un groupe de travail, formé de quatre associées, qui joue un rôle important dans la progression des femmes au sein du cabinet. Le groupe assure aussi la liaison avec le conseil et l'équipe de direction. De plus, on a créé le comité des femmes, composé de huit avocates, chargé d'établir un réseau à l'échelle nationale.

Plus concrètement, on a mis sur pied des programmes d'horaires flexibles au retour d'un congé de maternité, accommodement qui n'existait pas il y a quelques années à peine.

"La situation des femmes dans les grands cabinets a beaucoup évolué", dit Anne-Marie Sheehan, 42 ans. Il y a 18 ans, dit-elle, lorsqu'elle a débuté chez McCarthy, ce type d'horaires flexibles était inimaginable, alors qu'aujourd'hui le cabinet accepte de négocier des ententes au cas par cas et selon les besoins de ses avocates.

Et ça marche? En tout cas, cela a permis à Mme Sheehan d'élever ses trois enfants, dont des jumeaux, tout en réussissant à devenir associée.

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