Ça lui aura pris 32 ans, mais il y est arrivé. En plein scandale des commandites, alors que Jean Pelletier et Marc LeFrançois se font montrer la sortie de VIA Rail, Paul Côté, homme issu de la base, débarque dans le fauteuil du grand patron. Belle ambiance pour commencer

Ça lui aura pris 32 ans, mais il y est arrivé. En plein scandale des commandites, alors que Jean Pelletier et Marc LeFrançois se font montrer la sortie de VIA Rail, Paul Côté, homme issu de la base, débarque dans le fauteuil du grand patron. Belle ambiance pour commencer

«Une entreprise qui perd son président et son président du conseil coup sur coup, ça ébranle, raconte aujourd'hui Paul Côté. Il y avait de l'incertitude, les gens étaient inquiets.»

Retour au printemps 2004. VIA Rail fait les manchettes non pas en raison de l'heure d'arrivée de ses trains, mais parce que la vérificatrice générale du Canada, Sheila Fraser, a associé la société de la Couronne au scandale des commandites.

«Le dossier des commandites», reformule M. Côté.

En rajoutant, le président du conseil de l'époque, Jean Pelletier, qualifie Myriam Bédard de «pauvre fille qui fait pitié».

L'éphémère gouvernement Martin congédie alors Jean Pelletier. Puis, cette même semaine de mars, Marc LeFrançois se fait aussi montrer la sortie en raison de contrats octroyés à Lafleur Communication. Ouf!

«C'est certain que c'est paniquant quand on a une fierté», confie Paul Côté, assis dans le bureau de son prédécesseur, Marc LeFrançois.

Surtout, ajoute-t-il, que «les gens chez VIA sont fiers de l'entreprise, ils ont un grand sentiment d'appartenance». Une fierté qui venait d'en prendre pour son rhume.

Paul Côté connaît bien les travailleurs de VIA. Lui-même a commencé comme vendeur au téléphone au Canadien National en 1972. Le 15 mai, précise-t-il, comme si c'était hier. Un emploi d'été qui n'a jamais pris fin.

Et, quand le gouvernement Trudeau a créé VIA en 1977, il a quitté la direction de la Gare centrale de Montréal et suivi d'autres collègues du CN qui voulaient rester dans le transport de passagers.

A-t-il un petit côté kamikaze pour venir s'asseoir dans la chaise du président et chef de la direction en pleine période de scandale, de surcroît par intérim la première année?

«Ma réaction, mon cher monsieur, c'est que c'était la réalisation d'un rêve personnel que j'avais depuis plusieurs, plusieurs années. J'avais comme objectif personnel d'atteindre la présidence un jour. J'étais conscient des défis, de la situation dans laquelle je me retrouvais.»

Service à la clientèle

Le rêve réalisé, il se met au travail, pour que le scandale n'affecte pas trop le moral des troupes.

«Le message-clé était celui-là: concentrez-vous sur le service à la clientèle. Laissez le dossier des commandites à la gestion.»

Le service à la clientèle. Si quelque chose anime Paul Côté, c'est bien ça. Au point d'en faire le pilier de sa stratégie d'entreprise.

«Transiger avec le client, c'est ce qui me manque, ce que je trouve difficile dans des postes comme le mien Le défi, c'est de rester en contact avec la clientèle.»

Les résultats d'un sondage Léger Marketing, publié dans le dernier numéro de Commerce, lui ont donc fait un petit velours. Peut-être même un grand. VIA arrive au 20e rang du palmarès des entreprises les plus admirées au Québec.

Un bond de 10 places par rapport à l'an dernier. Et surtout, la société d'État est première parmi les entreprises de transports.

Quand on lui demande s'il a un conseil à donner aux dirigeants d'Air Canada (qui passe de la 36e à la 63e place cette année), Paul Côté déballe sa recette: «Pensez à vos clients Les gens qui ont du succès dans notre secteur sont ceux qui ont réussi à ne jamais, jamais oublier le client. Les autres préoccupations sont des préoccupations corollaires. Si on perd ça de vue, c'est là qu'on s'embourbe dans toutes sortes de problèmes.»

Cette approche axée sur les clients date du milieu des années 90, après d'importantes compressions chez VIA, époque à laquelle le personnel cadre et administratif a été réduit des deux tiers pour concentrer le plus d'énergie possible au service à la clientèle.

«Un changement de culture extrêmement important», se rappelle-t-il.

C'est justement en pensant au service à la clientèle que, l'automne dernier, Ottawa a annoncé un investissement de près de 700 millions de dollars chez VIA, question de retaper les trains, rendre les locomotives plus fiables et améliorer les infrastructures pour augmenter la fréquence.

Le dernier investissement significatif avait eu lieu au printemps 2001, avec l'achat des trains Renaissance... et les nombreuses critiques qui ont accompagné leur mise en service.

Quand on voit la progression fulgurante qu'a connue le CN après sa privatisation, on ne peut pas rencontrer le président de VIA sans lui demander si l'avenir de l'entreprise ne serait pas meilleur avec une injection de capitaux privés.

À cette question, le patron s'en remet à ses patrons. «C'est une question qui ne relève malheureusement pas de moi.»

Et pour ce qui est du scandale - oups! du «dossier» - des commandites, celui qui l'a amené à diriger VIA, Paul Côté pense que la page a été tournée avec le dépôt du rapport Gomery.

«Il n'y avait que deux pages et demie sur 700 pages sur VIA dans le rapport Gomery... La première preuve qu'on avait clairement que ce n'était pas un aussi gros problème pour VIA.»

DES RÉFLEXIONS SUR...Le TGV

«C'est une alternative attrayante. Il y a d'autres alternatives.»

Ses convictions politiques

«Moi, je fais du chemin de fer.»

Une entreprise privée ou d'État ?

«Un changement de gouvernement, c'est la même chose que lorsqu'une entreprise est cédée à un autre groupe d'actionnaires... Quand le gouvernement change, il faut s'attendre à ce qu'il y ait des questionnements.»

Son entregent

«Entrer dans une gare sans dire bonjour ou dans un train et s'enfermer dans son compartiment et mettre le nez dans ses dossiers sans parler aux clients ni aux employés, je pense que ce n'est pas respectueux. Ce n'est pas mon genre.»