Cédant à la pression, la Caisse de dépôt a finalement décidé de lever le voile sur son exposition au marché du papier commercial en crise.

Cédant à la pression, la Caisse de dépôt a finalement décidé de lever le voile sur son exposition au marché du papier commercial en crise.

L'institution détient 13,2 milliards de ce produit financier structuré, un niveau qui fait craindre au PQ et à l'ADQ des pertes de plus de 3 milliards.

Le PDG de la Caisse, Henri-Paul Rousseau, a toutefois demandé mercredi aux politiciens d'être prudents, puisque rien ne permet actuellement d'en arriver à de telles estimations de pertes pour ce papier commercial adossé à des actifs (PCAA).

D'abord, a-t-il dit, sur les 13,2 milliards en jeu, la portion de la Caisse qui est exposée aux hypothèques américaines à taux élevé (subprime) est de moins d'un milliard de dollars.

Dans le pire des scénarios, dit-il, les provisions de pertes de ce type de papier contaminé sont de 50%, ce qui représenterait 500 M$ pour la Caisse.

«Une telle provision aurait un impact de 0,3% sur le rendement de la Caisse, ce qui n'est pas de nature à changer les équilibres financiers de la Caisse et de ses déposants», a dit M. Rousseau devant la Commission sur les finances publiques du Québec.

Les reste, soit 12,2 milliards, est constitué d'actifs de très bonne qualité, soutient M. Rousseau, qui a refusé de faire une estimation des pertes sur ce montant, malgré les questions pressantes des députés François Legault (PQ) et Gilles Taillon (ADQ).

La qualité de ces 12,2 milliards de PCAA a été confirmée par la firme J.P. Morgan, qui agit pour le compte du comité Crawford, a dit M. Rousseau. Ce comité est chargé de restructurer les 35 milliards de PCAA non bancaire qui font l'objet d'un gel de transactions depuis la mi-août.

«Pourquoi la provision de pertes prise par la Banque Nationale (25%) pour son PCAA ne serait-elle pas appropriée pour la Caisse?» lui demande François Legault, qui ajoute qu'un tel taux pour la Caisse donnerait une provision de pertes de 3,3 milliards de dollars.

«On ne peut pas vous en dire plus pour le moment, rétorque M. Rousseau. Si vos estimations sont bonnes, je vous le dirai lorsqu'on le saura et que le Vérificateur général aura vérifié nos livres. Je dois gérer l'argent des Québécois avec prudence.»

Contrairement à la Caisse, certaines organisations ont fait des estimations de pertes, mais ces estimations varient beaucoup parce qu'il n'y a pas de marché de référence.

Le Mouvement Desjardins calcule que son PCAA doit être dévalué de 8,25%, l'Industrielle Alliance de 15% et la Banque Nationale, de 25%.

Même s'il n'y a pas de marché, les règles comptables canadiennes obligent ces entreprises à faire une estimation des provisions de pertes au moment de la divulgation de leurs résultats.

«Ils sont dans le brouillard, mais les règles comptables les obligent à le faire», a dit M. Rousseau.

Le comité mis en place pour restructurer le PCAA non bancaire aura fini son travail le 14 décembre.

À ce moment, les porteurs de PCAA seront appelés à voter en faveur ou non de la proposition, qui lèverait le moratoire sur les transactions en vigueur depuis la mi-août.

Si tout se passe bien, un marché organisé devrait par la suite donner la possibilité de vendre le papier.

En vertu des règles comptables, la Caisse est tenue d'attribuer une valeur à son portefeuille en date du 31 décembre - fin de l'exercice - soit après le 14 décembre.

Dans ses provisions de pertes, la Caisse devra d'une part établir la dévaluation du capital et, d'autre part, les intérêts perdus.

«Dans tous nos scénarios, aucun de nos déposants ne voit ses équilibres financiers affectés. Il n'y aura pas de changement de cotisations à la RRQ ou la SAAQ en raison du papier commercial», a dit M. Rousseau.

Avant la convocation de mercredi, la Caisse n'avait jamais voulu dévoiler son exposition à ce marché.

Henri-Paul Rousseau a donc confirmé les chiffres dévoilées dans La Presse Affaires du 17 septembre. Nous affirmions alors que la Caisse détenait 13,6 milliards de PCAA et estimions les pertes potentielles entre 10 et 20%.

Henri-Paul Rousseau fait son mea-culpa: il n'avait pas prévu la crise. En fait, les dirigeants de la Caisse ne jugeaient pas impossible une telle défection, mais croyaient que, dans le pire des cas, la Banque du Canada assurerait les liquidités.

«Les trois dernières semaines de correction boursière ont coûté plus cher que tout ce que pouvez prévoir pour le PCAA», a-t-il dit.

Le gestionnaire exhorte les politiciens à juger le travail de la Caisse en fonction de l'ensemble du portefeuille.

«C'est notre métier de faire de bons coups et de moins bons coups. Il faut nous juger sur la moyenne au bâton, pas sur chaque coup», dit M. Rousseau.

Depuis deux ans, la Caisse figure parmi la première tranche de 5% des caisses de retraite au Canada pour le rendement. L'actif de la Caisse a doublé en quatre ans, atteignant 143,5 milliards à la fin de 2006.