C'est une épidémie mondiale: les systèmes d'investissement frauduleux qui misent sur le marché des devises se répandent sur Internet. Ils font des victimes partout dans le monde, y compris au Québec.

C'est une épidémie mondiale: les systèmes d'investissement frauduleux qui misent sur le marché des devises se répandent sur Internet. Ils font des victimes partout dans le monde, y compris au Québec.

L'Autorité des marchés financiers (AMF), qui a reçu des dizaines de plaintes récemment, juge la situation suffisamment alarmante pour lancer une mise en garde aux épargnants.

«Des sociétés peu scrupuleuses sévissent activement actuellement au Québec en promettant des rendements mirobolants allant jusqu'à 20% grâce à des investissements sur le marché des devises (Forex)», a averti l'AMF, hier.

En fait, les réseaux semblent utiliser le vieux stratagème de la vente pyramidale. Ils incitent les investisseurs à agir à titre de promoteurs pour parrainer d'autres investisseurs en retour d'un pourcentage d'honoraires sur les sommes recueillies, explique l'AMF.

Pour sécuriser les investisseurs, on leur verse souvent des «intérêts» au cours des premiers mois. Mais ce sont de faux rendements. L'argent provient des sommes investies par de nouvelles victimes. Tôt ou tard, la pyramide s'écroule. Les instigateurs disparaissent avec tout l'argent.

Plusieurs investisseurs québécois ont été approchés par courriel, sur des blogues ou encore sur des sites Web de petites annonces, indique l'AMF.

Contrairement à ce qui est mentionné sur certains blogues, ces sociétés ne sont pas inscrites auprès de l'Autorité. Elles fonctionnent dans un no man's land réglementaire. De plus, les investisseurs qui en parrainent d'autres n'ont pas reçu les approbations nécessaires. Ils s'exposent ainsi à des poursuites.

«Les investisseurs peuvent se mettre, à leur insu, dans une situation très délicate s'ils parrainent d'autres investisseurs», insiste Anne-Marie Poitras, surintendante de l'assistance à la clientèle et de l'indemnisation à l'Autorité.

Finanzas Forex

Depuis le printemps, les autorités réglementaires de plusieurs pays ont montré du doigt un programme d'investissement particulièrement suspect: Finanzas Forex.

Il s'agit d'un réseau qui sollicite des investisseurs partout à travers le monde, incluant dans les petites annonces de sites Web québécois.

La société-mère serait Evolution Market Group, dont le siège social serait situé au Panama. Or, les autorités réglementaires du Panama ont prévenu les investisseurs que l'entreprise n'avait pas les permis nécessaires pour pratiquer ses activités.

Le dirigeant de l'entreprise serait l'Espagnol German Cardona, indique le chien de garde des valeurs mobilières de l'Espagne, la Comision national del mercado de valores (CNMV).

Dans une mise en garde contre Finanzas Forex, la CNMV dévoile le fonctionnement du réseau.

Finanzas Forex fait miroiter des placements sur le marché Forex (foreign exchange) qui offriraient des rendements astronomiques de 10 à 21% par mois, selon le type de programme.

De quoi faire rire les cambistes professionnels: «C'est totalement impossible de faire des rendements positifs de 15% systématiquement, mois après mois. Il faut prendre une claque une fois de temps en temps», assure François Barrière, vice-président aux marchés internationaux, à la Banque Laurentienne.

Finanzas Forex offre aussi la possibilité de devenir promoteur du programme, en recrutant d'autres investisseurs. Le système promet des commissions sur les nouvelles sommes investies, en plus de cadeaux comme des voitures de luxe ou un coup de main financier pour l'achat d'une maison.

Finanzas Forex invite aussi ses bons clients à des conférences sous les tropiques, a confié à La Presse au printemps dernier, un promoteur québécois qui a fait investir 135 personnes dans Finanzas Forex.

Lui-même a passé «une très belle semaine» dans un hôtel quatre étoiles en Jamaïque où il a assisté à des présentations sur les marchés Forex, en compagnie de plus de 200 investisseurs.

Convaincu par ses propres rendements, il a bâti sa propre page Web pour recruter des investisseurs. Il n'est pas le seul. On trouve des sites Web voués à la promotion de Finanzas Forex en espagnol, en français, en italien, en allemand, en portugais et en anglais.

Au printemps dernier, Finanzas Forex aurait récolté 121 millions de dollars de la part de 18 720 clients à travers le monde, rapporte la CNMV. L'entreprise se targue d'attirer 600 nouveaux clients et deux millions de dollars par jour.

D'après la CNMV, le principal promoteur de Finanzas Forex en Espagne n'en est pas à ses premières frasques. Santiago Fuentes Jover a été impliqué dans plusieurs activités sur l'internet qui ont fait perdre des sommes importantes à ses clients.

De plus, les autorités espagnoles soulignent que ni Evolution Market Group, ni Finanzas Forex ne sont autorisés à fournir des services d'investissement en Espagne. L'Autorité des marchés financiers de la France a lancé la même alerte, en juin dernier.

Plusieurs réseaux démantelés

Plusieurs réseaux frauduleux qui utilisent les marchés Forex pour attirer les petits investisseurs, font du ravage sur l'internet.

En janvier dernier, un New-Yorkais a été accusé d'avoir siphonné 68 millions de dollars à des centaines d'investisseurs, aux États-Unis, au Canada et ailleurs dans le monde. Les rendements étaient truqués. Les états de comptes, falsifiés. En fait, l'argent des nouveaux investisseurs servait à payer ceux qui retiraient leur argent.

Même scénario sur tous les continents.

Par exemple, en décembre dernier, les instigateurs d'un système internet de transactions sur le marché Forex ont été épinglés au Kenya. Les chiens de garde de la Chine ont démantelé un réseau frauduleux en 2007. Idem en Thaïlande.

Au Québec, l'ancienne Commission des valeurs mobilières du Québec (CVMQ) a déjà rappelé à l'ordre Forex Canada, qui offrait aux investisseurs de spéculer sur les devises étrangères.

La firme montréalaise s'était lancée en affaires, en 2002, en prétendant que ses activités échappaient aux différentes lois canadiennes. Mais son dirigeant a finalement reçu une amende de 90 000$.

Au Québec, les firmes qui offrent aux investisseurs de spéculer sur les devises étrangères doivent être inscrites à titre de conseiller en valeur de plein exercice.

Avant de se lancer dans ce genre d'activités, les investisseurs devraient s'assurer que l'entreprise a bel et bien reçu l'aval de l'AMF.