Malgré la nouvelle poussée des prix depuis avril et la nette amélioration des conditions du crédit, la Banque du Canada sera tentée de donner demain un ultime coup de pouce à l'économie, dont les signes d'essoufflement commencent à inquiéter.

Malgré la nouvelle poussée des prix depuis avril et la nette amélioration des conditions du crédit, la Banque du Canada sera tentée de donner demain un ultime coup de pouce à l'économie, dont les signes d'essoufflement commencent à inquiéter.

En abaissant de 25 centièmes à 2,75% son taux cible de financement à un jour, la Banque aura ainsi desserré les conditions monétaires de 175 points centésimaux depuis décembre.

Elle sera ensuite fort tentée de rester en touche pour quelques mois, le temps que se précisent les risques à la baisse ou à la hausse dans son objectif de faire progresser l'inflation à 2% par année.

En faisant part de sa décision d'abaisser de 50 centièmes son taux directeur le 22 avril, elle estimait «qu'il faudra probablement augmenter le degré de détente monétaire afin d'atteindre la cible d'inflation à moyen terme».

Un paysage contrasté

En l'espace de sept petites semaines toutefois, le paysage économique canadien s'est contrasté, au point où se sont accrus tant les risques à la hausse que ceux à la baisse.

On a ainsi appris que l'économie avait faibli plus que prévu au premier trimestre. La Banque misait sur une croissance anémique de 1%, mais Statistique Canada a plutôt rapporté une décroissance de 0,3%, la pire du G-7. Selon ces résultats, le ralentissement devrait contenir davantage les pressions sur le prix des maisons et sur les salaires, deux noyaux durs de l'inflation canadienne.

Il semble aussi que la flambée des prix de l'essence mine le moral des consommateurs, moteurs jusqu'ici de la croissance.

La confiance

Le mois dernier, l'indice de confiance du Conference Board était à son plus bas depuis décembre 2001.

Enfin, loin de se résorber, la crise de l'habitation aux États-Unis commence aussi à attaquer le marché du travail, qui a détruit des emplois pour un cinquième mois d'affilée en mai, un très mauvais présage pour les exportations canadiennes.

Selon son scénario de la fin avril, la Banque prévoyait une progression de l'indice des prix à la consommation bien inférieure à sa cible de 2%, d'ici 2010. Il fallait donc, selon la théorie classique, poursuivre la détente monétaire pour «reflationner» l'économie et ramener la marche des prix vers 2%. La déflation est pire encore que l'inflation car elle décourage la consommation et la production.

Étonnament, le taux d'inflation s'est accéléré en avril et tout indique que ce n'est pas terminé. Le prix de l'énergie s'embrase toujours, celui de la viande commence à monter à mesure que l'offre excédentaire disparaît.

Enfin, le huard ne gagne plus de terrain face au billet vert. Exit son effet amortisseur sur les biens importés qui pèsent lourd dans le panier du consommateur.

Les experts sondés

La totalité des 18 économistes des institutions financières sondés par Bloomberg prédisent une baisse de taux. Nombreux sont ceux toutefois aussi d'avis que la Banque devra resserrer la vis au plus tard au début de l'an prochain.

Du côté des chercheurs universitaires, on pense plutôt que les pressions inflationnistes sont telles que la Banque devrait se mettre dès maintenant au neutre avant de réamorcer le resserrement du loyer de l'argent.

Ainsi, des 11 membres du Conseil de la politique monétaire de l'Institut C.D. Howe, cinq recommandent le statu quo de 3% et deux préconisent un resserrement dès demain. Dix sur 13 croient que le taux sera d'au moins 3% le 15 juillet, date de la prochaine fixation du taux.

Les conditions de crédit

Depuis avril, font-ils aussi valoir, les conditions de crédit se sont nettement améliorées. Les institutions financières ont abaissé les taux sur toute la gamme de leurs prêts hypothécaires et du crédit offert aux entreprises. Le gouverneur Mark Carney a d'ailleurs reconnu dans un discours le 22 mai à New York que les perturbations sur le marché des liquidités se sont calmées, au Canada du moins.

Dans une entrevue à La Presse Affaires, il a même affirmé que les autres banques du monde enviaient les canadiennes, dans le contexte actuel.

Le mouvement de détente monétaire avait été précipité par l'assèchement brutal des liquidités, en août dernier.

Son retour vers la normale signifie que la Banque peut enfin se recentrer sur son objectif de contenir l'inflation aux environs de 2%.

Reste à savoir l'orientation globale des prix: nord ou sud?