La criminalité à Salvador da Bahia, au Brésil, est peut-être en voie de baisser grâce à une technologie balistique québécoise.

La criminalité à Salvador da Bahia, au Brésil, est peut-être en voie de baisser grâce à une technologie balistique québécoise.

«La meilleure école de criminalité du Brésil, c'est Rio!», lance l'expert criminel Eduardo Dorea, entre le rire et le découragement, au volant de sa voiture.

Cet ex-directeur de la Police technique se rend à ses anciens bureaux où il a coordonné l'acquisition, il y a un an, d'une technologie innovatrice prometteuse. Prometteuse, parce qu'elle pourrait réduire les homicides dans la métropole, qui ont doublé en 10 ans pour se chiffrer à 1341 en 2007.

Si vous êtes un des deux milliards de téléspectateurs de CSI, vous en avez déjà vu les interfaces qui se retrouvent dans la populaire série policière américaine. IBIS, pour Integrated Ballistics Identification System, a été mis au point par l'ingénieur Robert Walsh, fondateur de Forensic Technology, à Montréal.

Ce système analyse les traces balistiques d'un projectile et retrace l'arme qui l'a tiré et son propriétaire, grâce aux corrélations faites avec une banque d'images. Une révolution dans la lutte anticriminelle puisque ce qui se faisait auparavant manuellement est automatisé.

Du coup, IBIS est vendu dans les laboratoires balistiques du monde entier, et ce, en dépit de son prix a priori prohibitif, à plus de un million de dollars. Paradoxalement, le Canada, par l'entremise de la GRC, a été le 26e pays à l'acheter.

Il faut admettre que, «fort» de 605 homicides en 2006, il n'a rien d'un marché stratégique.

Les résultats sont au rendez-vous puisqu'on attribue directement à IBIS la chute du crime dans plusieurs métropoles, notamment New York et Boston.

C'est pourquoi, à Salvador, les espoirs sont grands d'en faire autant contre les narcotrafiquants et les «groupes d'extermination», ces miliciens embauchés par des résidants ou commerçants désireux de se débarrasser des vandales et des voleurs.

Certains sont même d'anciens policiers qui gagnent mieux leur vie ainsi qu'au salaire minimum, à 250$ par mois. Selon l'enquêteur privé Marcelo Sampaio, ex-directeur de l'institut de criminalistique de la Police technique, les services de ces tueurs de «location» coûtent entre 90 et 120$, «selon la personne à éliminer».

L'équivalent d'une paire de chaussures! «La mort est banalisée, ici», résume Antonio Nery Filho, professeur à l'Université fédérale de Bahia.

Depuis son acquisition, la technologie québécoise a déjà permis à Salvador de faire plus de 1000 corrélations.

Un exploit quand les lieux du crime sont constamment investis par les curieux, les caméras et les enfants qui jouent avec les douilles, ce qui nuit à la récupération de preuves et à la reconstitution des faits.

«Les scènes sont violées parce qu'elles se trouvent proches des gens et de leur résidence», témoigne, photos à l'appui, Adeir Andrade, expert balistique de la Police technique. Mais pas question de s'arrêter à ce détail: «Salvador a le potentiel de réduire les homicides de 30% d'ici cinq ans, poursuit-il. Mais il faut la volonté politique de faire les enquêtes qui s'imposent à la suite de nos corrélations.»

Toutefois, pour Antonio Nery Filho, qui a déjà enseigné à l'Université Laval, il faut surtout traiter le problème de la violence, qui coûterait annuellement plus de 5% du PIB brésilien.

«Tout le monde sent le besoin de se défendre, de s'armer et de s'entourer de grillages, explique celui qui n'hésite pas à décrire le Brésil comme un anti-Canada. Cela est une réponse au symptôme, mais pas à la maladie. Et cette maladie, c'est 30 ans de dictature, le non-partage des richesses, la perte de confiance en la loi et le manque d'éducation.»