Manon Dubé vient d'acheter deux condos pour le prix d'un!

Manon Dubé vient d'acheter deux condos pour le prix d'un!

Comme beaucoup de chasseurs d'aubaines en Floride, elle guettait les foreclosure, c'est-à-dire les maisons saisies par les institutions financières lorsque les propriétaires n'arrivent plus à payer l'hypothèque.

Uniquement en Floride, plus de 30 000 saisies ont été entamées en octobre dernier, selon RealtyTrac. D'ailleurs, la Floride est le troisième état le plus touché par les saisies, après le Nevada et la Californie. On compte présentement une saisie pour 273 ménages, en Floride, soit deux fois plus qu'à l'échelle nationale.

Une véritable plaie pour le marché immobilier. Mais une mine d'aubaines pour les acheteurs à l'affût.

Pour sa part, Mme Dubé magasinait sur des sites web, comme foreclosure.com ou realtytrac.com. Mais c'est en allant en Floride qu'elle a trouvé. «C'est un marché fermé, très spécial. Il faut être sur place», dit la dame de la Rive-Sud.

Son agente, Marleyne Ratté, de Coral Shores Realty, lui a montré deux condos dans le même développement, à environ 20 minutes de voiture de la plage de Pompano. Elle a pris les deux!

Dans un cas, l'ancien propriétaire avait payé 215 000$US en 2005, pour le condo de 1400 pieds carrés. Après avoir repris les clés, le créancier l'a revendu à Mme Dubé pour 149 900 $ US.

«Un évaluateur vient d'établir la valeur à 247 000$US, dans le marché actuel. Dans le projet, il y a encore des condos affichés à 300 000 $ US, comme en 2006», précise Mme Ratté.

C'est donc un rabais de 40%! Et pourtant, le condo est impeccable. En ouvrant la porte, Mme Ratté en est restée estomaquée. Tout est rénové: la cuisine en bois et en granite est magnifique, tout comme les salles de bains et le «California closet».

Des planchers en bois franc, des pièces vastes, une grande terrasse avec vue sur le lac. «C'est tellement propre que je peux manger par terre dans le corridor!», lance Mme Dubé.

Mais il n'est pas si facile d'attraper un foreclosure au vol. «Il faut sauter dessus quand l'occasion est là. Et ensuite, il ne faut pas lâcher», dit Mme Ratté. Les banques qui revendent les maisons sont aguerries. Elles négocient serré, tentent de faire monter l'offre. Pour les convaincre, il faut souvent payer comptant.

Devancer la saisie

Certains acheteurs ciblent plutôt les maisons vendues par des propriétaires qui ne peuvent plus payer, juste avant la saisie.

L'institution prêteuse met souvent de l'eau dans son vin, sachant qu'elle économisera des dizaines de milliers de dollars en démarches juridiques. Quant au propriétaire en difficulté, il perd sa mise de fond, mais sauve son dossier de crédit.

Sauf que, encore là, les négociations sont laborieuses, particulièrement lorsque le propriétaire qui abandonne sa maison doit en plus faire un chèque.

Par exemple, Pauline Grenier-Carrier, courtière immobilière pour Coldwell Banker, vient de conclure l'achat d'un condo sur le bord de l'intercoastal à Sunny Isles Beach. Un condo de luxe d'environ 1800 pieds carrés, tout en marbre, acquis en juillet 2006 pour 645 000$US.

La propriétaire, qui réside en France, avait fait une mise de fonds de 200 000$US. Mais aujourd'hui, sa situation financière s'est détériorée à cause d'une séparation. Incapable de payer, elle revend le condo... mais les offres d'achat sont inférieures au montant qu'elle doit à la banque.

Ainsi, elle perd non seulement toute sa mise de fonds, mais en plus elle doit faire un chèque d'environ 25 000$US à sa banque. Difficile à avaler.

L'acheteur ne veut pas payer plus cher que la valeur au marché. La propriétaire a déjà beaucoup perdu. Et Mme Carrier-Grenier a déjà arraché des concessions à la banque, notamment sur les pénalités de plus de 10 000$US pour mettre fin à l'hypothèque. Une vraie partie de bras de fer!

«C'est plus de travail. Plus de procédures. Mais notre client est content», dit Mme Grenier-Carrier.

À l'encan

Il est encore plus difficile d'arracher une maison directement à l'encan, au coeur du processus de saisie.

Pour devenir propriétaire de la maison, la banque doit obtenir un jugement contre la personne qui ne rembourse plus son hypothèque.

Environ deux semaines avant la vente aux enchères, le comté affiche un calendrier des maisons à vendre, expose Robert Lavoie vice-président crédit à la NatBank.

Le jour de l'encan, la banque prêteuse est là pour se protéger. Elle mise sur la propriété qu'elle doit reprendre et fait monter les enchères jusqu'au montant qui lui est dû.

Si les mises dépassent ce montant, la banque sera heureuse de s'en départir. Sinon, elle reprend les clés. Mais elle n'a rien à débourser, un peu comme si elle avait misé de l'argent fictif.

«Mais les gens sont très agressifs. Il faut connaître ça. Il faut donner un dépôt sur le champ. Et payer au complet avant la fin de l'après-midi», met en garde M. Lavoie.

Selon lui, il vaut mieux travailler avec un agent qui va faire l'effort nécessaire. Et surtout, il faut être réaliste. «Certains pensent que les propriétés sont à valeur zéro, qu'ils vont faire baisser le prix de 65%, dit-il. Ce n'est pas vrai!»