En pleine crise forestière, des producteurs ont recours aux tribunaux afin de départager leurs droits de coupe.

En pleine crise forestière, des producteurs ont recours aux tribunaux afin de départager leurs droits de coupe.

Un litige qui oblige au moins 175 travailleurs à rester à la maison actuellement. Un litige qui démontre aussi les tensions régnant au sein de l'industrie forestière.

«Tout le monde essaie de se partager une tarte qui est trop petite. On n'accuse personne de mauvaise foi. Malheureusement, la forêt québécoise est épuisée. Il n'y a pas assez de bois pour tout le monde», résume Me Pierre Beaudoin, l'un des avocats au dossier.

Le litige, introduit devant la Cour supérieure à la mi-décembre, concerne trois producteurs forestiers.

Les deux premiers, Commonwealth Plywood et Bois Feuillus de la Lièvre, tentent d'empêcher leur rival Bois Nobles Ka'N'Enda de profiter de droits de coupe acquis d'un producteur en faillite. Bois Nobles a répliqué vendredi dernier avec sa propre poursuite visant à forcer le ministre Claude Béchard à lui octroyer les droits de coupe.

En décembre dernier, Bois Nobles a acquis les droits de coupe d'un rival en faillite, Produits forestiers Bellerive Ka'N'Enda (le dernier mot signifie Canada en langue amérindienne).

Le tribunal qui supervisait la faillite avait accepté le transfert des droits de coupe. Ces droits de coupe n'étaient pas exploités depuis que Produits forestiers Bellerive Ka'N'Enda avait cessé ses activités et licencié ses 175 employés en novembre 2006.

Le tribunal posait toutefois plusieurs conditions afin d'entériner la transaction, notamment l'accord du ministre québécois des Ressources naturelles et de la Faune, Claude Béchard. En août dernier, le ministre Béchard a donné son accord au transfert des droits de coupe de Produits forestiers Bellerive à Bois Nobles.

Bois Nobles prévoyait recommencer les travaux sur ses nouvelles terres le 14 janvier dernier, ce qui aurait signifié la rentrée au travail de 175 personnes.

L'entreprise devra plutôt se battre en cour avec ses concurrents au cours des prochaines semaines, voire des prochains mois. Les parties participent à une conférence préparatoire aujourd'hui devant la Cour supérieure à Québec.

De son côté, Bois Feuillus veut renvoyer le ministre Béchard à sa calculatrice. L'entreprise estime que ses droits de coupe doivent être revus à la hausse.

Elle demande aussi que les droits de coupe de 73 400 mètres cubes nouvellement attribués à Bois Nobles dans la région de Mont-Laurier, dans les Hautes- Laurentides, soient annulés.

«Les droits de coupe n'ont pas été attribués selon les critères de la loi, dit Me Pierre Beaudoin, l'avocat de Bois Feuillus. Selon nous, le ministre s'est basé sur des chiffres plus élevés que ce que la forêt québécoise peut fournir. Nous prétendons donc que l'engagement du ministre (envers Bois Nobles) n'est pas légal.»

Commonwealth Plywood, l'un des plus importants transformateurs de feuillus au Québec, veut aussi que le ministre Béchard refasse ses calculs.

L'entreprise, dont les 1200 employés au Québec ont été licenciés en juin dernier, veut mettre la main à la fois sur les droits de coupe de Bois Nobles (73 400 mètres cubes) et Bois Feuillus (107 200 mètres cubes).

Le ministre Claude Béchard n'a pas voulu commenter les deux litiges dont il est l'objet.

«Comme l'affaire est devant les tribunaux, nous n'avons aucun commentaire», dit son attaché de presse, Pascal D'Astous.

D'autres acteurs dans le dossier

En plus des trois producteurs forestiers et du ministre Béchard, plusieurs autres intervenants se sont ajoutés au dossier.

Parmi eux, le Fonds de solidarité FTQ, qui a investi 600 000$ dans le projet de relance de Bois Nobles en décembre dernier.

Le Fonds, qui détient le tiers des actions de Bois Nobles, estime que son investissement permettrait la création de 200 emplois directs dans le secteur forestier, dont 175 emplois chez Bois Nobles.

«Nous voulons contribuer à créer des emplois, mais je ne veux pas en dire davantage car l'affaire est devant les tribunaux», dit Josée Lagacé, porte-parole du Fonds.

Me Chantal Ouellet, avocate de Bois Nobles, n'était pas disponible hier afin de répondre aux questions de La Presse Affaires. Commonwealth Plywood n'a pas non plus rappelé La Presse Affaires jeudi.

Selon le ministère québécois des Ressources naturelles et de la Faune, la crise forestière a provoqué la fermeture de 179 usines et la perte de 11 373 emplois au Québec depuis le 1er avril 2005.

Durant cette période, le nombre d'emplois dans le secteur forestier est passé de 104 400 à 93 207, soit une baisse de 11%.