La couleur éclatante des sandales en plastique Crocs (CROX) contraste en tous points avec la journée noire vécue hier en Bourse par son fabricant.

La couleur éclatante des sandales en plastique Crocs [[|ticker sym='CROX'|]] contraste en tous points avec la journée noire vécue hier en Bourse par son fabricant.

Le titre de Crocs Inc., du Colorado, s'est effondré de 45% à la Bourse NASDAQ pour atteindre son plus bas niveau historique, à 4,95$. L'action valait 75$ il y a à peine neuf mois.

Il semble que l'intérêt des consommateurs pour la singulière sandale moulée soit en train de s'essouffler. «Nous nous attendons à ce que les ventes baissent un peu par rapport à celles de l'année fiscale 2007», a admis hier Ronald Snyder, président et chef de la direction, pendant une téléconférence.

Pour le troisième trimestre, qui se terminera le 30 septembre, l'entreprise s'attend à générer entre 195 et 205 millions US de revenus, par rapport à 256 millions il y a un an. Le profit par action devrait osciller entre 0,01$ et 0,05$, à des années-lumière des 0,66$ empochés l'an dernier.

Il s'agira du premier déclin rencontré par l'entreprise depuis son entrée en Bourse en février 2006. La croissance du groupe avait été fulgurante jusqu'à tout récemment, grâce à l'engouement extrême rencontré partout sur la planète pour les sandales Crocs.

La chute pourrait elle aussi être rapide, estiment certains analystes et experts de la mode.

«L'année dernière, dans mon cours de tendance, je disais aux étudiants: il faut surveiller ces sandales, car j'ai l'impression que ça va être un fad, une mode-champignon qui monte et descend très vite», a dit Françoise Dulac, chargée de cours à l'École supérieure de mode de Montréal.

«Ça vient poser de sérieuses questions sur leur modèle d'affaires», a de son côté indiqué à Bloomberg l'analyste Keri Spanbauer, de la firme Thrivent Financial for Lutherans.

Parallèlement à l'effet de mode, le prix assez élevé - entre 30$ et 80$ à la boutique Crocs de Québec - décourage plusieurs acheteurs potentiels, croient les experts. Surtout qu'on peut se procurer des imitations pour une poignée de dollars dans les pharmacies et les grandes surfaces.

Au magasin La Godasse, boulevard Saint-Laurent, on vend seulement des copies de la célèbre sandale, connue pour son design coloré, sa légèreté et ses trous d'aération. Mais plus pour longtemps. «On essaie de s'en débarrasser, la vague baisse un peu», a indiqué le gérant Gabriel Laganière.

Difficile marché américain

Le marché américain s'est montré «plus difficile» que prévu au deuxième trimestre en raison du ralentissement économique, a déclaré Ronald Snyder. Les ventes ont grimpé à l'étranger (65% en Asie et 13% en Europe), une progression qui se trouve néanmoins sous les attentes de l'entreprise.

Le président reconnaît que les résultats du présent exercice seront décevants. Mais il a tenu à rappeler que Crocs réalisait des ventes d'à peine 1 million il y a quatre ans... contre 847 millions en 2007! «Notre entreprise passe d'une mode d'hyper-croissance à une croissance plus normale, et on reconnaît le besoin de faire les ajustements nécessaires.»

Parmi les principaux changements, la direction de l'entreprise a décidé en avril dernier de fermer son usine de Québec, la seule qu'elle comptait au Canada. Quelque 669 emplois ont été supprimés.

Cette fermeture est d'autant plus douloureuse que c'est à Québec, chez Créations Foam, que la sandale a été inventée. La petite boîte a été avalée par Crocs Inc. en 2004, pour devenir un important centre de production.

Crocs a choisi de concentrer ses activités dans ses sept usines existantes - au Mexique, en Italie, en Roumanie, en Bosnie, en Chine, au Brésil et au Vietnam -, où les coûts de fabrication sont plus bas.

En tout, l'entreprise a licencié environ 1300 travailleurs cette année pour tenter d'améliorer ses marges. Crocs a aussi diversifié sa gamme en mettant plus d'accent sur le design de ses produits, que plusieurs trouvent franchement laids.