Johanne a 14 ans de moins que Claude. Pourtant, c'est elle qui a eu la frayeur. Atteinte d'un cancer en 2005, elle a dû abandonner les clients pour lesquels elle faisait de la tenue de livre comptable. Après cette épreuve, nous écrit la femme de 49 ans, elle a décidé de profiter de la vie avec son mari.

Johanne a 14 ans de moins que Claude. Pourtant, c'est elle qui a eu la frayeur. Atteinte d'un cancer en 2005, elle a dû abandonner les clients pour lesquels elle faisait de la tenue de livre comptable. Après cette épreuve, nous écrit la femme de 49 ans, elle a décidé de profiter de la vie avec son mari.

Malheureusement, c'est justement à partir de ce moment que les aléas du marché ont fait subir des misères à leurs économies.

Les seuls revenus stables du couple sont les 567$ que Claude, âgé de 63 ans, reçoit chaque mois de la RRQ. Le reste provient de revenus de placements.

Ces fonds proviennent de l'épicerie que Claude a vendue en 1998 pour prendre sa retraite. Johanne, qui s'occupait de la comptabilité du petit commerce, s'était alors tournée vers le travail autonome.

En mars 2002, ces actifs ont été réinvestis pour moitié dans un portefeuille équilibré sous gestion privée d'une grande institution financière, et pour moitié en fonds communs.

«Jusqu'en 2006, ça allait relativement bien puisque nos avoirs n'avaient baissé que de 6560$ en quatre ans, relate Johanne. Depuis, c'est une autre histoire et la situation s'est encore envenimée depuis le début de 2008. En effet, nos avoirs ont diminué de 27 500$ entre le 31 décembre 2006 et le 31 décembre 2007 et la chute s'est poursuivie.»

Pour maintenir leur mode de vie, qu'ils décrivent comme très raisonnable, ils rognent en mode accéléré leur capital de 512 000$.

«Les analystes financiers recommandent tous de ne pas céder à la panique, mais jusqu'où ça ira? s'inquiète Johanne. Nous ne sommes plus sûrs de rien.»

Sérénité et longévité

Ce problème comporte deux volets: la sérénité du couple, d'une part, et la longévité de son capital, d'autre part.

Le planificateur financier et actuaire Dany Provost recommande d'abord à Johanne et Claude de répondre à un questionnaire qui permettra d'établir avec plus de certitude leur profil d'investisseur. Les inquiétudes que le couple manifeste à l'endroit des performances de ses placements sont des indices d'une inadéquation entre sa tolérance au risque et la composition de son portefeuille.

Si le questionnaire d'évaluation révèle un type très prudent, le planificateur inciterait Claude à envisager une rente viagère. Rappelons que cette formule permet d'acheter, avec une partie ou l'entièreté de son capital, une rente versée à vie. La rente est calculée en fonction de l'espérance de vie du rentier et des taux d'intérêt en vigueur.

«Madame pourrait également songer à cette option si elle juge que son état de santé ne diminue pas son espérance de vie de façon significative», avise le planificateur. Sinon, elle peut envisager une rente viagère dite «à risque taré», c'est-à-dire calculée en fonction d'une espérance de vie raccourcie par des problèmes de santé graves. «Ce genre de rente augmenterait le versement mensuel régulier de quelque 20%», précise-t-il.

Entre-temps, d'autres mesures peuvent être mises en place. Pour réduire les impôts, Dany Provost propose que les rentes de retraite de la RRQ soient fractionnées entre les deux conjoints dès que Johanne atteindra 60 ans.

De même, chacun devra retirer chaque année de son REER une somme suffisante pour porter son revenu imposable à un minimum de 12 000$. Ce seuil permet «de profiter pleinement des crédits d'impôts non remboursables», explique le planificateur. Deux possibilités se présenteront alors. Si ces retraits sont insuffisants pour répondre aux besoins annuels, le supplément devra être puisé dans les comptes non enregistrés. À l'inverse, si ces retraits du REER entraînent un surplus budgétaire, le surplus sera réinvesti dans un compte non enregistré au nom de Johanne.

Enfin, les deux conjoints devront tirer profit du nouveau compte d'épargne libre d'impôt (CELI), qui sera introduit en janvier 2009. Indépendamment des sommes décaissées pour soutenir le niveau de vie du ménage, chaque conjoint devra retirer chaque année 5000$ des comptes non enregistrés pour les déposer dans un CELI, où ils croîtront à l'abri de l'impôt. Ces CELI ne seront décaissés à leur tour que lorsque les comptes non enregistrés ordinaires auront été épuisés.

L'autre question est de savoir si un rendement plus sûr et plus régulier permettrait au couple de maintenir un niveau de vie raisonnable.

Dany Provost a lancé sa machine à projections en tenant compte des mesures qu'il a suggérées. Il a retenu un taux d'inflation de 3% et il accorde au couple un budget indexé de 30 000$ par année. Il a supposé un rendement moyen de 4% sur les divers investissements du couple.

Le conseiller place une balise en 2045, alors que Claude, dans l'hypothèse optimiste où il soit encore en vie, aura atteint 100 ans. Plus vraisemblablement, Johanne, à 86 ans, sera seule à profiter du résidu de leurs économies, qui auront atteint 444 000$. Une fortune, pensez-vous? Dany Provost rappelle qu'avec l'inflation, cette somme équivaudra à 149 000$ en dollars d'aujourd'hui.

«Chaque 1000$ d'écart du coût de vie par rapport à 30 000$ génère une différence d'environ 81 000$ d'actif en 2045», avise-t-il.

Ainsi, si le coût de vie s'élève plutôt à 31 000$ par année, le solde de l'actif serait réduit à quelque 363 000$, soit environ 120 000$ en dollars d'aujourd'hui.

Une incitation à bien surveiller son budget.

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La situation

Un couple de retraités s'inquiète de la longévité de son capital de retraite, fortement touché par les soubresauts du marché. En effet, l'essentiel de ses revenus est produit par ses placements.

«Le fait de vivre une telle période peut-il mettre notre sécurité financière en danger?», se demande Johanne.

Les chiffres

Claude, 63 ans

- Rente de la RRQ: 6792$

- REER: 88 000$

- Placements non enregistrés: 264 000$

- Capital provenant de la vente de son épicerie: 248 000$

Johanne, 49 ans

- Placements non enregistrés: 19 000$

- REER: 65 000$

- Propriété: valeur de 200 000$, libre d'hypothèque.

- Marge de crédit: 4766$

La réponse

Johanne atteindra 86 ans en 2045. En supposant des dépenses annuelles de 30 000$ et un rendement moyen de 4%, le capital du couple serait alors ramené à 149 000$, en dollars d'aujourd'hui. Suffisant pour tenir le coup encore quelques années.

DANY PROVOST - CFA, planificateur financier, DELTA Services actuariels