Des données qui seront publiées jeudi permettront de mesurer un peu mieux l'ampleur de la crise immobilière américaine. Et si les prévisions des experts sont justes, il y a de quoi s'inquiéter.

Des données qui seront publiées jeudi permettront de mesurer un peu mieux l'ampleur de la crise immobilière américaine. Et si les prévisions des experts sont justes, il y a de quoi s'inquiéter.

Déjà deux ans que le marché de l'habitation américain est en crise. Le prix des maisons neuves est à la baisse, le marché de la revente est tout aussi déprimé, tandis que mises en chantier et permis de bâtir diminuent de mois en mois.

Rien n'indique que cette spirale déflationniste, que cette récession soient sur le point de se terminer.

«Notre analyse suggère que le prix des habitations aux États-Unis devra tomber encore de 10% au cours des deux prochaines années avant de revenir à une croissance normale qui évolue en fonction de l'inflation et du revenu», conclut Sal Guatieri, économiste principal chez BMO Marché des capitaux dans une étude intitulée: Jusqu'où descendront les prix des maisons aux États-Unis?

Du coup, pas moins de 2100 milliards (2,1 billions) s'évanouiraient.

Ce n'est pas la fin du monde, si on se rappelle que l'éclatement de la bulle boursière en 2000 avait fait perdre 5,7 billions aux ménages américains.

Ils avaient pu résister au choc, en bonne partie grâce à l'appréciation de la valeur de leur maison...

Ces propriétaires ont peut-être à nouveau renfloué leurs portefeuilles d'actions ou leurs parts de fonds communs investis en actions.

Et le moins qu'on puisse dire, c'est que les marchés boursiers américains ne connaissent pas de départ canon.

L'actif des ménages

Le plus inquiétant, c'est que la valeur de l'actif des ménages fond d'autant.

Comme bon nombre d'Américains avaient financé leur consommation en empruntant sur la plus-value de leurs maisons avant que la bulle ne dégonfle, beaucoup d'entre eux se retrouveront bientôt en situation d'insolvabilité.

Bref, rien de bien reluisant ne s'annonce au sud au cours des prochains mois.

On parle de plus en plus de récession même si une bonne partie de la population ne se souvient pas des effets de la dernière véritable, celle de 1991.

Rappelons seulement que c'est une période morose qui ne s'apparente pas quand même à la Grande Dépression de 1929 qui avait duré 10 ans au Canada.

On en parlera sans doute encore plus cette semaine. En particulier jeudi quand seront dévoilés les données de fin d'année sur les mises en chantier et les permis de bâtir aux États-Unis.

Les premières étaient en baisse de 3,4% sur le mois précédent, en novembre. Elles se sont sans doute repliées davantage en décembre, si les prévisions des experts s'avèrent.

À hauteur de 1,14 million sur une base annualisée, elles auraient alors atteint un creux de 14 ans. Il en va de même des permis de bâtir.

Et au Canada?

De ce côté-ci de la frontière, on plastronne non sans raison, à cause de la robustesse du marché de l'habitation.

Des signaux préoccupants apparaissent cependant. La semaine dernière, la Société canadienne d'hypothèques et de logement nous a révélé que les mises en chantier avaient chuté de près de 20% en décembre, un mois marqué par ailleurs par beaucoup d'inclémence de Dame Nature.

Statistique Canada nous apprenait aussi que la valeur des permis de bâtir en novembre avait chuté de 9,9%. Un permis se transforme en général en coulée de fondation deux ou trois mois après son émission.

Pourtant, le prix des maisons neuves avait progressé de 0,5% au cours du mois.

Bref, si la valeur des permis descend, les prix continuent, eux, de grimper. Pour couronner le tout, les intérêts sur les prêts hypothécaires à taux fixe sont en nette hausse depuis l'éclatement de la crise des liquidités, en août.

En novembre, les prix sur le marché de la revente étaient en hausse annuelle de 12%. S'ils progressent moins vite pour la maison neuve, ils voguent tout de même à 6%.

Bref, l'accès à la propriété diminue. Pour contourner la difficulté, des prêteurs proposent des amortissements sur 40 ans plutôt que la norme de 25 ans.

Ils font en somme preuve d'innovation, diront certains. Les plus sages soutiendront qu'ils jouent les apprentis sorciers.

«Plus tôt s'attiédiront les prix et moins grands seront les risques que nous vivions une calamité à l'américaine, prévient M. Guatieri. Cela ferait mal à une économie rendue vulnérable par une monnaie surévaluée, un marché américain affaibli, des conditions de crédit fragilisées et un marché du travail qui commence à ramollir.»