S'il n'en tient qu'au chercheur Gilles Larin, le Québec doit entreprendre rapidement un virage vers la tarification des services publics.

S'il n'en tient qu'au chercheur Gilles Larin, le Québec doit entreprendre rapidement un virage vers la tarification des services publics.

Des péages sur les ponts, des compteurs d'eau, des tarifs sur les déchets, tout doit être repensé pour faire payer aux utilisateurs les services qu'ils consomment, croit le professeur d'administration.

Gilles Larin est le titulaire de la chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke. Il vient de terminer une étude de quelque 150 pages sur la tarification des services publics, avec l'aide de Daniel Boudreau.

Selon M. Larin, les finances publiques du Québec se dirigent vers un mur, compte tenu du vieillissement de la population et de la croissance des dépenses de santé. Et la situation est davantage préoccupante au Québec qu'ailleurs, puisque le gouvernement doit assumer une part plus grande de ses dépenses de programme.

Au Québec, les dépenses de programme véritablement assumées par le gouvernement s'élèvent à 7345$ par habitant. C'est le plus haut niveau parmi les provinces, estime M. Larin. L'Alberta vient deuxième, avec 7071$, et Terre-Neuve est dernière, avec 3949$.

«Nous vivons au-dessus de nos moyens et nous allons frapper un mur plus tôt que les autres», dit M. Larin.

Selon le chercheur, la tarification est le meilleur moyen pour gérer efficacement les ressources. Elle oblige les utilisateurs à moduler leur consommation en fonction de leur coût véritable, ce qui procure des économies.

Par exemple, aux États-Unis, une expérience a été menée au Michigan pour facturer la collecte des déchets en fonction de leur poids.

«L'expérience a été concluante. Elle a obligé les gens à recycler, à faire du compostage. La tarification a eu pour effet de diminuer les coûts d'enfouissement, car les gens ont modifié leurs comportements», dit-il.

Gilles Larin donne également l'exemple du centre-ville de Londres, où la circulation automobile et la pollution ont été significativement réduites depuis l'instauration d'un péage.

«La consommation d'un service est un choix personnel. Pourquoi faudrait-il que tout le monde paie pour le service personnel de chacun?», demande-t-il.

Les administrations publiques du Québec utilisent relativement peu la tarification par rapport à ailleurs.

Le moment est toutefois bien choisi pour aller de l'avant, croit M. Larin, parce que les Québécois se montrent plus réceptifs.

Dans un sondage Léger Marketing, en 2004, 43% des répondants affirmaient que le péage routier constituait le meilleur moyen de financer les transports en commun, avant l'impôt sur le revenu (15%) et la taxe sur l'essence (8%).

Certes, l'imposition de nouvelles taxes dédiées n'a jamais été un choix populaire chez les politiciens, qui veulent se faire réélire. Mais la détérioration des services publics et des infrastructures fait changer les perceptions.

L'effondrement du viaduc de Laval et ses conséquences ont marqué la population.

Pour faire accepter la tarification, croit toutefois M. Larin, les recettes qui en seraient dégagées devraient être entièrement réinjectées dans les services sous-jacents.

Par exemple, toute taxe sur les routes et les automobiles devrait servir à l'entretien et au financement des routes et non au système de santé, par exemple.

Actuellement, l'essentiel de ces taxes est versé au fonds consolidé du Québec.

«Pour que ça fonctionne, il faut que les tarifs soient gérés par des organismes indépendants du gouvernement, que le système ne soit pas à la merci des impératifs comptables du gouvernement», dit-il.

Évidemment, les tarifs ont un effet régressif, c'est-à-dire qu'ils ne varient pas en fonction du degré de richesse de ceux qui utilisent le service public. Gilles Larin croit que la fiscalité peut aisément compenser les effets néfastes de cette régressivité sur les plus pauvres.

«Il faut aborder la tarification tous azimuts, en commençant par les infrastructures routières», croit Gilles Larin.