L'avocat Jean-Pierre Casavant en avait assez de travailler dans un grand cabinet.

L'avocat Jean-Pierre Casavant en avait assez de travailler dans un grand cabinet.

Après des années de dur labeur, la lourdeur administrative commençait à lui peser.

En octobre dernier, il a donc décidé de quitter Lavery, de Billy, après 35 ans de loyaux services.

Oh, il aurait très bien pu prendre sa retraite, comme le font bien des avocats de son âge.

Mais non, à 62 ans, il a plutôt décidé de fonder un nouveau bureau, avec son ami de longue date, l'avocat Joël Mercier.

« Que voulez-vous, je change de job tous les 35 ans ! » dit-il, amusé, alors qu'il reçoit La Presse dans ses nouveaux locaux, au centre-ville de Montréal.

Pour ce plaideur, il s'agit de tout un changement.

Spécialiste reconnu en litige dans le domaine du droit des assurances, il quitte le plus important cabinet indépendant au Québec, avec 175 avocats, pour une petite boutique qui n'en compte que cinq.

« La philosophie de gestion de Lavery ne me convenait plus », dit-il, pour expliquer son départ.

Il soutient que le changement d'orientation vers le droit des affaires des cinq dernières années a fait en sorte que le litige, sa spécialité, était devenu un secteur accessoire chez Lavery, moins important aux yeux de la direction.

Il est aussi d'avis que Lavery a grossi trop vite, ce qui, inévitablement, a fait en sorte que les conflits d'intérêts d'affaires se sont multipliés.

Il y a conflit d'intérêts lorsqu'un client se présente dans un cabinet et que ce dernier ne peut le servir parce qu'il sert déjà un autre client concurrent.

« Les derniers temps, je devais refuser deux dossiers sur cinq à cause des conflits », dit-il.

À vrai dire, avoir son propre bureau, Jean-Pierre Casavant en rêvait depuis longtemps, mais ce n'est qu'en juin de l'an dernier que les choses se sont accélérées, à peu près au même moment où Lavery, de Billy amorçait des discussions avec les dirigeants d'un bureau concurrent, discussions qui ont abouti en octobre avec la disparition de Desjardins Ducharme et l'arrivée de 34 nouveaux avocats chez Lavery.

Sa décision n'a toutefois rien à voir avec cette fusion, bien que, admet-il, le fait que le cabinet grossisse encore n'arrangeait pas les choses.

Non, ce qui l'a fait bouger, c'est l'insistance de son ami, et désormais collègue, Joël Mercier. « Il m'achalait depuis cinq ans, j'ai fini par dire oui ! »

Sa fille, Isabelle, avocate, a également dit oui.

Presque au même moment, elle aussi quittait Lavery, de Billy pour se joindre au nouveau cabinet de son père.

Des plaideurs-négociateurs

Le cabinet boutique s'appelle Casavant Mercier et a pignon sur rue dans les bureaux de l'ex-cabinet de Me Mercier, Roy Mercier, dans le Vieux-Montréal.

Il se spécialise en litige, particulièrement dans le domaine du droit des assurances.

Jean-Pierre Casavant mentionne que le cabinet fait aussi du litige dans les domaines de la responsabilité civile du vendeur et du fabricant.

Et son collègue, Me Mercier, offre des services en droit administratif, droit du travail et droit civil.

Les deux compères comptent beaucoup sur les conflits d'intérêts dans les grands cabinets pour se faire référer plusieurs mandats.

Et ça marche !

En quelques mois, des cabinets comme de Grandpré Joli-Coeur et Robinson Sheppard Shapiro leur ont référé d'importants dossiers, ce qui aurait été inconcevable du temps où il était en grand cabinet.

Sur les cartes professionnelles, les nouveaux associés se définissent comme des plaideurs, négociateurs et conseillers.

C'est le positionnement du cabinet, en quelque sorte.

Pourquoi négociateurs?

Me Casavant explique qu'environ 93 % des dossiers qui se retrouvent en Cour supérieure finissent par se régler à l'amiable.

Dans ce contexte, le rôle de l'avocat est d'être avant tout un bon négociateur.

À cet égard, Jean-Pierre Casavant souligne que tous ses clients de Lavery l'ont suivi : Axa Assurances, Hydro-Québec, Canam Manac, etc.

Ce qui lui plaît dans son nouveau rôle d'avocat-patron, c'est la liberté d'action et la plus grande marge de manoeuvre qu'il a dans son boulot.

« Maintenant je choisis mes dossiers », dit-il.

Et ce n'est parce qu'on bosse dans un petit cabinet que les dossiers sont petits, au contraire certains de ses dossiers dépassent les 20 millions de dollars !

Il choisit aussi ses tarifs.

Une de ses premières décisions fut d'ailleurs de les réduire. Jean-Pierre Casavant facturait 400 $ l'heure chez Lavery, de Billy ; on peut aujourd'hui obtenir ses services pour « seulement » 275 $ l'heure.

Il est vrai qu'il peut se permettre de réduire les prix, vu que les frais fixes sont bien moins élevés que dans un grand cabinet.

Pour s'en convaincre, il suffit de comparer le look et le décor de son ancien bureau avec celui d'aujourd'hui, plus modeste.

Il admet d'ailleurs sans détour que son nouvel environnement de travail aurait besoin d'être rafraîchi.

Mais pour l'instant, il s'en moque un peu, car tout ce qui compte c'est de profiter de sa nouvelle vie au boulot.

« Je me sens libéré. »