Dans le but de contrer les vols commis par leur personnel, des compagnies britanniques ont créé une base de données contenant les noms d'ex-employés qui les ont volées ou fraudées. Une liste noire qui ne fait pas l'affaire de tous.

Dans le but de contrer les vols commis par leur personnel, des compagnies britanniques ont créé une base de données contenant les noms d'ex-employés qui les ont volées ou fraudées. Une liste noire qui ne fait pas l'affaire de tous.

«Je trouve cette liste complètement injuste et arbitraire», tonne Fernando Lago, ex-employé de Selfridges, une chaîne de magasins qui vient d'adhérer au Registre national de congédiement du personnel.

Ce registre contient les noms d'employés qui ont été congédiés pour vol ou fraude sans forcément avoir été reconnus coupables devant la justice.

S'il n'a jamais été accusé de tels crimes, le grand brun d'origine espagnole craint toutefois que cette liste noire ne mène à des dérapages. «Il arrive qu'il y ait des problèmes entre un employé et un gestionnaire, souligne-t-il. Qu'est-ce qui me dit qu'on ne pourrait pas mettre mon nom sur cette liste?» s'interroge l'homme de 32 ans.

Assurant que des règles strictes existent pour éviter de tels abus, Michael Schuck, directeur de l'organisme Agir contre les crimes d'affaires (AABC) et responsable du projet, soutient que cette base de données est une nécessité.

«Si vous devez embaucher quelqu'un pour administrer d'importantes sommes d'argent, vous ne voulez pas prendre quelqu'un qui a été renvoyé il y a six mois pour avoir volé 30 000$ à une compagnie», plaide-t-il.

Aucun moyen pour savoir

À l'heure actuelle, les employeurs britanniques n'ont aucun moyen de savoir si un candidat a déjà été renvoyé pour vol ou fraude s'il n'a pas fait l'objet d'un recours en justice, précise le directeur d'AABC.

Chaque année, les fraudes et les vols commis par le personnel coûteraient un peu plus d'un milliard de dollars aux entreprises britanniques.

Aux grands maux les grands remèdes: ces dernières ont donc créé cette base de données gérée par le privé et accessible sur l'internet par les entreprises participantes.

Moyennant un peu plus de 9000$ par an, elles peuvent vérifier qu'un candidat n'a pas déjà été renvoyé pour avoir volé ou fraudé une entreprise participante au projet.

Elles peuvent également signaler tous les cas où un employé a été attrapé la main dans le sac.

Évidemment, les syndicats et les groupes de défense des droits et libertés ne sont guère enthousiastes. Hannah Reed, responsable de la question des droits des employés pour la fédération syndicale TUC, s'inquiète de savoir «ce qu'il va se passer une fois le nom d'un individu placé sur cette liste noire. Quel droit va-t-il avoir après ça?»

«Ce système est ouvert aux abus de la part des employeurs, poursuit-elle. Le poids de la preuve est très faible, les employeurs ont juste besoin d'être raisonnablement convaincus qu'un individu a commis un crime pour le renvoyer au Royaume-Uni. Ce n'est pas comme la police qui doit en établir la preuve», note-t-elle.

Michael Schuck assure que les compagnies ne vont pas ajouter des noms sur la liste à la légère. «Mentir est une offense criminelle en vertu de la Loi sur la protection des données, et la compagnie qui ferait ça s'exposerait à des poursuites», précise-t-il.

Les entreprises qui adhèrent au registre ont l'obligation de signer un contrat stipulant qu'elles se conforment à la Loi sur la protection des données et aux Lois sur l'emploi. Ces exigences excluent de facto les plus petites compagnies.

Depuis le lancement de la base de données, au début mai, sept entreprises y ont adhéré. Dans le lot, on trouve notamment les importants magasins Harrods et Selfridges. Le directeur d'Agir contre les crimes d'affaires croit que d'autres entreprises des secteurs des transports, de la pharmaceutique ou de l'hôtellerie devraient s'y joindre sous peu.