Pour les 4500 Québécois membres ou employés d'une coopérative de travailleurs forestiers, la performance, depuis plusieurs mois, consiste surtout à survivre.

Pour les 4500 Québécois membres ou employés d'une coopérative de travailleurs forestiers, la performance, depuis plusieurs mois, consiste surtout à survivre.

La condition préalable est la mobilisation, estime Jocelyn Lessard, ingénieur forestier et directeur général de la Fédération québécoise des coopératives forestières (FQCF).

La FQCF est au nombre des participants du Sommet sur l'avenir du secteur forestier québécois, qui s'ouvre aujourd'hui à Québec. Même si leur voix retentit moins fort que celle des géants du secteur, ses 38 coops membres jouent un rôle crucial dans l'économie de plusieurs régions du Québec.

Les forestiers membres de ce mouvement sont responsables de la plantation d'un milliard d'arbres au Québec depuis sa naissance dans les chantiers il y a près de 70 ans.

En plus de la production de plants et du reboisement, les coopératives font de l'aménagement forestier et récoltent le bois pour alimenter les usines de transformation des grands industriels. Huit sont engagées dans des activités de transformation.

En 2006, le chiffre d'affaires des membres de la FQCF atteignait 325 millions de dollars.

Un difficile équilibre

«Le grand défi des coopératives de travailleurs est de maintenir l'équilibre entre la gestion entrepreneuriale, faite d'efficacité et de contrôle des coûts, et une vie associative qui a comme objectif de créer et de maintenir des emplois ainsi que d'améliorer le traitement des travailleurs», résume Jocelyn Lessard.

Aux premières heures de la crise actuelle, les membres de la Coopérative de Saint-Elzéar, en Gaspésie, ont décidé de réduire leurs salaires de 10%. Selon M. Lessard, ils savaient qu'ils pourraient récupérer ce manque à gagner après la crise.

Cette coopérative est l'un des huit membres de la FQCF engagés dans la transformation. Elle explore actuellement des moyens de diversifier ses produits.

Deux des coops de la FQCF ont plus de 60 ans et regroupent des enfants et petits-enfants de leurs fondateurs.

«Les coops qui ont du succès sont celles qui arrivent à mobiliser leurs membres, même dans des périodes difficiles comme celles que nous traversons», précise-t-il.

Selon M. Lessard, les coopératives ont longtemps pensé que l'accès aux décisions et aux livres suffisait à maintenir la flamme de leurs membres.

«Certaines réalisent maintenant qu'elles doivent se préoccuper beaucoup plus de bien traiter leurs gens», dit-il.

Plus facile à dire qu'à faire quand les grandes scieries ferment leurs portes ou font des mises à pied massives. Des membres de la FQCF sont privés de clients depuis près de deux ans.

«Certaines coopératives font preuve d'une incroyable résilience», se réjouit Jocelyn Lessard. Il cite en exemple la Coopérative Saint-Dominique, en Abitibi, qui a mis en place huit équipes de travailleurs en une semaine pour alimenter en bois l'usine de Matagami, que Domtar a décidé de relancer récemment.

«Notre défi est de redonner aux gens l'occasion de rêver ensemble, comme aux débuts du mouvement. Il faut réussir parce que sinon, d'ici 10 ans, plus personne ne va vouloir travailler en forêt», prédit le DG de la FQCF.

En hausse

Outre Desjardins, le mouvement coopératif québécois comptait, en 2005, 2400 entreprises non financières.

Ces coopératives réunissent des travailleurs, des producteurs, des consommateurs ou encore des groupes diversifiés, telles les coopératives de solidarité comme La Maison verte, dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce. Quelque 37 000 personnes y travaillaient en 2006.

Selon Hélène Lessard, PDG du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM), la notion de performance varie selon la nature de l'entreprise.

«Dans les coopératives de travailleurs, la pérennité de l'entreprise et des emplois passe en premier. Les conditions de travail dans certaines coops non rentable sont difficiles», constate-t-elle.

Nada Elkouzi est agente de développement à la Coopérative de développement régional (CDR) Montréal-Laval, un organisme de promotion et de soutien à ce type d'organisation.

Le mouvement est en croissance depuis quelques années, particulièrement dans le secteur des coopératives de solidarité.

Selon Mme Elkouzi, les coopératives de travailleurs ont un taux de survie de 46% après cinq ans. C'est similaire au taux des PME privées. La moyenne est de 64% pour l'ensemble des coopératives.

«Les membres des coopératives de travailleurs, contrairement aux coopératives de consommateurs, doivent se battre pour dénicher des clients. Ils sont à la fois propriétaires, salariés, parfois administrateurs ou cadres, des fonctions pas toujours évidentes à concilier. La qualité de la vie associative est un facteur déterminant de leur succès», dit-elle.

Mme Elkouzi comme Hélène Lessard soutiennent que la qualité de la vie associative est un des plus grands facteurs de la rentabilité des coopératives, peu importe leur nature.