Le sort de l'imprimeur Quebecor World (T.IQW) suscite encore beaucoup de doutes ce matin (lundi) dans les milieux financiers et boursiers, au lendemain d'un autre rendez-vous raté avec ses banquiers.

Le sort de l'imprimeur Quebecor World [[|ticker sym='T.IQW'|]] suscite encore beaucoup de doutes ce matin (lundi) dans les milieux financiers et boursiers, au lendemain d'un autre rendez-vous raté avec ses banquiers.

L'imprimeur devait obtenir dimanche l'accord de ses prêteurs bancaires pour un sauvetage financier de 400 M$ proposé depuis plus d'une semaine par son principal actionnaire, Quebecor Inc, et un partenaire torontois, le fonds Tricap du conglomérat Brookfield Asset Management.

Mais tard en soirée dimanche, plusieurs heures après l'échéance annoncée, Quebecor World n'avait toujours pas donné signe de vie à propos de cet accord avec son syndicat bancaire, mené par la Banque Royale.

Deux banques américaines, Citigroup et Bank of America, seraient aussi de la partie, selon des informations ayant filtré au cours du week-end dans la presse financière.

Quebecor World a besoin de l'accord de ses banquiers pour le financement de secours que lui ont proposé Quebecor et Tricap-Brookfield, il y a un peu plus d'une semaine, parce que certaines clauses de garantie pourraient déclasser celles que détiennent déjà les banques.

«Les banquiers tiennent habituellement à demeurer premiers en ligne parmi les créanciers de leurs emprunteurs, surtout une entreprise en crise de liquidités comme Quebecor World, à qui ils ont prêté des centaines de millions de dollars», a souligné Jamie Wetmore, analyse financier principal à l'agence de cotation DBRS de Toronto, qui suit de près les finances de l'imprimeur.

Au début de la semaine dernière, Quebecor World avait déjà raté une autre échéance convenue à la fin décembre avec son syndicat bancaire, et selon lequel l'imprimeur devait dénicher au moins 125 millions en nouveaux fonds.

De plus, Quebecor World, dont la dette totale dépasse les trois milliards, avait suspendu la semaine dernière un paiement d'intérêts de 19,5 millions dû sur un lot de 400 millions en obligations.

Ce faisant, de l'avis d'analystes, l'imprimeur risque désormais un rappel soudain de la majorité de son financement auprès des banques.

Une telle éventualité pourrait forcer Quebecor World à se déclarer insolvable et se réfugier sous la protection de la loi des arrangements avec les créanciers.

Dans ce contexte, tous les intervenants d'affaires de Quebecor World, incluant ses actionnaires autres que Quebecor Inc, sont dans l'attente nerveuse d'un dénouement, d'une journée à l'autre.

Les 27 500 employés dans ses 120 imprimeries et centres d'affaires au Canada, aux États-Unis et dans une dizaine d'autres pays, ont aussi de quoi s'inquiéter.

À son imprimerie de Magog au Québec, par exemple, Quebecor World prévoit mettre à pied au moins 200 salariés au cours des prochains jours, selon le syndicat FTQ qui les représente.

Ces mises à pied s'ajouteraient aux 90 déjà effectuées au début du mois.

Erreurs, malchances

Mais comment Quebecor World, fleuron d'affaires de Québec Inc. qui s'est hissé un temps au rang de plus grand imprimeur du monde, en est-il arrivé là?

C'est un mélange de mauvaises décisions d'affaires mais aussi de coups de malchance depuis plusieurs trimestres, selon des analystes qui l'ont à l'oeil.

Pour la pire malchance, ils montrent du doigt la crise du marché des titres de crédit, depuis la mi-août. Pour les entreprises très endettées et à court de liquidités, comme Quebecor World, les conditions d'accès à du nouveau financement se sont corsées considérablement.

«C'est sûr que l'impact de la crise du crédit parmi les institutions financières et les investisseurs a compliqué la situation de l'imprimeur. Mais cette situation affecte toutes les entreprises qui recherchent des fonds. Ce qui est plus grave pour Quebecor World, c'est qu'elle était déjà fragile financièrement, plus endettée que ses principaux concurrents», souligne Jamie Wetmore, de la firme DBRS.

«Aussi, Quebecor World semble avoir trop tardé pour rationaliser et moderniser ses actifs comme l'ont fait ces dernières années ses grands concurrents, tels l'américain R.R. Donnelley et le canadien Transcontinental. De plus, ces entreprises se sont concentrées sur certains créneaux de l'imprimerie commerciale, alors que Quebecor World est demeurée très diversifiée, trop peut-être.»

Par conséquent, alors que le marché de l'imprimerie commerciale subit un cycle baissier, Quebecor World s'est retrouvé avec des coûts d'exploitation et des marges bénéficiaires très défavorables par rapport à ses concurrents.

Malgré tout, Quebecor World peut-elle encore éviter le pire, c'est-à-dire la faillite et la liquidation de ses actifs?

Peut-être, disent des analystes, car ses banquiers risquent aussi beaucoup s'ils lui coupent net les vivres financiers. Mais la survie et la relance de l'imprimeur passeront sans doute par une difficile restructuration sous la protection de la loi.