Montréal est le port d'attache du plus important réseau international de chercheurs sur la mondialisation et le travail. Leurs trouvailles fournissent des pistes pour que le Québec tire son épingle du jeu dans le grand branle-bas de l'économie mondiale.

Montréal est le port d'attache du plus important réseau international de chercheurs sur la mondialisation et le travail. Leurs trouvailles fournissent des pistes pour que le Québec tire son épingle du jeu dans le grand branle-bas de l'économie mondiale.

«Pour faire face à la mondialisation, il faut d'abord la comprendre. Or, plusieurs idées qui circulent largement à son sujet sont des mythes», dit Gregor Murray, professeur à l'École des relations industrielles de l'Université de Montréal (UdeM) et directeur du Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (CRIMT).

Le CRIMT a vu le jour en 2003, à l'initiative conjointe de l'UdeM, de l'Université Laval et de HEC Montréal. Il regroupe maintenant 75 chercheurs en provenance de 16 universités canadiennes et de 25 instituts et universités de 10 pays étrangers.

Il vient de recevoir une subvention de 2,5 millions de dollars du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada qui lui permettra d'amorcer demain - 1er avril - son vaste programme d'étude.

Ses membres s'intéresseront notamment aux entreprises multinationales, aux nouvelles frontières pour la citoyenneté au travail et au nécessaire renouveau de la représentation collective.

Centres d'appels et R&D

Mondialisation rime souvent avec délocalisation. Or, nous sommes loin d'être toujours perdants de ces va-et-vient.

Exemple? «Le Canada, comme l'Inde, figure systématiquement parmi les palmarès des principales destinations pour l'accueil des centres d'appels des multinationales», révèle Gregor Murray.

En étudiant ce phénomène, le CRIMT voulait cerner les critères utilisés par ces géants lors de la délocalisation de leurs activités à l'étranger.

«Dans le cas des centres d'appels, les multinationales choisissent le Canada d'abord en raison de la qualité de la main-d'oeuvre et de l'appui des institutions», explique-t-il.

Le mot institution, dans ce cas, fait référence aussi bien aux politiques gouvernementales, aux lois, aux maisons de formation qu'aux structures tels les comités sectoriels et fonds d'investissements locaux.

«Ce n'est certainement pas en démantelant la concertation à la manière Québec Inc. que nous attirerons plus d'investissements étrangers. Au contraire, ces outils nous distinguent des autres économies et sont parmi nos meilleures cartes», commente M. Murray.

Des atouts

Les chercheurs du CRIMT ont également découvert - toujours pour les centres d'appel - que le système de santé et la syndicalisation font aussi partie de nos atouts. Ces particularités canadiennes - lorsqu'on compare avec les États-Unis et l'Inde - entraînent une plus grande stabilité de la main-d'oeuvre.

Selon Gregor Murray, ces constats se vérifient dans tous leurs travaux, peu importe le secteur d'activité.

«Les multinationales américaines qui font le plus de recherche et développement ont tendance à s'établir ici en raison des capacités d'innovation, la formation et la compétence de la main-d'oeuvre. Elles notent également les grandes possibilités d'arrimage avec les institutions du savoir», dit-il.

Ces découvertes conduisent le directeur du CRIMT à pourfendre d'autres idées en vogue.

«Certains pensent que c'est en réduisant les impôts des entreprises et la protection des travailleurs qu'on va s'en sortir. C'est de la pensée magique. Tous les autres sont capables de le faire. Il faut miser sur la qualité de notre tissu social», soutient-il.

Pôle d'attraction

Avec le CRIMT, Gregor Murray et ses codirecteurs Jacques Bélanger, de l'Université Laval, et Christian Lévesque, de HEC Montréal, sont peut-être en voie de doter le Québec d'un outil de rayonnement international et d'un pôle d'attraction comparables à nos grands événements culturels.

Comme les Alain Simard et Gilbert Rozon, ils sillonnent la planète pour dénicher les meilleurs talents et les faire défiler ici, souvent devant public et gratuitement.

Ainsi, le 3 avril, Tony Edwards, du King's College de Londres, animera un séminaire à HEC Montréal sur la nature de l'intégration internationale et des politiques RH des multinationales.

Le 9 avril, à l'UdM, quatre conférenciers, dont Philippe Pochet, de l'Institut syndical européen, traiteront des grands enjeux syndicaux européens.

Le lendemain, Bill Taylor, de la City University de Hong-Kong, parlera, à HEC Montréal, des perspectives de réforme des relations industrielles en Chine.

En octobre 2007, le CRIMT a tenu à Magog un séminaire international sur les travailleurs du savoir.

Les conférenciers, professeurs dans neuf universités canadiennes, ont entre autres abordé les défis de leur représentation collective.

Un mois plus tard, sous l'égide de l'Université Laval, 230 personnes, surtout des juristes de cabinets d'avocats, ont discuté chartes, normes du travail, conventions collectives, contrats de travail, etc.

Les conférenciers ont apporté un éclairage international aux échanges, grâce, notamment, aux réseaux du CRIMT.

La lecture des comptes rendus de ces rencontres - à l'adresse www.crimt.org - est souvent aride. Mais leur contenu vaut l'effort.