En deux petites journées de blitz média new-yorkais, le stratagème de Ponzi est devenu aussi connu dans le monde entier que la fraude fiscale.

En deux petites journées de blitz média new-yorkais, le stratagème de Ponzi est devenu aussi connu dans le monde entier que la fraude fiscale.

Mais l'arnaque qui a immortalisé le nom de Charles Ponzi - et qui fait actuellement du financier new-yorkais Bernard Madoff une célébrité internationale - se pratique couramment sous diverses formes partout au monde, y compris au Québec.

Un des cas récents, ici, est celui de la firme Mount Real, une arnaque de 130 millions de dollars où des centaines d'investisseurs ont acheté des billets à ordre prétendant offrir des rendements élevés et garantis. La plupart ont perdu leur chemise. C'est ce qu'allèguent les investisseurs dans une demande de recours collectif contre Mount Real, ses dirigeants et diverses personnes et firmes liées.

Le stratagème de Ponzi est «une arnaque classique (...) par laquelle les fraudeurs exploitent la bonne foi des investisseurs en offrant et en payant des rendements élevés afin de les attirer», affirme la poursuite contre Mount Real. En réalité, «les sommes investies sont utilisées à la fois pour enrichir les fraudeurs et pour payer les rendements promis. Le paiement des rendements promis sert à attirer de nouvelles victimes.»

En plus d'une description technique de la fraude alléguée, la poursuite offre aussi une vulgarisation très efficace du stratagème de Ponzi: «Mount Real est (...) en bon français une «balloune», affirme tout de go la poursuite présentée par trois cabinets d'avocats.

Au fil du temps, l'argent des nouveaux investisseurs paie les intérêts et les demandes de retraits des premiers... jusqu'à ce que les retraits dépassent la capacité de payer. C'est là que le château de cartes s'écroule et que commence le cauchemar des victimes.

Évidemment, les investisseurs sont encouragés à réinvestir leurs «intérêts», ce qui limite les décaissements.

Dans un cas pur de Ponzi, il n'y a qu'un minimum d'activité commerciale véritable.

Mais la plupart des financiers qui lancent une firme d'investissement n'ont pas comme ambition dans la vie de devenir des fraudeurs. Le stratagème de Ponzi est souvent le rejeton de l'échec financier (ou de l'incompétence) et du manque de transparence. Un peu comme dans Norbourg, on met le doigt dans l'engrenage avec une petite somme, on espère se refaire, et on s'enfonce jusqu'à ce que la «balloune» éclate. C'est peut-être ce qui est arrivé à Bernard Madoff.

Connexion montréalaise

Il y a une connexion montréalaise à Charles Ponzi, l'immigrant italien qui a donné son nom à ce type de fraude. En fait, il a peut-être appris son métier à Montréal, selon deux bouquins trouvés sur l'internet.

Après s'être d'abord installé à Boston en 1903, Ponzi a déménagé à Montréal en 1907 et a travaillé comme caissier à la Banco Zarossi, une banque en rapide croissance qui offrait des taux d'intérêt de 6%. La banque payait ces intérêts avec les dépôts des nouveaux déposants, expliquent les auteurs de The Forewarned Investor, un livre sur les fraudes publié en 2006.

«Ponzi a passé trois en prison à Montréal pour avoir fait un faux chèque.» En 1919, Ponzi s'est aperçu que certains mandats postaux internationaux pouvaient être encaissés aux États-Unis plus cher que leur prix de vente à l'étranger. Ponzi a fondé une firme, mais au lieu d'exploiter honnêtement cet écart, il a exploité 40 000 investisseurs, à qui il avait promis des rendements élevés sans risque, ajoute le biographe Donald Dunn, qui a publié Ponzi en 2004.

Des centaines d'accusations pénales ont été déposées par l'Autorité des marchés financiers dans l'affaire Mount Real, mais l'AMF, contrairement à la Securities and Exchange Commission américaine, n'utilise qu'exceptionnellement le terme «stratagème de Ponzi». Le ponzi est un type de fraude, donc de juridiction criminelle. Or l'AMF n'a pas de juridiction sur les fraudes, elle réprime uniquement les infractions à la Loi sur les valeurs mobilières, a rappelé hier le porte-parole de l'AMF Sylvain Théberge.