Propres, les biocarburants? En Indonésie, ils soutiennent une industrie qui pollue des dizaines de fois plus que les sables bitumineux «sales» de l'Alberta.

Propres, les biocarburants? En Indonésie, ils soutiennent une industrie qui pollue des dizaines de fois plus que les sables bitumineux «sales» de l'Alberta.

Tellement que le pays est passé devant la Russie, l'Inde, le Japon et l'Allemagne pour devenir le troisième producteur de gaz à effet de serre de la planète après les États-Unis et la Chine.

Ce podium a de quoi désarçonner tous ceux qui brûlent de l'huile de palme dans le réservoir de leur voiture en croyant sauver la planète. Et il s'est gagné sans cheminées, à l'insu d'à peu près tout le monde.

Comment? En plantant des palmiers sur des tourbières - des terres humides souvent recouvertes de forêt pluviale. Pour rendre ces terrains propres à l'agriculture, les entreprises coupent d'abord la forêt, puis évacuent l'eau en creusant des canaux.

Le hic: la tourbe est un réservoir naturel de gaz carbonique. Lorsqu'on l'assèche, elle se décompose. Et libère dans l'atmosphère du carbone qu'elle a mis des milliers d'années à stocker.

Ce phénomène invisible est souvent suivi d'un autre, qui lui, ne passe pas inaperçu: le feu. La tourbe sèche y devient vulnérable, et les agriculteurs n'hésitent pas brûler eux-mêmes leurs terres pour les «nettoyer» avant d'y planter des palmiers.

Ces feux, dont on perd souvent la maîtrise, libèrent aussi du gaz carbonique à grands coups de mégatonnes. Certaines années, les satellites signalent plus de 60 000 incendies dans la seule île de Bornéo.

La fumée dégagée est parfois telle qu'elle recouvre une bonne partie de l'Asie du Sud-Est, causant des tensions politiques entre l'Indonésie, la Malaisie et Singapour.

Les chiffres ont été dévoilés pour la première fois en décembre 2006 par deux organisations néerlandaises, Wetlands International et Delft Hydraulics. Aujourd'hui, ils font consensus parmi la communauté internationale.

Chaque année, les tourbières ravagées de l'Asie du Sud-Est rejettent 2 milliards de tonnes de CO2 dans l'atmosphère. De ce nombre, 90% proviennent de l'Indonésie.

Ces mégatonnes de carbone représentent l'équivalent de 8% des émissions mondiales de carburant fossile. Et elles sont déjà 25 fois plus élevées que ce que les sables bitumineux «sales» de l'Alberta émettront en 2015, selon les chiffres de l'Institut Pembina.

Loin de ralentir, la tendance va en s'accélérant. Les tourbières sont souvent situées dans des régions reculées, si bien que seulement 25% des plantations d'huile de palme y sont actuellement installées.

Mais l'industrie commence à manquer de terres faciles d'accès. Et selon Wetlands International, malgré des lois qui l'interdisent, la moitié des nouvelles plantations de palmiers à huile se font maintenant dans des tourbières gorgées de carbone.