Le sauvetage des 32 milliards de dollars en papier commercial figé depuis sept mois approche d'un moment crucial, avec le vote des détenteurs sur le projet de restructuration en titres à long terme.

Le sauvetage des 32 milliards de dollars en papier commercial figé depuis sept mois approche d'un moment crucial, avec le vote des détenteurs sur le projet de restructuration en titres à long terme.

Mais pour réussir ce vote, prévu le 25 avril, les architectes de la restructuration - les 17 membres financiers du Comité Crawford - doivent convaincre une majorité des quelque 1700 détenteurs de PCAA (papier commercial adossé à des actifs, non bancaires).

C'est pourquoi les dirigeants de ce «Comité pancanadien de restructuration du PCAA» font escale à Montréal cet après-midi (lundi), au grand hôtel Reine-Elizabeth.

Il s'agit d'une étape de la tournée d'une semaine du Comité Crawford, qui passe aussi par Toronto, Calgary, Edmonton et Vancouver.

Le but: répondre aux questions des particuliers investisseurs et des dirigeants de PME qui ont des liquidités figées dans le fiasco du PCAA.

Grogne croissante

Mais surtout, contenir la grogne croissante parmi ceux qui craignent de voir leur avoir en PCAA amputé de près du quart de sa valeur initiale s'ils veulent le récupérer rapidement.

L'alternative: attendre de sept à neuf ans pour récupérer des fonds plus ou moins intacts alors que le PCAA leur fut vendu comme un placement à très court terme, afin de rehausser le rendement de liquidités.

C'est la conséquence de la conversion du PCAA en nouveaux titres de dette à long terme, appariés aux échéances des actifs financiers sous-jacents (hypothèques et prêts divers, etc.).

Enfin, autre motif de grogne parmi les investisseurs: la proposition du Comité Crawford comprend une clause d'immunité juridique complète pour tous les intervenants du marché du PCAA non bancaire.

En clair: en acceptant la proposition de restructuration, les détenteurs de PCAA renonceront à toute poursuite ou réclamation contre ceux qui ont émis et distribué ces titres.

Mais pourquoi accorder une telle importance à quelques centaines de petits investisseurs, dont l'avoir cumulatif en PCAA - environ 320 millions - représente à peine 1% des 32 milliards en tout?

C'est que la mise en fonction de la refonte du PCAA, à compter de la fin mai, passera par le même processus que celui d'une entreprise insolvable, selon la «Loi des arrangements avec les créanciers de compagnies» (LACC).

Ça signifie qu'il devra être approuvé par vote à majorité double parmi tous les détenteurs de PCAA: 50% + 1 des voix admissibles, peu importe la taille de leur avoir, et 66% de la valeur totale du PCAA.

Important défi

Or, cette démarche s'annonce un important défi pour les membres du "Comité Crawford", du nom de son directeur, l'avocat d'affaires torontois Purdy Crawford.

Car s'ils pèsent pour les deux tiers du PCAA non bancaires, soit 21 des 32 milliards, les membres du comité ne comptent que pour un maigre 1% des votes parmi les détenteurs.

À l'inverse, les quelque 1550 particuliers investisseurs en PCAA pèsent pour un peu plus de 90% des voix, mais seulement 1% de la valeur.

Donc, à peine quelques centaines d'entre eux - les plus mécontents - pourraient faire échouer le vote sur la restructuration du PCAA même s'ils n'en détiennent que pour quelques millions, parmi les 32 milliards en cause.

Mobilisation

Déjà, de tels investisseurs mécontents se mobilisent en ce sens, dans l'ouest du Canada surtout.

Il s'agit surtout de nombreux clients de deux firmes financières de Vancouver, Canaccord Capital et Credential Securities, auxquelles ils reprochent d'avoir vendu du PCAA avec des informations incomplètes, sinon fautives.

Un groupe de ces investisseurs mécontents ont embauché une firme d'avocats torontoise, Juroviesky&Ricci, pour piloter leur réclamation.

Pour le moment, ils demandent le rachat de leur PCAA à sa pleine valeur nominale par les principaux membres du Comité Crawford.

Parmi ces derniers: la Caisse de dépôt et placement du Québec (13,2 milliards en PCAA), la Banque Nationale (2,3 milliards), Desjardins (1,8 milliard).

Ces investisseurs mécontents plaident qu'un tel rachat de leurs titres, évalué autour de 320 millions, ne représenterait qu'un pour cent de tout le PCAA.

De plus, prétendent-ils, le risque net relié à un tel rachat se résumerait à la dépréciation à court terme du PCAA, estimée autour de 20%.

Mais pourront-ils parvenir à un accord satisfaisant avec le Comité Crawford, qui se grefferait à son projet de restructuration d'ici le vote du 25 avril?

Pour le moment, son directeur, Purdy Crawford, ne ferme pas la porte. Devant l'Empire Club de Toronto, mercredi dernier, il a indiqué qu'il attendait une «proposition raisonnable» de la part de ces investisseurs dissidents.

Des compromis

«Les principaux intervenants du PCAA ont multiplié les compromis depuis des mois pour parvenir à une proposition. Par conséquent, nous n'allons pas tout risquer en refusant de discuter d'une situation particulière, comme celle des petits investisseurs en PCAA», a indiqué M. Crawford.

Mais après la tournée de cette semaine dans les principales villes d'affaires au Canada, il ne restera ensuite que deux à trois semaines au Comité Crawford pour parvenir à des ententes spéciales, s'il y a lieu.

«Ces petits investisseurs savent qu'ils ont du pouvoir pour la suite de la restructuration du PCAA. Mais j'espère qu'ils n'en abuseront pas, au risque de tout faire crouler», a averti M. Crawford.