En collaboration avec HEC Montréal, nous publions notre chronique hebdomadaire sur les défis auxquels font face les entreprises au plan de la gestion.

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En dépit de la somme de connaissances acquises sur le leadership, nos sociétés et nos organisations souffrent d'un manque de leaders, un problème susceptible de s'aggraver dans le futur. Or, pour les organisations, trouver et former la prochaine génération de leaders devient une priorité incontournable. Il faudra, cependant, dépasser le préjugé favorable que nous entretenons à l'égard des leaders qui ont réussi.

Le vrai test

S'il est facile de reconnaître un Obama lorsque celui-ci est déjà consacré leader, il reste difficile de déterminer ceux qui, parmi un groupe de gens talentueux, seront les leaders de demain. Dans le contexte actuel, miser sur quelques personnes présente un risque très élevé, et se fier à un marché du travail en pénurie, pour trouver ces leaders, reste une stratégie tout aussi hasardeuse.

La solution, adoptée par un nombre croissant d'organisations, est de jeter ses filets plus loin en misant, non pas sur de rares individus dans une logique de relève, mais sur un bassin beaucoup plus large de candidats montrant un certain potentiel. Plusieurs entreprises parlent du «top 50 ou 100» des individus ayant une performance supérieure à la moyenne, une capacité de croissance et de l'ambition.

Cette approche a le double avantage de diminuer sensiblement le risque d'erreur dans le choix des bonnes personnes à former et d'envoyer un message stimulant à un plus grand nombre d'individus qui vont se mobiliser et se fidéliser à l'égard de leur employeur. Mais, de toute évidence, cette approche présente certaines difficultés importantes qu'il ne faut pas sous-estimer.

Quand les leaders échouent

Nous négligeons le fait que 30 à 50% des individus à haut potentiel vont «dérailler» sur la voie du succès, c'est-à-dire qu'ils vont soit quitter l'organisation ou être congédiés, soit être involontairement plafonnés, mutés, rétrogradés avant d'avoir atteint un poste à la hauteur de leur potentiel; un beau gaspillage de talent!

Les études montrent qu'au départ, ceux qui échouent sur la voie du succès ne sont pas différents de ceux qui réussissent. Cependant, en cours de route, ceux qui déraillent manifestent souvent des problèmes d'attitude (arrogance, soif de reconnaissance insatiable) et de comportement (difficulté à se fixer des limites, hostiles envers moins performants qu'eux) qui vont laisser derrière eux les traces d'un ensemble de situations non résolues et de gens frustrés, ce qui va leur nuire plus tard.

Le manque de sensibilité de certains et leur résistance au feed-back les conduisent à négliger d'améliorer leurs compétences relationnelles (ex. faible écoute, ne pas faire confiance), ce qui les limite dans leur capacité à obtenir la pleine contribution de leur personnel.

Convaincus que leur succès passé est un indicateur de leur succès futur, ils éprouvent de la difficulté à s'adapter à une nouvelle situation (ex. un nouveau patron). Pour la même raison, ce qui a fait leur force en début de carrière devient plus tard une faiblesse importante (ex. être au fait de ses dossiers devient du contrôle excessif).

La part de responsabilité des employeurs

Pour leur part, les organisations peuvent contribuer également au déraillement des individus à haut potentiel par des pratiques inappropriées: des affectations trop rapides, lier performance et promotion sans tenir compte de la façon dont les résultats ont été atteints, l'absence de coach ou de mentor lors de transitions exigeantes, l'accès limité à un feed-back qui permettrait une meilleure connaissance de soi, le manque de temps accordé à la réflexion, le travail en silo dans une seule fonction et l'intolérance face à l'échec même en situation d'apprentissage.

Prévenir le déraillement

Prévenir ce problème exige que les individus à haut potentiel et leurs employeurs s'engagent dans trois pistes de solution. Il faut transmettre davantage de feed-back aux individus qui font partie des bassins de relève.

D'ailleurs, il est utile de leur apprendre à solliciter eux-mêmes ce feed-back. Il faut aussi leur procurer régulièrement du soutien ainsi que des occasions de réflexion qui vont les amener à remettre en question leurs façons de faire et d'être. Le suivi d'un coach est certainement une avenue intéressante à cet égard, particulièrement lors des transitions importantes. Enfin, l'acquisition de solides compétences relationnelles est aussi une condition incontournable.

En définitive, trouver et former la prochaine génération de leaders devrait être une priorité. Cependant, ne pas sacrifier près de la moitié du contingent en cours de route, devrait aussi faire partie de nos préoccupations.

L'auteur, Alain Gosselin, Ph.D., CRHA, est professeur titulaire et Directeur associé à la formation des cadres et des dirigeants à HEC Montréal. www.hec.ca/profs/alain.gosselin.html