La crise financière qui a plongé le monde en récession aura obligé les banquiers centraux à apprendre et à agir sur le tas. Ils se sont jetés dans la mêlée, parfois avec l'énergie du désespoir. Ils ont souvent avancé à tâtons devant la complexité et l'inédit de la tâche. L'an prochain, ils devront poursuivre leur travail acharné, car rien n'est encore joué.

La crise financière qui a plongé le monde en récession aura obligé les banquiers centraux à apprendre et à agir sur le tas. Ils se sont jetés dans la mêlée, parfois avec l'énergie du désespoir. Ils ont souvent avancé à tâtons devant la complexité et l'inédit de la tâche. L'an prochain, ils devront poursuivre leur travail acharné, car rien n'est encore joué.

Cet automne, les autorités monétaires et politiques ont travaillé même durant les week-ends, tant s'est aggravée la crise mondiale.

Le dimanche 7 septembre, le secrétaire au Trésor américain, Henry Paulson, annonce la mise en tutelle des réassureurs hypothécaires Freddie Mac et Fannie Mae et s'engage à garantir leurs titres de dettes. La facture sera salée: environ 200 milliards.

Le lundi 15, le Trésor et la Réserve fédérale américaine décident de laisser tomber la banque d'affaires Lehman Brothers. Ce qui les convainc d'agir de la sorte, c'est le risque de dommage moral. Agir autrement aurait envoyé le message que les gros joueurs devront être sauvés quoi qu'ils aient fait, car ils sont trop gros pour qu'on les laisse tomber.

Le surlendemain pourtant, la Fed choisit de venir à la rescousse d'AIG, premier assureur des États-Unis, en lui prêtant d'urgence 85 milliards.

Les jours suivants, le président de la Fed, Ben S. Bernanke, et M. Paulson exercent des pressions sur le Congrès pour l'adoption rapide d'un plan de sauvetage général du système financier évalué à 700 milliards.

Le Congrès le rejettera une première fois le 29, une majorité de républicains invoquant le risque moral. De multiples pressions amèneront les deux Chambres à amender le plan Paulson et à l'adopter une semaine plus tard.

Avec ce plan, le Trésor doit en principe racheter des éléments d'actifs toxiques des banques.

Les autorités européennes orchestrent plutôt le sauvetage de leurs banques en danger par des participations directes à leur capital. Ainsi, le dimanche 28 septembre, les parlementaires britanniques ont orchestré le démantèlement ordonné de la banque Bradford & Bingley, spécialisée dans le prêt hypothécaire. Au Benelux, le groupe financier Fortis a aussi été partiellement nationalisé. Dix jours plus tôt, Londres avait facilité l'absorption de la HBOS, en manque de capitaux, par la Lloyds.

Après des semaines de tergiversations qui ont angoissé les investisseurs, M. Paulson se rendra à cette solution, qui va à l'encontre de son dogme libertaire, et qui, dit-on, était celle que privilégiait M. Bernanke.

«Dans toute cette gestion, on a confondu un moment les rôles de la Fed et du Trésor, explique Jean Boivin, titulaire de la Chaire politique monétaire et marchés financiers à HEC Montréal. Au bout du compte, on peut dire que les va-et-vient du plan Paulson étaient plus graves que d'avoir laissé tomber Lehman. Mais on essayait de réagir en temps réel à une situation des plus complexes.»

Ce qui aura compliqué les décideurs, c'est aussi une campagne présidentielle où les candidats se démarquaient de l'administration discréditée en poste à la Maison-Blanche.

En revanche, tout le monde a compris le danger que court l'économie mondiale de laisser tomber une institution de premier plan. Réunis en séance extraordinaire à Washington le samedi 15 novembre, les chefs de gouvernement du G20 se sont engagés à ne plus laisser tomber d'institutions financières dont la faillite présenterait un risque systémique.

Voilà pourquoi le dimanche 23 novembre, la Fed n'a pas hésité à allonger 306 milliards pour empêcher le naufrage de Citigroup, une banque présente dans une centaine de pays.