Il y a deux semaines, Bernard Madoff est entré au Everglades Barber Shop, sur Worth Avenue, à Palm Beach, en Floride, pour le traitement habituel: une coupe de cheveux (65$US), un rasage (40$US), une pédicure (50$US) et une manucure (22$US).

Il y a deux semaines, Bernard Madoff est entré au Everglades Barber Shop, sur Worth Avenue, à Palm Beach, en Floride, pour le traitement habituel: une coupe de cheveux (65$US), un rasage (40$US), une pédicure (50$US) et une manucure (22$US).

«Pour moi, c'était un parfait gentleman», lance Senio Figliozzi, 72 ans, propriétaire du salon de barbier de trois chaises où M. Madoff s'est fait couper les cheveux au cours des 17 derniers hivers. «Ce qu'il a fait dans ses affaires, ce sont des nouvelles pour moi», ajoute-t-il.

Mais les activités de M. Madoff dans ses affaires, soit avoir dirigé une combine pyramidale qui a peut-être floué des investisseurs partout dans le monde pour une somme de 50 milliards US, étaient le sujet de toutes les conversations à Palm Beach cette semaine.

Le gestionnaire de portefeuilles, qui a été arrêté, possède une maison de 21 millions US sur l'Intracoastal Waterway à environ un mille du Palm Beach Country Club. C'est un adepte régulier de ce club de golf où son handicap de 9,8 cette année a été aussi régulier que les rendements qu'il promettait aux investisseurs.

Des références qui séduisent

Ce sont ces rendements qui ont fait saliver Marilyn Lane, 72 ans, et son mari, William, 81 ans, et qui les ont attirés dans l'orbite de M. Madoff. Les Lane, qui possèdent une concession automobile Chevrolet et Saturn à Manassas, en Virginie, ainsi qu'une demeure à Palm Beach, ont investi plus de 1 million US chez M. Madoff il y a environ six mois.

«Il avait certainement des références, explique M. Lane au Green's Pharmacy and Luncheonette, un restaurant populaire de Palm Beach pour les déjeuners. Tous les gens à qui vous parliez le recommandaient chaudement. Ce n'est pas comme si vous vous embarquiez dans une combine irresponsable. C'est du moins ce qu'on pensait.»

Nombre de personnes qui ont confié leur argent à M. Madoff, 70 ans, disent de même: c'est un homme sociable, généreux et de très haute réputation, toutes d'excellentes qualités pour un présumé arnaqueur. Que vous le rencontriez au Palm Beach Country Club ou à Montauk, dans Long Island, où il possédait une maison, ou encore à New York, où il vivait avec sa femme Ruth dans un duplex dans la 64e rue Est, vous ne pouviez qu'être impressionné par ses références et ses manières.

«Il est très bien de sa personne, très charmant», assure Jerry Reisman, avocat de Garden City, à New York, qui se souvient d'avoir rencontré M. Madoff il y a cinq ou six ans au Glen Oaks Country Club, club de golf de Westbury, dans l'État de New York. "Il évoluait dans les meilleurs cercles. C'était un pro dans ce domaine. Il possédait probablement l'un des meilleurs réseaux sociaux aux États-Unis.»

Aujourd'hui, M. Reisman, du cabinet Reisman, Peirez&Reisman, représente 10 personnes qui ont investi auprès de M. Madoff et qui disent avoir perdu au total environ 150 millionsUS.

Au Palm, restaurant de bifteck à East Hampton, dans l'État de New York, le directeur Tomas Romano précisé que M. Madoff est un client régulier depuis 20 ans. Il insistait toujours pour avoir une table à l'entrée du restaurant, dit M. Romano, et il était souvent entouré d'amis. De nombreuses personnes figurant sur la liste des victimes de la fraude de M. Madoff, ajoute-t-il, étaient aussi des clients du Palm.

«Même Spielberg», dit M. Romano, en faisant allusion au réalisateur Steven Spielberg, dont la Wunderkinder Foundation a investi de l'argent dans Bernard L. Madoff Investment Securities.

«C'est comme lorsque vous dressez le profil de quelqu'un, explique M. Romano. Vous vous dites: Non, cette personne ne peut avoir fait ça.»

Un mystère

Si M. Madoff était à l'aise au milieu de gens, ses activités de conseiller demeuraient un mystère pour la plupart des personnes au sein de la société qu'il a fondée en 1960, ont indiqué deux employés qui ont réclamé l'anonymat de crainte d'être mêlés à l'enquête en cours.

La firme occupait plusieurs étages du Lipstick Building, dans la troisième avenue au coeur de Manhattan. Les divisions de transactions de M. Madoff se trouvaient au 19e étage, alors que les services de soutien occupaient le 18e étage, ont précisé les employés. Les activités de conseils se déroulaient au 17e étage et elles n'étaient pas liées aux autres. Il y avait peu d'interaction entre les groupes, selon les employés. Et les divisions utilisaient des systèmes informatiques distincts, a indiqué une personne au courant de l'arrangement.

Les fils de M. Madoff, qui dirigeaient la division de transactions, ont déclaré aux employés que leur père les tenait dans l'ignorance des activités de la division de conseils. Si M. Madoff apparaissait rarement aux 18e et 19e étages au cours de la journée de travail, on savait toutefois qu'il menait une inspection au cours de la soirée pour vérifier si des bureaux étaient en désordre ou si des stores n'étaient pas entièrement tirés, a dit l'un des employés.

M. Madoff vivait à environ 10 pâtés de maisons de son bureau, dans un appartement au coin de Park Avenue et de la 64e rue qu'il avait acheté en 1990 au prix de 3,33 millions US.