Si on en croit l'Institut économique de Montréal, le Québec serait assis sur une véritable mine d'or alors que l'exportation d'eau douce à grande échelle rapporterait plusieurs milliards par année au trésor québécois.

Si on en croit l'Institut économique de Montréal, le Québec serait assis sur une véritable mine d'or alors que l'exportation d'eau douce à grande échelle rapporterait plusieurs milliards par année au trésor québécois.

Dans un cahier de recherche publié par l'Institut, l'auteur et vice-président Marcel Boyer souligne «qu'il est urgent de s'intéresser sérieusement à la valorisation de notre or bleu» tout en indiquant qu'un plan de développement et de mise en marché est nécessaire.

Car pour ce think tank qui prône le libéralisme économique, le Québec serait gagnant sur toute la ligne. L'exportation de 10 % de ses réserves lui permettrait de générer des revenus de 65 G$ par année avec un coût de 65 cents par mètre cube – prix actuel du dessalement de l'eau de mer.

Même si la province ne touchait que 10% des revenus générés, cela amènerait 6,5 G$ dans le trésor québécois soit environ cinq fois plus que le dividende payé par Hydro-Québec à l'État québécois, souligne l'Institut.

Le cahier d'étude indique que le Canada possède la plus grande réserve d'eau douce au monde, soit 8% du stock mondial.

Pour le Québec, c'est 3% de toutes les réserves qui se retrouvent sur son territoire, soit treize fois plus d'eau douce par habitant qu'aux États-Unis.

Pour Eau Secours, l'étude est simpliste

Du côté de la coalition Eau Secours, les termes utilisés pour qualifier l'étude sont corrosifs.

«C'est carrément simpliste et ça ne tient pas la route au niveau éthique, environnemental mais également économique», assure Martine Ouellet, présidente de l'organisme.

Selon elle, l'eau sera essentiellement acheminée vers les États-Unis. Le hic, c'est que personne ne voudrait en acheter car elle serait trop dispendieuse.

«Les coûts de production seraient trop élevés pour aller la chercher dans le Nord québécois. Donc, ce ne serait pas rentable», assure-t-elle.

La tentation serait alors très grande de la puiser plus au Sud, ce qui aurait un impact sur notre bassin hydrographique, avance Eau Secours.

L'organisme ne voit pas non plus dans cette proposition un véritable moteur de développement économique pour le Québec.

«Il n'y aurait pas de création d'emplois. Selon moi, ça ressemble beaucoup plus à un développement tiers-mondiste».

Pour la présidente d'Eau Secours, un autre problème est éthique. À l'heure actuelle, l'eau est considérée comme «une chose commune». À partir du moment où elle serait commercialisée à grande échelle, elle deviendrait un bien de consommation comme les autres.

«L'eau, ce n'est pas un produit, c'est essentiel à la vie. Tout le monde doit y avoir accès», assure-t-elle.

À l'heure actuelle, selon l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), il est impossible de commercialiser des contenants d'eau de plus de 20 litres. Donc dans le cas d'une exportation massive, de nouveaux accords devraient être signés.

Du point de vue environnemental, Eau Secours s'inquiète également des répercussions.

«On ne sait toujours pas comment on assurerait la distribution de l'eau... Est-ce qu'on va détourner des rivières pour y parvenir ?», se demande la présidente.

Un autre organisme, Nature Québec, émet également de nombreux bémols.

«À plusieurs égards, nous connaissons bien mal notre ressource. Je pense que nous devons faire le ménage avant de vouloir l'exporter», croit Christian Simard, directeur général de Nature Québec.

M. Simard croit que le Québec devrait tout d'abord retirer des redevances de la vente de bouteilles d'eau et devrait appliquer le principe d'utilisateur-payeur et pollueur-payeur comme cela était inscrit dans la Politique québécoise de l'eau entrée en vigueur en 2003.

Il croit toutefois que la province devrait mieux protéger l'eau et assurer sa souveraineté sur son abondante ressource.

«Je crois qu'il faut faire attention car la pression américaine va devenir de plus en plus en forte dans le futur», admet M. Simard.

Ce n'est pas la première fois que cette question controversée revient sur le tapis. Mais à chaque occasion, les projets d'exportation de l'eau douce ont été balayés du revers de la main.

L'Institut économique de Montréal se décrit comme un «organisme de recherche et d'éducation économique indépendant, non partisan et sans but lucratif».

Sur son conseil d'administration de 14 membres, plusieurs viennent principalement du milieu corporatif québécois comme Marcel Dutil, président du conseil de Canam, Jean-Pierre Ouellet, vice-président du conseil de RBC Marchés capitaux et l'ex-président de la Banque Nationale, Léon Courville.