Compte tenu des délais que cette démarche suppose, il est peu probable que le gouvernement Charest appelle de la décision de la Cour supérieure qui nie le droit de Québec d'attribuer, sans appel d'offres à Bombardier, le contrat de 1,2 milliard de dollars pour le renouvellement des rames de métro de Montréal.

Compte tenu des délais que cette démarche suppose, il est peu probable que le gouvernement Charest appelle de la décision de la Cour supérieure qui nie le droit de Québec d'attribuer, sans appel d'offres à Bombardier, le contrat de 1,2 milliard de dollars pour le renouvellement des rames de métro de Montréal.

La solution la plus probable, qui circule dans les officines à Québec, reste une négociation entre Bombardier et Alstom, qui permettrait à la multinationale française d'obtenir une part du gâteau.

Officiellement rien n'est décidé toutefois: «On a 30 jours pour aller en appel, si on décidait d'y aller. On doit faire l'analyse systématique du jugement qui est complexe», se contentait de dire jeudi Philippe Archambault, porte parole du ministre de la Justice, Jacques Dupuis.

Mais c'était le branle-bas de combat hier matin dans plusieurs ministères à Québec après le verdict fort embarrassant rendu par le juge Joel Silcoff, de la Cour supérieure.

Tranchant dans le litige opposant Québec, Bombardier et la Société de transport de Montréal à la multinationale française Alstom, le juge Silcoff a fait des reproches bien sentis aux fonctionnaires du ministère du Développement économique, qui ont, selon lui, bâclé leur travail.

La sous-ministre adjointe, Madeleine Caron, et la responsable du matériel de transports, Marie-Hélène Savard, n'avaient pas l'expertise nécessaire pour réellement vérifier que Bombardier était bien le seul fournisseur de voitures de métro au Canada, l'argument sur lequel s'appuyait Québec.

Les vérifications ont été «complètement bâclées» constate le juge. Ce travail était fait «alors que les conclusions étaient connues (ou imposées) d'avance», poursuit le juge qui dit faire siennes les observations des procureurs d'Alstom.

L'avis du ministère de Raymond Bachand concluait que, comme Alstom n'avait plus d'installations au Québec, elle n'avait pas à être invité à soumissionner pour ce contrat public -Québec assume 75% de la facture de renouvellement des 336 voitures qui datent de 1963, et dont la vie utile normale est dépassée depuis longtemps.

Raymond Bachand était devenu ministre du Développement économique à la fin de février, mais, déjà, son prédécesseur Claude Béchard avait poussé pour que le contrat puisse être accordé directement à Bombardier - l'usine susceptible de bénéficier des retombées se trouve à La Pocatière, dans sa circonscription.

À son arrivée en poste, le ministre Bachand avait tenu à ce que les deux firmes soient rencontrées pour qu'elles puissent faire valoir leurs arguments. En cour, Alstom a plaidé qu'elle n'avait eu qu'une semaine pour se préparer à cette «rencontre déterminante», une doléance accueillie par le tribunal.

Dans les coulisses des ministères, on s'attend à ce que Bombardier offre à sa rivale de négocier un «partage du gâteau, comme ces deux entreprises l'ont déjà fait ailleurs dans le monde» confie-t-on au niveau politique. Ce scénario d'une entente est celui qui suppose le moins de délais.

C'est depuis 1996 qu'on étudie le remplacement des plus vieilles rames du métro de Montréal -leur usure force une surutilisation des véhicules plus récents et le temps presse.

Déjà, au moment où Bombardier recevait le contrat de gré à gré, les premières rames n'étaient livrées qu'en 2012. Chez Bombardier, on convenait que la décision de la Cour supérieure supposait des mois de délais.

Outre la négociation et l'appel, le gouvernement du Québec a deux autres scénarios devant lui.

Il pourrait opter pour un appel d'offres comme le recommande le jugement, mais y préciser des niveaux de contenu québécois qui risqueraient de disqualifier le constructeur français.

Au surplus, bâtir un nouvel appel d'offres suppose un retard de six mois à un an avant l'adjudication du contrat.

Un appel du verdict enclenche un long report, on parle d'un an de délai supplémentaire, et n'offre de surcroît aucune garantie que l'usine de La Pocatière puisse obtenir sa part du gâteau.

Une autre possibilité discutée par les cabinets politiques est le dépôt d'une loi permettant à Québec de donner carrément le contrat à Bombardier.

Une piste bien peu probable, convient-on facilement, compte tenu des conséquences pour le respect des règles du commerce international.

On plaide aussi que ce pourrait être difficile à adopter dans un contexte de gouvernement minoritaire.

Mario Dumont a déjà dit qu'il voulait que le travail commence rapidement, qu'il était favorable à un contrat sans appel d'offres, à la condition que les règles du commerce international soient respectées.

Jeudi, on refusait de commenter du côté du chef adéquiste, mais la député adéquiste Linda Lapointe accusait Claude Béchard d'avoir «le record des dossiers mal ficelés» avec cette rebuffade de la Cour.