Le passage à la retraite est une étape difficile dans la vie de plusieurs athlètes olympiques. Certains en profitent pour se lancer en affaires. Les valeurs sportives acquises durant des années d'entraînement acharné et de sacrifices peuvent parfois créer des entrepreneurs de haut vol. Décrocher des médailles a plusieurs points en commun avec le désir de battre la concurrence.

Le passage à la retraite est une étape difficile dans la vie de plusieurs athlètes olympiques. Certains en profitent pour se lancer en affaires. Les valeurs sportives acquises durant des années d'entraînement acharné et de sacrifices peuvent parfois créer des entrepreneurs de haut vol. Décrocher des médailles a plusieurs points en commun avec le désir de battre la concurrence.

Annick-Isabelle Marcoux: une athlète hybride

Annick-Isabelle Marcoux jongle avec des fortunes privées de millions de dollars. Dans ses temps libres, elle avale les kilomètres au guidon de sa bicyclette. Athlète de pointe et femme d'affaires expérimentée, elle négocie les contrats de la même façon que les virages.

Mme Marcoux est directrice régionale, expansion des affaires, de BMO Banque privée Harris. Dans son bureau au 32e étage d'un gratte-ciel du centre-ville, elle gère une équipe qui est responsable d'attirer les fortunes des gens riches. «Mon bureau, c'est mon podium, dit-elle. Mon siège n'est pas acquis. Si je ne travaille pas, je ne le garderai pas et je vais descendre d'étage.»

En juin, la femme de 38 ans a gagné les championnats Masters canadien de vélo contre la montre. En 2000, elle a remporté une compétition du même ordre sur son vélo de montagne. Elle se considère comme une athlète hybride.

Mme Marcoux applique directement ses principes sportifs à sa carrière dans le monde des affaires. «Avant de me coucher, je vois le parcours des courses dans ma tête. Je sais où je vais avoir mal.»

En affaires, la femme au tailleur blanc procède de la même façon avant de rencontrer un client. Elle visualise les négociations. «Je vois le moment où je vais lui serrer la main, je sais de quelle façon je vais discuter avec une touche d'humour.»

À vélo, la distraction est un ennemi qu'elle doit continuellement combattre. La douleur, la maladie et les autres coureurs sont des éléments qu'elle apprend à gérer.

Le même principe s'applique au bureau. «Les directives internes, les collègues, les compétiteurs d'affaires et les règlements sont autant de sources de distraction, dit-elle. En sachant gérer ses distractions, un bon gestionnaire gère ses priorités.»

Comme une équipe olympique

Annick-Isabelle Marcoux essaie de gérer l'énergie et la motivation de son équipe aussi efficacement que possible. Généralement, lorsqu'un athlète gagne une médaille, il va tenter d'utiliser à profit cette énergie positive. Selon Mme Marcoux, les réussites en affaires procurent la même euphorie.

«Quand un gars vient de signer un contrat de 10 millions de dollars, il est sur un high, il a une énergie précieuse. Je lui donne une bouteille de champagne et je lui dis qu'il faut utiliser cette occasion pour en faire un peu plus. Je lui demande d'aller faire d'autres appels.»

Mme Marcoux dit qu'elle gère son équipe de la même façon qu'un entraîneur olympique. Elle se voit comme une leader, et non comme une patronne. «Les athlètes qui vont aux jeux connaissent bien la performance, dit-elle. Ils tireraient facilement leur épingle du jeu en affaires. Ces gens-là, je les embaucherais demain matin.»

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Louis Garneau, ex-cycliste: ne jamais abandonner

La compagnie de Louis Garneau ne cesse de croître. Avec plus de 450 employés qui travaillent dans six usines, l'ancien cycliste olympique est le plus connu des entrepreneurs sportifs. Il a su bâtir une multinationale grâce à sa volonté de vaincre, qu'il appelle «le chien de l'athlète».

L'ancien cycliste ne croit pas que tous les athlètes olympiques ont les aptitudes pour se lancer en affaire. «On est olympien pour la vie. Il y a trois semaines, je me suis fait tatouer les anneaux olympiques. Mais ce n'est pas parce qu'on gagne une médaille qu'on est capable de gérer une multinationale. Par contre, ceux qui réussissent à le faire, sont tellement bons qu'ils deviennent dangereux.»

La bosse des affaires, M. Garneau l'a depuis qu'il est tout petit. À 10 ans, il vendait déjà le journal sur le perron des églises. «Je suis beaucoup plus entrepreneur qu'athlète. Le sport était pour moi une étape pour devenir un meilleur dirigeant d'entreprise. Je ne l'ai pas découvert en 1984 aux jeux de Los Angeles.»

Le vélo a appris au célèbre PDG à accepter ses échecs. Lors de la course qu'il a disputée aux JO de Los Angeles, il a fait une chute qui a anéanti ses espoirs de gagner. «J'ai perdu beaucoup plus de compétitions que j'en ai gagnées. En affaires, je suis réaliste. Je sais qu'un jour, je peux perdre mon entreprise, comme un athlète peut se fouler une cheville aux Jeux olympiques.»

À l'université, Louis Garneau a étudié les arts plastiques. Il considère que le sport lui a appris les meilleurs éléments de son métier d'entrepreneur. «On n'enseigne pas comment gagner à l'école. J'ai appris à souffrir. Assis en cravate derrière mon bureau, je n'ai plus 180 pulsations cardiaques à la minute.»

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Mathieu Turcotte, ex-patineur de vitesse: raffiner ses patins

Il y a sept mois, Mathieu Turcotte, triple médaillé olympique en patinage de vitesse à Turin et à Salt Lake City, a accroché ses patins. Il consacre maintenant sa vie à les fabriquer. Grâce à Apex, sa compagnie fondée il y a sept ans, il garde les deux pieds dans l'univers de son sport préféré.

En parallèle de sa vie d'athlète, M. Turcotte a terminé une technique en orthèse et prothèse. Ses médailles, il les a remportées avec des patins fabriqués de ses propres mains. «Mais ce qui me fait un velours, c'est quand un autre athlète comme Marc Gagnon gagne avec des patins Apex.»

Depuis la création d'Apex, la demande ne fait que croître. L'entreprise produit environ 200 paires de patins sur mesure par année. Il a maintenant des clients aux quatre coins du monde. Ses capacités de gestion lui viennent principalement du sport. «L'organisation, le désir de bien faire les choses, le travail acharné: tout est là, dit-il. Je me fixe des objectifs élevés, mais ma méthode reste simple.»

Depuis qu'il a arrêté la compétition, l'action ne manque pas dans sa vie. «Je suis capable de retrouver de l'adrénaline dans mes projets. Mon entreprise, c'est mon autre bébé, après le patinage.»

Il a rencontré ses premiers clients lors de compétitions internationales. Il a alors appris comment faire des affaires à l'étranger. «Les gens d'autres cultures ont des attentes différentes. Lorsque je vends une paire de patins, mon but est d'en vendre une autre plus tard au même client.»

Même s'il n'a pas étudié à l'école des Hautes études commerciales, Mathieu Turcotte considère que ses valeurs sportives lui ont permis de percer dans le monde des affaires. «C'est à force de réflexions personnelles et de questionnement que je raffine mes objectifs. Ces valeurs ne s'enseignent pas à l'école.»

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Simon Deschamps, ex-poloïste: bondir en affaires

Simon Deschamps, propriétaire de la compagnie montréalaise Aquasport a toujours eu la passion du commerce. Il a participé aux jeux olympiques de 1984 à Los Angeles. Mais depuis 1982, sa passion pour le water-polo cède sa place au monde des affaires.

Le bureau de M. Deschamps, à Montréal-Nord, est décoré de prix et de photos qui rappellent son ancienne carrière. À l'époque, lorsqu'il n'était pas en compétition, il vendait déjà des maillots importés d'Italie au bord des piscines. Maintenant, Aquasport a trois succursales dans la région de Montréal, en plus des ventes en ligne.

«Le sport m'a tout apporté, dit-il. Ça m'a permis de mieux me connaître. Lorsque je vis une distraction dans le cadre de mon travail, j'ai les réflexes d'un athlète de haut niveau.»

Lorsqu'il a abandonné le water-polo, l'encadrement que lui procuraient ses entraîneurs lui a fait défaut. Il s'est donc entouré de spécialistes. «Depuis 26 ans, je suis le maître d'oeuvre de mon entreprise. J'ai un comité de sages et des banquiers qui me conseillent. La plus grande force d'une entreprise est son capital humain.»

La vie d'entrepreneur peut procurer d'intenses émotions. L'athlète en Simon Deschamps l'aide à contrôler la pression. «Mon expérience aux jeux olympiques me permet de gérer la panique. Lorsque tu te retrouves devant 5000 personnes qui crient et devant des millions de personnes qui regardent la télévision, tu dois d'adapter rapidement.»

Les applaudissements des supporters ne se font pas entendre dans le bureau d'un président d'entreprise. Il faut donc se trouver de nouveaux défis. «Une des étapes les plus difficiles dans la vie d'un athlète, c'est la retraite. Du jour au lendemain, tu te retrouves sans attention. Il faut trouver de nouveaux défis, d'autres sources d'adrénaline. J'établis mes objectifs quantitatifs et qualitatifs. Mon but, c'est le succès.»