Le grand patron d'Air Canada a descendu en flammes la taxe sur le carbone proposée par le chef libéral Stéphane Dion.

Le grand patron d'Air Canada a descendu en flammes la taxe sur le carbone proposée par le chef libéral Stéphane Dion.

«C'est une autre façon d'aller chercher de l'argent dans les poches des transporteurs aériens sans aider à résoudre le problème», a déclaré Montie Brewer hier, au cours d'une entrevue avec La Presse.

M. Dion a proposé hier une taxe de 10$ par tonne de gaz à effet de serre émis, une somme qui augmentera graduellement chaque année pour atteindre 40$ en quatre ans. Il a précisé que la première année, cette taxe ne s'appliquera pas sur le carburant d'avion. Ce qui suppose qu'elle pourra s'appliquer par la suite.

M. Brewer a comparé cette initiative à la taxe de 40 livres par tonne de gaz à effet de serre émis imposée par le gouvernement britannique.

«Cela ne fait rien pour combattre les émissions parce que les sommes recueillies se retrouvent dans le fonds consolidé du gouvernement.»

Il a soutenu qu'Air Canada préférait travailler avec l'OACI (Organisation de l'aviation civile internationale) afin de mettre en place des solutions globales, et notamment des programmes d'échange de crédits d'émission qui s'appliquent à tous.

«Nous sommes intéressés à régler la question, mais une autre taxe qui ne s'attaque pas au problème, je ne vois pas la valeur», a-t-il lancé.

L'idée d'une nouvelle taxe est d'autant plus difficile à avaler que l'industrie aérienne se débat actuellement avec une véritable flambée des prix du carburant. Le président et chef de la direction d'Air Canada a indiqué que les coûts du carburant représentaient maintenant de 31 à 35% des coûts d'exploitation de l'entreprise, soit deux fois ce qu'elle verse en salaires à ses employés.

Il n'y a pas si longtemps, le carburant ne représentait que 18% de ces coûts. En un an seulement, le prix du carburéacteur "NY Cargo" est passé de 94,08$ à 160,33$ le baril, une augmentation de 70%.

Ce bond a forcé Air Canada à annoncer cette semaine une réduction de 7% de sa capacité et la suppression de 2000 emplois. M. Brewer n'a pu donner davantage de détails hier au sujet de la répartition des mises à pied.

«Nous sommes en discussions avec les syndicats pour essayer d'atténuer l'impact de ces mesures sur les employés», a-t-il déclaré.

Toutefois, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) n'a pas attendu et a demandé hier au ministre fédéral des Transports, Lawrence Cannon, d'intervenir.

M. Brewer a indiqué que la réduction de capacité se fera à la fois par une réduction des fréquences de vol et l'utilisation d'appareils plus petits sur certaines liaisons.

Il y aura notamment moins de vols directs. Les voyageurs pourront continuer à aller là où ils veulent, mais ils devront prévoir plus d'escales. Ce sera le cas des voyageurs montréalais, mais aussi de tous les autres.

«Toutes les villes dans le monde auront moins de service, a déclaré M. Brewer. Personne ne pourra l'éviter.»

Au début de l'automne, Air Canada se départira de ses derniers appareils Boeing 767-200, des avions énergivores qui ont un âge moyen de près de 20,7 ans. Le transporteur aimerait bien les vendre, mais compte tenu des prix du carburant, ils ne trouveront probablement pas preneurs. Les appareils risquent donc de se retrouver en vacances forcées dans un désert quelconque.

Air Canada vient de rénover l'intérieur de ses 31 appareils Boeing 767-300, qui seront en service pour encore un bon moment. Le transporteur espérait commencer à remplacer ces avions en 2010 par des Boeing 787, des appareils beaucoup moins gourmands. Mais voilà, en raison d'importants délais chez Boeing, le premier Dreamliner ne fera pas son apparition chez Air Canada avant 2012.

«Nous perdons deux années d'efficacité énergétique» a déploré M. Brewer.

Le transporteur canadien entend entamer des discussions avec Boeing au sujet d'une compensation.

«Nous n'avons pas encore commencé les pourparlers parce que Boeing doit d'abord discuter avec les clients qui devaient recevoir leurs appareils avant nous, a déclaré le patron d'Air Canada. Notre premier 787 porte le numéro 122.»

Interrogé au sujet de la CSeries de Bombardier, M. Brewer a affirmé qu'il s'agissait d'un appareil très intéressant, mais qu'Air Canada avait déjà procédé à toutes les commandes nécessaires pour renouveler sa flotte. La CSeries arrive tout simplement trop tard.