L'aménagement des postes de travail influence la productivité de vos employés. Pourquoi ne pas les consulter au sujet de leurs besoins?

L'aménagement des postes de travail influence la productivité de vos employés. Pourquoi ne pas les consulter au sujet de leurs besoins?

Comme patron, connaissez-vous les besoins de vos employés en termes d'ergonomie? Quels gestes ils accomplissent de façon répétitive? Quel plan de travail leur conviendrait le mieux? Les chances sont fortes que la réponse soit non.

La conception des espaces de travail se base généralement sur une discussion entre le designer (ou l'architecte) et le gestionnaire.

«Or, les patrons sont loin de tout savoir. Souvent, ils tombent des nues quand on leur explique ce que font leurs employés», affirme Steve Vezeau, professeur à l'École de design de l'UQAM. Pour se renseigner, M. Vezeau préfère aller à la source.

Comme designer industriel et ergonome, il se spécialise notamment dans les techniques de simulation et de validation des designs faisant appel aux utilisateurs.

Au laboratoire Groupe 3D de l'UQAM, il crée des maquettes, à échelle réduite ou non, des espaces de travail «à problème» qui lui sont soumis.

«On demande ensuite aux utilisateurs de nous expliquer ce qu'ils font dans telle et telle situation. Peu à peu, on découvre leurs contraintes ergonomiques», explique M. Vezeau.

Trop souvent, les cubicules sont conçus en début de projet, quand on ne sait même pas qui va faire quoi. Alors, on standardise, souvent sur la base de vagues descriptions de postes, sans tenir compte de la réalité, déplore le professeur.

Les études montrent que les cubicules mal aménagés sont associés à un taux de roulement élevé.

Dans un contexte de raréfaction de la main-d'oeuvre, à bon entendeur, salut!

«La clé est de consulter les employés en amont», souligne M. Vezeau. Pas à la fin, quand il ne reste qu'à choisir les plantes.

Patrick Vincent est un ergonome CCPE en pratique privée. Il a constaté que des employeurs offraient à leurs employés des avantages sociaux à la mode, comme l'abonnement au gym, mais négligeaient de bien les outiller en termes de mobilier et d'espace de travail.

«Parfois, ils n'ont juste pas réfléchi à la question, précise le fondateur de Vincent Ergonomie. Mais souvent, l'aménagement d'un bureau se limite à un exercice budgétaire. On tente simplement de caser X travailleurs dans X pieds carrés.»

C'est l'impression qu'a eue Marie-Annick Bernier quand, en changeant d'employeur, elle s'est retrouvée dans un cubicule après avoir longtemps profité d'un bureau fermé. «Au début, je trouvais ça abominable», se rappelle la traductrice-réviseure.

Le plus grand choc a été le bruit: l'employée qui engueule son copain au téléphone cinq cubicules plus loin, le manager du service d'à côté qui utilise le mains-libres comme s'il était seul au monde.

L'entreprise a fini par installer un générateur de bruit blanc pour étouffer les distractions sonores. «Avant qu'on s'habitue, on avait l'impression de faire Montréal-Athènes dans un 747 tous les jours tellement c'était bruyant», raconte Mme Bernier.

Censées favoriser la communication et le travail d'équipe, les aires ouvertes ne conviennent pas aux postes exigeant beaucoup de concentration. Malheureusement, en entreprise, on alloue l'espace en fonction du statut hiérarchique, et non des besoins, remarque Patrick Vincent.

Pour sauver sa productivité, Marie-Annick Bernier fait du télétravail deux jours par semaine. À la maison, elle utilise spontanément deux endroits: son bureau pour traduire et sa salle à dîner pour corriger des épreuves.

Pas étonnant, puisque les études montrent qu'on a généralement besoin de deux plans de travail, selon M. Vincent. Il met en garde contre les postes en coin qui donnent l'illusion de trois surfaces de travail.

Une fois les caissons de rangement placés sous chaque extrémité, il ne reste plus qu'un seul endroit où mettre les jambes. «On voit alors des gens travailler en torsion et avoir des maux de dos et d'épaule», note-t-il.

Un mobilier ne peut être ergonomique en soi, tient aussi à rappeler M. Vincent. Ce label est souvent du bla-bla de vendeur, dit-il. Un équipement devient ergonomique en contexte, s'il est bien adapté à l'utilisateur et à l'usage que ce dernier en fait.

Selon l'ergonome, bien des employeurs ont peur des coûts. Or, dit-il, les études montrent qu'investir dans un aménagement adéquat est rentable.

«Idéalement, la réflexion sur l'ergonomie devrait faire partie de la planification. Il coûte moins cher de bien concevoir des lieux de travail que de les corriger.»