L'époque des publicités «ne payez rien avant 12 mois» tire peut-être à sa fin.

L'époque des publicités «ne payez rien avant 12 mois» tire peut-être à sa fin.

La Cour supérieure vient de rendre un jugement qui pourrait mettre un terme à ces publicités si populaires dans l'industrie des meubles et des électroménagers.

«C'est tout leur modèle d'affaires qui est remis en question», dit Me Philippe Trudel, l'un des avocats qui ont lancé le recours collectif ayant mené à la bombe larguée mercredi par la juge Claudine Roy.

Intenté en 2004, le recours collectif visait environ 200 000 clients ayant profité des offres «ne payez rien avant 12 mois» de Brault & Martineau entre août 1999 et janvier 2004.

Dans une décision rendue mercredi, la Cour supérieure conclut que les publicités de l'entreprise contreviennent à plusieurs articles de la Loi sur la protection du consommateur.

L'entreprise incite notamment les consommateurs à faire usage du crédit en mettant l'accent sur le mode de financement plutôt que sur ses meubles et électroménagers dans ses publicités.

«Les compagnies peuvent offrir du crédit, mais le crédit ne doit pas devenir leur produit», dit Me Trudel.

La Cour supérieure fait une série de reproches à Brault & Martineau, notamment de ne pas indiquer le prix total aussi clairement que le prix des versements.

Elle conclut aussi que l'entreprise trompe les consommateurs en passant sous le silence ses ententes avec des sociétés de financement en vertu desquelles elle doit leur verser des frais de crédit.

Comme ces frais sont inclus dans le prix de vente, le client qui paie comptant se retrouve à financer celui qui achète à crédit.

La Cour supérieure conclut que les clients ont le droit de savoir le coût exact du financement. Ceux qui paient comptant seront alors en mesure de réclamer un rabais équivalent, soit 7% du prix de vente, selon la juge Roy.

Brault & Martineau songe à porter la décision de la Cour supérieure en appel.

«Nous ne sommes pas d'accord avec la décision. Le crédit, c'est VISA Desjardins qui le fait, pas nous. Nous ne faisons que faciliter le financement et payer une partie de son coût. De toute façon, il serait difficile d'annoncer toutes les conditions du crédit car VISA Desjardins peut modifier les modalités du contrat de crédit dans un délai de 60 jours», dit Yves Des Groseillers, président et chef de la direction du Groupe BMTC, société de portefeuille détenant Brault & Martineau.

Le détaillant de meubles et d'électroménagers convient néanmoins que l'heure est grave. «Si le jugement est maintenu, toute notre industrie va devoir changer son modèle d'affaires», dit M. Des Groseillers.

Même si le jugement risque d'ébranler l'industrie du meuble et de l'électroménager, il n'apportera pas satisfaction à François Riendeau, le père de deux jeunes enfants qui a intenté le recours collectif après avoir dépensé 1962$ chez Brault & Martineau après avoir vu les publicités trompeuses en juin 2001.

M. Riendeau et les 200 000 autres réclamants demandaient 240 millions de dollars.

La juge Roy leur a accordé seulement 2 millions, soit 10$ par personne. Ils songent à porter en appel les dommages accordés par la juge Roy.

«C'est une grande victoire morale mais nous sommes déçus que la Cour laisse Brault & Martineau profiter de ces pratiques illégales», dit Me Philippe Trudel, l'avocat de M. Riendeau et des autres réclamants.

La décision de la Cour supérieure vise uniquement les publicités sous forme écrite. Me Philippe Trudel en fait toutefois une interprétation plus large.

«La loi ne fait pas de distinction entre le mode de publicité, dit-il. Selon nous, le jugement s'applique aussi aux publicités à la télévision et à la radio.»

Le Groupe BMTC estime qu'il lui en coûtera 2,45 millions (incluant les frais de paiement), soit 1,7 millions après impôts, afin de se conformer au jugement de la Cour supérieure.

Jeudi, son titre a perdu 1,04% (- 25 cents) pour terminer la séance à 23,85$ à la Bourse de Toronto.

En 2005, le cabinet Trudel & Johnston avait intenté un recours similaire contre Dumoulin, autre détaillant de meubles et d'électroménagers.

L'affaire s'est terminée par une entente à l'amiable en vertu de laquelle l'entreprise a accepté de modifier ses pratiques publicitaires.