Tous les intervenants rencontrés par La Presse l'ont affirmé : pour réussir en affaires à l'international, il faut temps, patience et persévérance. La plus grande erreur consiste à aller trop vite.

1- Prenez votre temps

Tous les intervenants rencontrés par La Presse l'ont affirmé : pour réussir en affaires à l'international, il faut temps, patience et persévérance. La plus grande erreur consiste à aller trop vite.

« Beaucoup de PME agissent trop rapidement sans avoir pensé à toutes les conséquences et fait leur recherche. Ce n'est pas un coup de dé «, dit Antoine Panet-Raymond, conseiller principal aux projets internationaux, HEC Montréal.

La précipitation peut avoir des résultats catastrophiques. Par exemple, des marchés mal ciblés, des clients qui ne paient pas, des fournisseurs incompétents, des contrats bourrés d'erreurs et des problèmes de logistique. Beaucoup d'argent perdu!

De plus, il ne faut pas s'attendre à un retour rapide sur l'investissement. Il faut parfois de deux à trois ans avant de récolter les fruits de son travail.

« L'entrepreneur doit être disposé à investir temps et argent dans la démarche et ne pas s'attendre à une génération spontanée de commandes de l'étranger «, dit Jean-Paul David, président de Mercadex International.

2- Entourez-vous de spécialistes

« Le dirigeant de PME qui souhaite réussir sur les marchés extérieurs ne doit pas tenter l'expérience en solo, dit Jean-Paul David, de Mercadex International, une firme d'experts-conseils pour les marchés étrangers. Il doit s'entourer d'intervenants externes qui lui permettront d'accélérer la réalisation de son projet. S'il veut tout faire lui-même, il va se casser la figure. »

Les sources d'expertise ne manquent pas au pays. Le ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, la Banque de développement du Canada, Exportation et développement Canada offrent un encadrement aux PME qui ont besoin de conseils et de données sur les marchés.

Les firmes de consultation privée fournissent aussi un soutien précieux qui vous fera économiser. De plus, les services spécialisés de logistique, de traduction ou juridiques sont essentiels. Ils doivent faire partie du budget.

« Une grande erreur des entrepreneurs est d'avancer trop loin dans le processus avant d'avoir des experts autour d'eux, dit Justine Hendricks, vice-présidente régionale petites entreprises chez Exportation et Développement Canada. Mieux vaut s'entourer dès le début. »

3- Évaluez vos qualifications pour l'international

« Avant de faire votre plan d'affaires, vous devez évaluer votre niveau de préparation pour l'international et vous assurer que les bases de l'entreprise sont solides «, dit Isabelle Descarreaux, directrice Initiatives stratégiques nationales à la Banque de développement du Canada (BDC).

Pour les entreprises manufacturières, cette évaluation reposer sur quatre piliers : les ventes et le marketing, l'approvisionnement, la production et l'innovation. « Il est important d'être solide sur ces quatre piliers avant d'aller sur d'autres marchés », ajoute Mme Descarreaux.

Différents outils sont disponibles pour évaluer vos qualifications internationales. La BDC offre une évaluation basée sur neuf aspects-clés explorés par une série d'entrevues.

Un autre modèle d'évaluation, le modèle Mercadex-Desjardins, propose une grille qui examine les compétences de l'entreprise, son réseau, son bagage d'expérience, ses produits, ses moyens et son degré d'engagement.

Si votre entreprise ne passe pas le test après une évaluation sérieuse, mieux vaut combler les lacunes avant d'investir temps et argent dans de nouveaux marchés.

4- Ciblez les meilleurs marchés pour vos produits

Vous venez de démontrer que votre entreprise est assez solide pour aller sur les marchés internationaux? Maintenant, il faut choisir sur quel pays concentrer vos efforts! Cette décision ne se base pas sur des critères superficiels ou sur l'intuition.

« Il faut répondre à cette question fondamentale : quel produit pour quel marché?, dit Jean-Paul David. Quel pays est le meilleur choix pour performer avec nos ressources? Si on veut investir, quel est le meilleur endroit pour le faire? »

Pour le savoir, il faut créer un filtre pour étudier une liste de pays envisagés. On utilise pour ce faire toutes les données disponibles sur les différents marchés, et on procède par élimination. D'abord, quelles sont les conditions incontournables pour qu'un pays puisse se qualifier?

Et parmi les pays qui remplissent ces conditions, quel est celui qui forme le meilleur « couple « avec vos produits? C'est la réponse à cette question qui vous permettra de vous concentrer sur un pays prioritaire et maximiser ainsi vos chances de réussite.

5- Faites un plan d'affaires international

Partir en affaires pour la première fois à l'international, c'est autant de travail que de lancer une nouvelle entreprise. Cela demande une préparation aussi minutieuse, et c'est pourquoi le plan d'affaires international est indispensable.

« Il sert à représenter les moyens que l'on compte utiliser pour attaquer les marchés étrangers, dit Isabelle Descarreaux, directrice à la BDC. Un bon plan n'inclut pas seulement une stratégie d'entrée, mais aussi la logistique et un plan financier. »

Le plan doit avoir un volet stratégique et un volet tactique, selon Jean-Paul David, président de Mercadex International. Le volet stratégique concerne les objectifs, et le volet tactique les aspects opérationnels.

«Si vous avez seulement un plan stratégique sans plan tactique, c'est de la pensée magique. Une erreur que l'on rencontre souvent. On ne précise pas de quelle façon on va atteindre nos objectifs «, dit-il. Une autre erreur consiste à se concentrer uniquement sur le côté opérationnel sans avoir de stratégie claire.

6- Déplacez-vous dans le pays visé

«Choisir un partenaire d'affaires étranger à distance est très dangereux, dit Antoine Panet-Raymond, de HEC Montréal. Si vous voulez acheter ou vendre dans d'autres pays, allez sur place. Il y a un certain investissement en temps et en argent pour être capable de prendre les bonnes décisions. »

Si on ne connaît pas la langue et la culture du pays, il faut être accompagné d'une personne qui a ces connaissances, ou déléguer une personne de confiance venant du siège social. Et il ne suffit pas d'y aller juste une fois.

«Dès qu'on a trouvé un fournisseur ou un distributeur à l'étranger, ce n'est pas parce qu'on on a signé un contrat qu'on s'assoie sur ses lauriers, dit M. Panet-Raymond. Il faut continuer à se déplacer et rencontrer nos partenaires régulièrement pour s'assurer que tout va bien. On leur fait part de nos exigences et de notre insatisfaction au besoin. Le faire à distance, ce n'est pas aussi efficace. »

7- Ne sous-estimez pas les barrières culturelles

Quand on vous dit « OK « en Chine, cela ne veut pas dire oui. Ça veut plutôt dire «on verra ». Et quand on vous dit «oui «, ça ne veut pas toujours dire oui non plus!

D'autre part, en Asie, un contrat ne représente pas l'aboutissement d'une entente dont les termes sont fixés une fois pour toutes. C'est plutôt le début d'un processus qui risque d'évoluer.

« Ici, on voit le contrat comme une ligne d'arrivée, Mathieu Ouellet, directeur chez Secor Taktik. Eux le voient plutôt comme une ligne de départ. »

Les mentalités différentes ne sont pas réservées qu'à l'Asie. En Italie, par exemple, si l'on vous dit «demain», vous pouvez vous attendre à un délai de quelques jours # ou parfois plus!

Les différences culturelles ont un impact très important sur le déroulement des affaires à l'étranger. Il faut être en mesure de décoder le véritable sens des mots, de comprendre la hiérarchie, la notion de temps, et le langage non-verbal, qui varient d'une culture à l'autre.

8- Faites une gestion des risques rigoureuse

Faire des affaires à l'international comporte une grande part de risques. Mais ceux-ci ne sont pas une fatalité. « Ça se gère quand c'est bien identifié, dit Josée St-Pierre, directrice du Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises de l'UQTR. Nous vivons dans un monde de risque. Et les PME qui refusent d'en prendre vont mourir. »

Le risque empêchant le plus de dirigeants de dormir est certainement celui de ne pas être payé par ses clients d'outremer. Ce qui peut être prévenu grâce aux assurances de non-paiement offertes par Exportation et Développement Canada, ou par des compagnies privées comme le Groupe Coface ou Euler Hermes SFAC.

D'autres risques sont liés à la conjoncture économique, au climat politique du pays ou à la fluctuation des taux de change. Mais pour chaque risque, il existe une action permettant de le minimiser. Par exemple, en vérifiant le dossier de crédit de vos clients, et en validant les références de vos distributeurs et représentants potentiels. Ne vous fiez pas qu'à votre instinct!

9- Choisissez vos partenaires avec prudence

Guillaume Liu, directeur chez Secor Asia, raconte l'histoire d'horreur suivante : récemment, une entreprise torontoise a vu le chef de la direction chinois de sa filiale chinoise disparaître avec tous ses dossiers financiers!

Pour diminuer les risques de se faire jouer de mauvais tours par vos associés, vos vendeurs, vos distributeurs, vos clients ou vos fournisseurs, il existe une règle d'or à l'international : ne jamais remettre toutes ses affaires entre les mains d'un seul individu.

« Si vous possédez une expertise ou une technologie avancée, il ne faut jamais donner la connaissance de tous vos produits à la même personne», dit M. Liu.

Pour ce qui est des fournisseurs, la prudence dicte d'en avoir au moins deux. Si l'un d'eux vous laisse tomber, vous ne vous retrouverez pas le bec à l'eau.

L'éthique du fournisseur envers ses employés devrait également faire partie des critères de choix. Aucune entreprise n'a intérêt à se retrouver sur la place publique parce qu'elle exploite les travailleurs ou les enfants.

10- Maîtrisez la logistique

La logistique internationale influence directement la compétitivité d'une entreprise en raison des coûts qui s'y rattachent. Il s'agit d'un aspect complexe du commerce qui risque faire tout dérailler si l'on n'en maîtrise pas suffisamment les opérations.

Pour cette raison, la plupart des PME font appel à un transitaire international. Celui-ci, à ne pas confondre avec le transporteur lui-même, est un spécialiste de la logistique qui s'occupe de toutes les étapes du transit de marchandises.

«Il va négocier pour vous avec le transporteur, vous dire comment emballer votre marchandise, vous donner le meilleur itinéraire pour l'expédier, négocier le prix, préparer les documents nécessaires, faire le suivi de la marchandise et s'occuper de la réclamation en cas de pépin», explique Antoine Panet-Raymond, conseiller principal aux projets internationaux, HEC Montréal.

Si vous souhaitez exporter mais que le volume de vos produits n'est pas suffisant pour remplir un conteneur, le transitaire peut grouper votre marchandise avec celle d'autres clients.