Le géant suisse Xstrata a renoncé hier à son offre d'achat hostile de 10 milliards US sur la société britannique Lonmin, spécialisée dans le platine. L'abandon de cette transaction montre qu'au coeur de la crise financière actuelle, les fusions et acquisitions sont ralenties par les embûches de financement et de crédit.

Le géant suisse Xstrata a renoncé hier à son offre d'achat hostile de 10 milliards US sur la société britannique Lonmin, spécialisée dans le platine. L'abandon de cette transaction montre qu'au coeur de la crise financière actuelle, les fusions et acquisitions sont ralenties par les embûches de financement et de crédit.

Au lieu d'acheter Lonmin, tel que prévu, Xstrata a préféré faire porter sa participation à l'actionnariat de l'entreprise de 14,2 à 24,9%.

«Le marque de clarté et de certitude concernant la disponibilité du crédit entraîne des risques significatifs», a expliqué Mick David, chef de la direction de Xstrata, dans un communiqué. Le besoin de refinancer une "portion substantielle" de la dette dans la prochaine année augmente le risque de la transaction en raison de la volatilité dans les marchés financiers, selon le groupe minier.

À l'instar de Xstrata, les grandes sociétés se font plus prudentes avant de compléter des transactions. «En termes de transactions de grande envergure, on vit une pause», a confirmé à La Presse Affaires l'éditrice adjointe de Mergermarket (une firme spécialisée en fusions et acquisitions), Heather West.

Selon un rapport publié hier par Mergermarket, le nombre de transactions a fortement diminué au troisième trimestre de 2008, en Amérique du Nord comme dans le reste du monde. Cela contraste avec les années 2006 et 2007, très fortes en termes de nombre et de valeur de transactions.

Au Canada et aux États-Unis, par exemple, le total combiné de fusions et acquisitions est passé d'un peu plus de 1000 transactions au deuxième trimestre, contre un peu plus de 800 au troisième.

Francis Legault, associé chez Ogilvy Renault spécialisé dans la question des fusions et acquisitions, fait un constat semblable.

«Depuis deux ou trois mois, on constate au sein de notre groupe à Montréal un ralentissement des fusions et acquisitions. En ce qui concerne le financement par endettement, les sources se tarissent.»

«Les gens attendent pour voir comment la crise du crédit et la crise de liquidités va se résorber», ajoute M. Legault.

En attendant, «l'argent est roi, dit l'avocat. Les compagnies qui ont des cagnottes mises de côté peuvent faire des acquisitions stratégiques et vont pouvoir en profiter, mais on n'a pas commencé à voir ça.»

«Pour les compagnies qui ont de l'argent, ce peut être une excellente opportunité», confirme Heather West, de Mergermarket.

D'autant plus que certaines sociétés en mal de financement pourraient n'avoir d'autre choix que de se laisser acheter. Mais nous n'en sommes pas là.

Raison de plus pour attendre, note Daniel Paillé, professeur de finance à HEC-Montréal. «Le prix des entreprises cibles va peut-être baisser, dit-il. Et le financement est difficile. C'est donc le temps d'attendre un peu.»

Pour Lawrence Kryzanowski, professeur à l'École John-Molson de l'Université Concordia, la crise aura certainement un impact à long terme sur les fusions et acquisitions. «Je crois que les coûts resteront un peu plus élevés qu'avant, que les institutions financières seront plus attentives.»

Et BCE ?

En ces périodes troubles pour les méga-transactions, le rachat par endettement de BCE par Teachers, qui implique quelque 35 milliards en financement, pourrait susciter certaines inquiétudes.

La transaction doit se compléter le 11 décembre avec l'achat des actions au coût de 42,75 $. Hier, le titre de BCE a terminé la journée à 36,11$, en baisse de 0,59$.

«Le risque existe que la transaction ne se fasse pas, mais le titre, même en baisse, reflète une probabilité élevée qu'il soit complété, dit Stephen Gauthier, stratège à la firme Palos. S'il était clair que la transaction ne se fasse pas, le titre ne rebondirait pas comme il le fait maintenant.»

Dans une note publiée le 19 septembre, l'analyste John Henderson, de Scotia Capital, soutient que les craintes concernant la transaction BCE ne sont pas fondées et que les banques prêteuses sont solides.

«Au point où on en est dans le dossier, les engagements doivent déjà être pris, note à ce propos Daniel Paillé. Et en finance, briser un engagement, c'est la mort.»

Enfin, il pourrait y avoir certains problèmes légaux si la transaction devait avorter, fait remarquer Lawrence Kryzanowski.