La crise actuelle n'est pas que financière. De plus en plus, elle touche les entreprises, dont les clients de Domtar (UFS), qui réduisent leurs achats pour cause de resserrement des conditions de crédit.

La crise actuelle n'est pas que financière. De plus en plus, elle touche les entreprises, dont les clients de Domtar [[|ticker sym='UFS'|]], qui réduisent leurs achats pour cause de resserrement des conditions de crédit.

«On commence à le voir avec certains de nos clients aux États-Unis, qui nous avisent que, malgré leur bilan excellent, leurs conditions de crédit ont diminué», dit le président et chef de la direction de Domtar, Raymond Royer, en entrevue avec La Presse.

Pendant qu'il répond aux questions, très calme et posé comme à son habitude, les marchés boursiers nord-américains sont en pleine dégringolade. Ce n'est qu'une question de temps, selon lui, avant que le Canada souffre des dommages collatéraux.

«Ça va arriver. Les gens les moins solides vont trébucher. Le Canada n'est pas à l'abri», dit-il.

Domtar, premier fabricant de papiers fins en Amérique du Nord, souffre déjà de la faiblesse du marché du papier. Elle risque donc d'être touchée un peu plus. Mais son président, qui prévoit prendre une retraite définitive à la fin de cette année, n'est pas inquiet pour le long terme.

La société issue de la fusion avec la division des papiers fins de Weyerhauser est une entreprise beaucoup plus forte, avec un bilan solide et un taux d'endettement parmi les plus bas dans l'industrie, fait-il valoir.

Domtar est en mesure de profiter des occasions qui finiront par se présenter, selon lui. Le marché du papier fin est en déclin, reconnaît Raymond Royer. Il baisse de 2 à 2,5% par année, et certains analystes prévoient même que ce marché pourrait disparaître, balayé par les pixels et les écrans.

Le grand patron de Domtar ne croit pas à un monde sans papier. «Je pense fermement que le papier va survivre. Ce n'est pas tout le monde qui est accroché à son ordinateur.» Raymond Royer est un peu vexé de constater que couper un arbre est devenu presque un crime. Les entreprises encouragent leurs clients à payer leurs factures par internet et à ne pas imprimer leurs courriels pour sauver des arbres.

Un produit défectueux

Avant de constater que la crise du crédit a commencé à toucher ses clients, Domtar a elle-même été atteinte par le gel de 380 millions de papier commercial à risque, qui se trouvent dans le régime de retraite de ses 12 500 employés.

Le président de Domtar est incapable de digérer la façon dont cette crise a été gérée au Canada. Il a combattu l'entente concoctée par la Caisse de dépôt et les institutions financières pour sauver ce qui reste de ces titres contaminés, qui avaient pourtant été vendus comme des placements sécuritaires.

«Les banques ont mis sur le marché un produit défectueux, soutient-il. Quand on met sur le marché un produit fautif, on en assume entièrement la responsabilité.»

Pour celui qui a vendu des motoneiges, des trains et des avions pour Bombardier [[|ticker sym='T.BBD.B'|]], c'est une question de principe. Le manufacturier qui met sur le marché un produit défectueux doit le reprendre sans pénaliser l'acheteur. Dans le cas du papier commercial, c'est l'acheteur qui est pénalisé, critique-t-il.

Raymond Royer dit avoir été accusé de vouloir mettre le système financier à terre en s'opposant à l'entente qui a finalement obtenu l'aval des tribunaux. Il plaide non coupable. «Ce n'est pas moi qui a mis ça sur le marché», dit-il.

Ce qui s'est produit au Canada est encore pire qu'aux États-Unis, où les banquiers seront forcés de prendre le blâme. «Je n'ai rien vu de ça au Canada. Je n'ai pas vu de président de banque démissionner.»

Cet épisode compromet-il les relations de Domtar avec son banquier, la Banque Nationale? Raymond Royer préfère éviter la question. «Je laisse au prochain CEO (chef de la direction) le soin de décider ça», a-t-il répondu.