On avait connu des "Fashion week" plus gaies. Le célèbre rendez-vous de la mode qui s'est achevé hier à la mi-septembre à New York s'est tenu dans une ambiance morose. Avec le ralentissement économique que connaissent les États-Unis, la haute couture fait grise mine, comme les autres industries du luxe.

On avait connu des "Fashion week" plus gaies. Le célèbre rendez-vous de la mode qui s'est achevé hier à la mi-septembre à New York s'est tenu dans une ambiance morose. Avec le ralentissement économique que connaissent les États-Unis, la haute couture fait grise mine, comme les autres industries du luxe.

Se payer un foulard Hermès ou un sac Vuitton deviendrait-il un luxe encore plus exclusif qu'auparavant? Mercredi, la chaîne Neiman Marcus a déclaré des pertes de 35,7 M$ au dernier trimestre.

En août, les grands magasins Saks et Macy's, qui possèdent des centaines d'enseignes aux États-Unis, ont annoncé des résultats à la baisse, respectivement de 3,6% et de 3% par rapport à la même période en 2007.

Avec la hausse du baril de pétrole, l'inflation et les dommages causés par la crise des prêts immobiliers à risque, auxquels même certains des plus riches Américains avaient recouru, le coeur n'est pas à la dépense haut de gamme, bien que ce secteur soit généralement épargné par les soubresauts de l'économie.

Fin août, une étude de la First Republic Bank (une entité de Merrill Lynch and Co.) indiquait que l'immobilier de luxe en Californie subissait sa plus importante baisse en 10 ans.

À Los Angeles, le prix moyen d'une de ces maisons, qui coûtent minimum 1 M$ US et qui ont au moins six chambres pour autant de salles de bains, a baissé de 3,8% au dernier trimestre, par rapport à l'an passé. À San Diego, la chute est carrément de 7,8%.

«C'est dans le domaine de l'immobilier de luxe et des automobiles de luxe que la récession va avoir de l'impact, car les sommes en jeu sont très importantes. Avec l'incertitude, vous allez y repenser avant d'acheter un appartement à 3 M$», dit Francine Séguin, professeure de stratégie à HEC Montréal.

Dans la métropole québécoise, la vente de villas huppées est également au ralenti. Une baisse d'environ 10%, selon Diane Ménard, vice-présidente et directrice générale de Royal LePage Héritage. Toutefois, précise-t-elle, il ne faut pas comparer ce "mouvement de stabilisation" avec les baisses constatées aux États-Unis.

«Avec tout ce qui a été dit, il y a une certaine incertitude qui s'est développée ici mais nous ne sommes pas touchés comme aux États-Unis. Ici, la situation est différente puisque nos prêts hypothécaires sont assurés, donc il ne pourra pas arriver la même chose que chez nos voisins du Sud.»

Remarquant que le marché des maisons de luxe a été très vigoureux depuis 2002, Mme Ménard ne s'inquiète pas de cette stabilisation. «On ne peut pas toujours être en hausse», estime-t-elle.

Partout en Occident

Le secteur du luxe est particulièrement mal mené au Japon et aux États-Unis. En mai, une étude de la Banque HSBC prévoyait ainsi que la croissance des ventes des produits de luxe chez nos voisins du Sud devrait être divisée par deux cette année, pour s'établir à 7% contre 14% en 2007.

«Les clients dépensent moins follement, ils négocient les prix et les modalités de paiement. On la sent, la récession», dit Mariouche Gagné, fondatrice de Harricana, une société québécoise qui confectionne des manteaux de fourrure à partir de pièces récupérées.

Les produits Harricana sont vendus dans les hauts lieux de la jet-set internationale, tels Gstaad, Saint-Moritz, Megève, Dubaï et Saint-Barthélemy. Partout, raconte Mme Gagné, "les gens extrêmement riches font preuve de davantage de prudence. Avec la récession, ils se tournent vers les valeurs plus sûres et achètent moins de choses frivoles."

La créatrice québécoise indique que 2007 a été la seule année, au cours des 13 ans d'existence de sa griffe, à avoir connu une diminution de la croissance. "Avant, on grossissait de 20 à 50% par année. Maintenant on est plutôt à 15%."

Et il n'y a pas un secteur du luxe qui échappe à ce mouvement, comme l'a constaté Claude Alain, propriétaire d'Interversion, une boutique du boulevard Saint-Laurent, à Montréal, qui vend des meubles québécois haut de gamme, par exemple des lampes à 7000 ou 8000$ ou des tables peintes à 3500$.

M. Alain dit avoir noté une baisse d'environ 10% des ventes au printemps dernier. Toutefois, cette baisse a été suivie par un mois de juillet particulièrement fort, remarque-t-il.

C'est surtout dans la boutique de Miami que M. Alain a subi les répercussions de l'incertitude économique. Cela, depuis le printemps 2007. «Les gens ne sont même pas capable de rembourser leur maison alors vous pouvez imaginer le marché du meuble» dit-il, en n'excluant pas de fermer cette succursale américaine.

Du côté des grands magasins montréalais Hot Renfrew et Ogilvy, on assure être relativement épargné par le ralentissement de l'économie. «L'impact est là, mais moins qu'ailleurs. Nos clients freinent un peu leurs achats, mais pas de la même manière que les autres personnes (moins fortunées)», dit Maurice Moyal, directeur général d'Ogilvy Montréal, qui indique que les ventes actuelles sont meilleures que celles de 2007.

Perspectives de croissance

Reste qu'à l'échelle du globe, l'industrie du luxe peut encore s'attendre à des croissances soutenues dans les prochaines années. En effet, explique l'économiste Francine Séguin, si on assiste à une stagnation des ventes des produits de luxe dans les pays développés, la croissance est forte dans les pays émergents, dopée par les nouveaux millionnaires qu'il s'y crée chaque mois.

LVMH, numéro un du luxe dans le monde, a ainsi publié fin juillet des résultats en hausse pour le premier semestre de l'année. Le bénéfice net du groupe français a progressé de 7%, à 1,339 G$.

Et bien que la conjoncture soit "assez préoccupante de manière générale", selon les mots employés par le directeur financier Jean-Jacques Guinoy lors d'une conférence de presse fin juillet, le groupe a confirmé son objectif d'une "hausse sensible" de ses résultats en 2008.