Après avoir investi 1,6 million pour réduire la consommation d'énergie de son usine de Bromont, Kruger a reçu une subvention de 1,1 million d'Hydro-Québec, et sa facture a été réduite de 325 000$ par année.

Après avoir investi 1,6 million pour réduire la consommation d'énergie de son usine de Bromont, Kruger a reçu une subvention de 1,1 million d'Hydro-Québec, et sa facture a été réduite de 325 000$ par année.

Hydro s'est aussi engagé à donner 30 millions à Kruger lors de la construction d'un atelier de désencrage de 200 millions à son usine de Trois-Rivières, un projet qui est retardé mais toujours vivant, selon la compagnie.

Depuis 2004, Hydro a donné ainsi 102 millions en subventions aux grandes entreprises pour qu'elles réduisent leurs coûts d'énergie, ce que toute entreprise devrait normalement faire sans aide financière, pourrait-on penser.

En théorie, oui, dit Martine Ouellette, responsable des programmes d'efficacité énergétiques d'Hydro-Québec pour les grandes entreprises, «mais dans la vraie vie, rien ne se fait si la période de retour sur l'investissement (pay-back) est de plus d'un an ou même de plus de six mois».

L'aide financière d'Hydro, selon elle, vise donc à raccourcir la période requise pour rentabiliser un investissement en économie d'énergie et ne s'applique qu'aux projets qui ne se réaliseraient pas sans subvention.

Il n'est pas possible de savoir qui a reçu quoi, parce qu'Hydro juge que les détails de ses programmes doivent rester confidentiels.

On sait toutefois que même des entreprises pour qui l'énergie est le coût le plus important, comme les alumineries, profitent des subventions d'Hydro. Même Cascades, une entreprise qui fait beaucoup d'efforts pour réduire d'elle-même sa facture énergétique, reçoit de l'aide financière d'Hydro.

Le problème, selon Jean-François Lefebvre, c'est que les entreprises ont une vision à très court terme et ne font rien qui demande du temps à rentabiliser. «Elles se comportent comme si elles ne seront plus là dans trois ans», déplore-t-il.

Du côté des grandes entreprises, on voit les choses différemment. «Dans une entreprise, le capital est une denrée rare et plusieurs projets sont en compétition pour en obtenir», explique Luc Boulanger, porte-parole de l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité, qui regroupe les alumineries et autres entreprises énergivores.

Selon lui, les projets qui peuvent être rentabilisés rapidement ont toujours l'avantage sur les autres et se réalisent plus rapidement.

Hydro propose différents programmes d'aide aux entreprises qui veulent réduire leur consommation d'électricité, dont un qui offre 15 cents par kilowattheure économisé à des entreprises qui paient leur électricité au tarif L, soit 5 cents le kilowattheure.

Ce sont des économies qui coûtent très cher à Hydro, selon Jean-Thomas Bernard, professeur à l'Université Laval et spécialiste des questions énergétiques. Selon lui, les tarifs d'électricité consentis à la grande entreprise sont trop bas, ce qui n'incite pas les entreprises à investir pour réduire leur facture. «Si elles devaient payer le prix de la nouvelle production (autour de 10 cents le kilowattheure), on n'aurait pas besoin de programme d'efficacité énergétique».

Si Hydro augmentait ses tarifs plutôt que de subventionner les entreprises, il y aurait peut-être des gains du côté de l'efficacité énergétique mais il y aurait aussi des pertes d'entreprises, assure Luc Boulanger. «Toute hausse de tarif nuit à la compétitivité des entreprises qui peuvent réagir en délocalisant leur production.»