Apôtre de la médiation, la Chambre des notaires du Québec est divisée par une bataille juridique. Au coeur du litige: les élections qui ont porté Denis Marsolais à la présidence de l'ordre professionnel, le 10 avril dernier.

Apôtre de la médiation, la Chambre des notaires du Québec est divisée par une bataille juridique. Au coeur du litige: les élections qui ont porté Denis Marsolais à la présidence de l'ordre professionnel, le 10 avril dernier.

Après 12 ans à ce poste, Me Marsolais a été réélu pour la cinquième fois, mais avec une très mince avance de sept voix. Il a obtenu 911 votes, par rapport à 904 votes pour Jean Lambert, ancien président de la Chambre de 1984 à 1990.

Deux autres candidats briguaient la présidence. Me Nancy Chamberland, ancienne surintendante à l'Autorité des marchés financiers (AMF), a obtenu 433 votes, tandis que Jacques Mondou, qui s'était déjà présenté à quelques reprises, a décroché 54 votes.

La lutte a été très chaude et, dans l'esprit de plusieurs notaires, l'issue du scrutin n'est pas convaincante, car 129 bulletins de vote ont été rejetés, soit 5% du total. «En pourcentage, le nombre de rejets est absolument le même que lors des autres élections», assure la vice-présidente de la Chambre, Sophie Ducharme,

Mais le candidat défait reste sceptique. «Devant un résultat aussi serré, il est normal qu'une contre-vérification soit effectuée», écrivait Me Lambert à ses confrères dans un courriel envoyé au lendemain de l'élection.

Pour dissiper les doutes, il a réclamé un recomptage à la Chambre, à la fin d'avril.

Mais la Chambre lui a servi une fin de non-recevoir. Les fameux bulletins ont été traités conformément aux dispositions du Règlement sur les modalités d'élection qui précise, par ailleurs, que les dispositions du secrétaire sont finales et sans appel, lui a indiqué le secrétaire de la Chambre, Me Danielle Gagliardi.

«Cela m'oblige à faire un détour devant les tribunaux», a confirmé à La Presse Me Lambert, plutôt avare de commentaires. «Je préfère ne pas nourrir la polémique», a-t-il dit.

À la mi-mai, Me Lambert a déposé une requête devant la Cour supérieure visant à contester le processus électoral. Mais la Chambre des notaires a répondu qu'elle s'y opposerait.

Cette réaction a d'ailleurs étonné l'Association professionnelle des notaires du Québec, qui déplore que la Chambre n'ait pas tenté de s'entendre à l'amiable, comme Me Lambert l'avait proposé au départ.

"Les notaires sont avant tout des conciliateurs et des médiateurs. Ils n'aiment pas les conflits", indiquait Me Marie-Sylvie Janelle, présidente-directrice générale de l'Association, dans une lettre envoyée à la Chambre à la fin de mai.

Pas de recomptage

L'Association aurait souhaité que la Chambre laisse le processus de recomptage suivre son cours rapidement et à moindre coût, plutôt que de provoquer la «judiciarisation malheureuse» de la démarche.

«Dans un contexte où quelques voix seulement séparent les deux premiers candidats et où plus de 60% des notaires ont exprimé une volonté de changement, il nous apparaît légitime qu'on veuille procéder à une vérification du résultat du dépouillement», ajoute Mme Janelle.

Nancy Chamberland partage cet avis. L'autre candidate défaite aurait donné son aval à un recomptage. «En tant que juriste de l'entente, on aurait eu tout intérêt à trouver une solution à l'amiable. Cela dit, on est dans une société de droit, et je fais tout à fait confiance aux tribunaux», a-t-elle affirmé à La Presse.

Mais la Chambre est formelle: le règlement de la Chambre ne prévoit aucun processus de recomptage. Ce règlement a force de loi et la Chambre ne peut pas passer outre, même si tous les candidats consentent à un recomptage à l'amiable, indique Me Ducharme.

Ironie du sort, ce règlement a été adopté en 1990... alors que Me Lambert était président de la Chambre.

Comme le dossier reste dans l'impasse, il atterrira donc en cour vendredi prochain, pour une première étape procédurale. Le tribunal doit assigner un juge et fixer une date pour l'audition du dossier.

«Nous avons donné un mandat clair au procureur de la Chambre de tout régler le plus vite possible», affirme Me Ducharme qui a la responsabilité du dossier, puisque Me Marsolais préfère rester à l'écart. «Je n'ai pas participé et je ne participerai ni aux discussions ni aux décisions entourant ce dossier», a indiqué le président dans un communiqué.