Décidément, la Cour d'appel du Québec a été occupée au cours des derniers jours. En plus de dire non à BCE, elle vient de rejeter un recours collectif de 3,9 milliards de dollars!

Décidément, la Cour d'appel du Québec a été occupée au cours des derniers jours. En plus de dire non à BCE, elle vient de rejeter un recours collectif de 3,9 milliards de dollars!

La semaine dernière, alors que majorité des médias n'en avait que pour les déboires de BCE devant les tribunaux, la Cour d'appel du Québec rendait un autre jugement, passé presque inaperçu, néanmoins tout aussi important, sinon plus.

Le 23 mai, dans un jugement unanime, la Cour d'appel confirmait en effet une décision de la juge Claudine Roy, de la Cour supérieure, qui, en janvier 2006, avait alors rejeté la demande d'autorisation d'exercer un recours collectif contre neuf fabricants de médicaments génériques présentée par Option Consommateurs.

On ne parle pas ici de n'importe quel recours, mais bien d'un des plus importants recours collectifs jamais intentés au Québec, avec des sommes demandées en dommages dépassant les 3,9 milliards de dollars!

La décision de la Cour d'appel est importante, non seulement en raison de l'ampleur de la cause mais aussi, et surtout, parce que ce recours est l'un des premiers intentés depuis les amendements de 2003 au régime d'autorisation des recours collectifs du Québec, amendements qui avaient pour objectif d'alléger les critères et d'accélérer le processus d'autorisation.

Avec ces mesures, le Québec avait acquis la réputation d'être devenu le paradis des recours collectifs au Canada; il suffisait de présenter de simples allégations pour qu'un recours soit autorisé.

Cette réputation vient de prendre un sérieux coup.

Ça prend des faits sérieux

Dans ce sens, il s'agit d'un «jugement historique», dit Chantal Chatelain, associée chez Langlois Kronström Desjardins, qui représentait l'un des fabricants.

L'avocate de 38 ans explique que même si l'intention du législateur était d'alléger les procédures d'autorisation, la Cour vient de statuer qu'on ne peut pas intenter un recours collectif sur de simples hypothèses. «Ça prend des faits et des allégations sérieuses.»

Dans son jugement du 17 janvier 2006, la juge Claudine Roy, de la Cour supérieure du Québec, l'avait d'ailleurs mentionné.

«Bien que les amendements de 2003 au régime d'autorisation des recours collectifs du Québec aient diminué le critère d'autorisation au minimum, une requête pour autorisation de recours collectif doit contenir un fondement factuel suffisant pour que la Cour puisse apprécier le sérieux du recours collectif proposé.»

La juge Roy avait alors décidé que, dans cette cause, cette information faisait cruellement défaut et qu'il n'y avait tout simplement aucun fondement pour que la Cour puisse conclure à une apparence de faute, de dommage, ou de relation de causalité qui pourrait avoir engendré la responsabilité des manufacturiers.

La Cour d'appel lui a donné raison.

Rappelons les faits. L'histoire avait commencé en février 2003 dans un article de La Presse qui rapportait que certains manufacturiers de médicaments génériques, demeurés anonymes, auraient donné des rabais illégaux et d'autres avantages à des pharmaciens du Québec et d'autres provinces. Deux jours plus tard, sur la base unique de cet article de journal, le recours collectif était lancé.

Dans ce recours, mieux connu dans le milieu juridique comme la cause «Piro» (Option consommateurs c. Novopharm et al.), la requérante prétendait également que ces manufacturiers auraient omis de déduire la valeur de ces rabais et autres avantages des prix des médicaments que tous les Québécois auraient payés sous le régime d'assurance public du Québec ou sous des régimes d'assurances privés.

D'où la somme astronomique de 3,9 milliards de dollars réclamée en dommages.

En accord avec la décision de la juge Roy, La Cour d'appel a affirmé qu'il n'y avait aucun lien de causalité entre la faute alléguée (i.e. les paiements allégués de rabais aux pharmaciens) et le préjudice allégué (i.e. les prix plus élevés allégués pour les médicaments).

Elle en est venue à la conclusion que la prétention que les Québécois auraient payé des contributions plus élevées à la suite des actions alléguées des manufacturiers de médicaments génériques était hypothétique, purement spéculative et n'avait pas été établie.

Essentiellement, la Cour d'appel a estimé que les allégations étaient insuffisantes à justifier une apparence sérieuse de droit. Elle juge également que la proposition voulant que les bénéficiaires auraient réalisé une perte est «juridiquement insoutenable».

La Cour d'appel a aussi jugé que les deux représentants désignés du groupe, qui n'avaient acheté des médicaments que de quatre des neuf manufacturiers de médicaments génériques, n'avaient pas réussi à établir qu'ils étaient des représentants adéquats pour tout le groupe.

Un point important du jugement est qu'il reconnaît la discrétion judiciaire du juge d'autoriser ou non un recours collectif. Depuis 2003, explique l'associé Gary Morrison, d'Heenan Blaikie, l'impression générale était que si les critères pour intenter un recours collectif étaient remplis, le juge devait autoriser le recours.

«En réalité, ce que la Cour dit, c'est que même si tous les critères sont remplis, le juge doit être convaincu du bien-fondé de recours, souligne l'avocat. Il peut regarder la preuve et conserve la discrétion d'autoriser ou non le recours.»

LES AVOCATS EN PRÉSENCE

Les avocats des fabricants de médicaments génériques

Gary D. D. Morrison, de Heenan Blaikie; Irwin I. Liebman et Moe F. Liebman, de Liebman&Associés ; Guy Du Pont, Nicholas Rodrigo et David Stolow, de Davies, Ward, Phillips&Vineberg; Robert J. Torralbo, de Blake, Cassels&Graydon; Chantal Chatelain, de Langlois, Kronström, Desjardins ; Laurent Nahmiash, de Fraser, Milner, Casgrain ; et Luc Lachance et Alain Brophy, de Sébastien, Downs,

Astell, Lachance. Les avocats d'Option consommateurs Mes Gordon Kugler, Stuart Kugler et Robert Kugler, du cabinet Kugler Kandestin.

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