Le gouvernement français entend faciliter la tâche des commerçants qui souhaitent ouvrir leurs portes le dimanche en révisant en profondeur la législation existante.

Le gouvernement français entend faciliter la tâche des commerçants qui souhaitent ouvrir leurs portes le dimanche en révisant en profondeur la législation existante.

La décision suscite un véritable tollé dans la société française, le dimanche étant encore, pour nombre de gens, une journée de repos sacro-sainte.

L'Église catholique est d'ailleurs aux premières loges dans la bataille. En février, la Conférence des évêques de France s'est inquiétée de la réforme envisagée, relevant que le dimanche «est soumis à forte pression».

Autoriser à large échelle l'ouverture des commerces le dimanche reviendrait «à faire passer les lois du commerce avant la dimension conviviale, familiale et spirituelle de l'existence», prévient l'organisation, qui s'alarme de la dérive consumériste du pays.

«L'argent et le luxe s'affichent comme les conditions du bonheur. Faut-il s'étonner que croissent l'envie et le ressentiment chez ceux qui en sont privés?» demandent les évêques.

Laissant de côté les considérations d'ordre métaphysique, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) prédit que la loi à l'étude aurait des «conséquences sociales catastrophiques», en particulier sur les commerces «de proximité».

Le projet est d'autant plus contestable, souligne la CGPME, que son intérêt économique est loin d'être démontré.

Le point de vue de la confédération est résumé éloquemment par Laurence Azria, qui gère depuis cinq ans un commerce de fruits et légumes situé rue de Bretagne, dans le 3e arrondissement de Paris. «Si vous voulez vous acheter une veste, vous n'allez pas décider d'en acheter deux parce que les commerces sont ouverts sept jours sur sept», souligne-t-il.

Plutôt que d'augmenter la consommation, l'ouverture le dimanche ne fera que la déplacer dans la semaine, souligne M. Azria, qui est déjà autorisé à ouvrir le dimanche.

La loi actuelle, adoptée en 1906, prévoit un nombre considérable de dérogations possibles, en particulier dans les zones touristiques des grandes villes.

La nouvelle loi élargirait sensiblement les commerces concernés et pourrait même s'étendre ultimement aux services publics, s'inquiètent les principaux syndicats, en campagne contre le projet.

«Le travail, c'est la santé. Le dimanche, c'est la conserver!» clame une affiche tapissée un peu partout à Paris par la CFDT.

La CGT évoque, sur un blogue dédié «à la défense du repos dominical», un sondage datant de 2006 dans lequel 88% de la population se prononçait en faveur du maintien de cette journée de repos.

Même les élus issus de la majorité de droite au pouvoir se disputent. Dans une lettre ouverte parue il y a quelques jours, une cinquantaine d'entre eux appellent le gouvernement à faire marche arrière.

«Le travail le dimanche, c'est une menace pour la vie familiale, amicale et associative», souligne ce groupe d'élus, qui doute de la possibilité que les travailleurs puissent refuser de travailler ce jour-là s'ils ne veulent pas.

Le ministre du Travail, Xavier Bertrand, a réagi à la fronde en soulignant que le gouvernement veillerait à ce que tout se fasse sur une base de «volontariat». «Il n'est pas question de faire travailler tout les Français le dimanche», a-t-il assuré.

La réforme est soutenue par le président français, Nicolas Sarkozy, qui avait promis, durant la campagne électorale de 2007, de relancer le pouvoir d'achat des Français. «Pourquoi empêcher celui qui le veut de travailler le dimanche? Le travail dominical, c'est un jour de croissance de plus, c'est du pouvoir d'achat en plus», maintient-il.

Bien que Laurence Azria ne croit pas aux promesses de relance qu'évoque le président à l'appui du projet gouvernemental, il ne trouve pas que des choses négatives à dire à ce sujet.

L'ouverture d'un plus grand nombre de commerces le dimanche permettra, espère-t-il, d'attirer plus de clients dans le secteur. Il signifie aussi que la concurrence sera plus vive. «Pour qu'un commerce soit florissant, il faut qu'il soit concurrentiel», souligne M. Azria avant de se précipiter à la rencontre d'un client pour lui prodiguer quelques conseils de saison sur les oranges.