Luce Moreau connaît la musique et elle chante depuis sept ans avec le Choeur de l'Orchestre Métropolitain. Mais ce n'est pas pour ça que l'Orchestre vient de l'embaucher.

Luce Moreau connaît la musique et elle chante depuis sept ans avec le Choeur de l'Orchestre Métropolitain. Mais ce n'est pas pour ça que l'Orchestre vient de l'embaucher.

C'est plutôt pour le talent qu'elle a démontré à trouver de l'argent pour financer toutes sortes d'activités.

Mme Moreau, qui s'assoira officiellement le 14 mai dans le fauteuil de directrice générale de l'Orchestre Métropolitain, est une virtuose de la collecte de fonds. Sur sa carte d'affaires, à côté de son nom, apparaissent des lettres qu'on ne voit pas souvent: CFRE, pour Certified Fund Raising Executive.

«Je suis reconnue comme un des leaders canadiens du financement», explique tout simplement la principale intéressée, dans son futur bureau de la rue Sainte-Catherine. L'espace est petit mais lumineux, et surtout stratégiquement situé à côté de ce qui deviendra le quartier des spectacles de Montréal.

En plus d'être CFRE, comme seulement 23 autres personnes au Québec, Luce Moreau a remporté en 2006 le prix Gestionnaire émérite en philanthropie de l'Association of Fundraising Professionnals, une organisation sélecte qui compte 30 000 membres dans le monde entier.

C'est une pro, donc, qui s'attaque à la tâche de redresser les finances en mauvais état de l'Orchestre Métropolitain. Elle part au combat avec une bonne dose de réalisme.

Dans l'échelle de la collecte de fonds, explique-t-elle, les arts sont le secteur le plus difficile, avec les établissements de soins de longue durée. Ensuite viennent les sports, les universités, la santé et, le plus facile, la religion.

Luce Moreau a travaillé dans le milieu des centres d'hébergement de longue durée, comme présidente-directrice générale de la Fondation du Centre hospitalier Jacques-Viger.

«Je viens déjà de ce qui est difficile et j'ai eu du succès, alors je me dis qu'ici, avec mon amour de la musique, je vais réussir.»

Première femme diplômée en dessin industriel embauchée par Hydro-Québec, Luce Moreau a fait du bénévolat amateur, si on peut dire, avant d'en faire de façon professionnelle.

L'Orchestre Métropolitain a 25 ans et sa mission est d'élargir l'auditoire de la musique classique. Il a un chef très populaire, Yannick Nézet-Seguin, ce qui ne nuira certainement pas à la tâche de Mme Moreau.

Mais dans un marché aussi petit que celui du Québec, se pourrait-il que l'offre musicale soit supérieure la demande? Y a-t-il, comme certains le pensent, trop de petits orchestres qui vivotent dans plusieurs régions, alors qu'ils pourraient y en avoir moins qui vivraient mieux?

Un as de la collecte de fonds ne commet pas d'impair diplomatique. «Les orchestres des régions sont importants, rectifie-t-elle, parce qu'ils donnent le goût de la musique.»

«Ce n'est pas tout le monde qui peut aller à Montréal pour entendre un concert. Les orchestres des régions font aussi naître des musiciens, qui s'en servent comme tremplin vers l'Orchestre Métropolitain et l'Orchestre Symphonique de Montréal.»

Développer l'approche

Plutôt que de réduire le nombre d'orchestres, il faut développer l'approche philanthropique, estime-t-elle.

La nouvelle directrice générale de l'OM assure que la philanthropie et le mécénat, traditionnellement pratiquées dans la communauté anglophone, ne font que commencer à se développer chez les francophones. Le potentiel est donc énorme, selon elle.

«Les grandes familles, comme les Chagnon et les Coutu, donnent l'exemple.»

Les nouvelles générations, qui ont moins connu l'État providence que leurs parents, sont plus enclines à appuyer financièrement des causes qui leur tiennent à coeur, selon elle.

Depuis 11 ans qu'elle cherche des fonds pour toutes sortes de causes, Luce Moreau estime avoir amassé 13 ou 14 millions. Une fortune! Et elle n'a aucun problème à partager son savoir-faire.

Dans un monde de plus en plus sollicité pour des causes toutes aussi bonnes les unes que les autres, il faut trouver une façon de faire vibrer un donneur potentiel. Toucher un coeur.

«L'idée, c'est de trouver ce que ça peut rapporter à quelqu'un en particulier de donner. C'est une personne qu'on rencontre, pas un portefeuille.»

Luce Moreau puise un exemple dans son ancienne vie, qu'elle n'a pas encore tout à fait quittée, comme présidente de la Fondation centre de santé et de services sociaux Jeanne-Mance, dans un des quartiers les plus défavorisés au Canada.

Elle a réussi à convaincre la direction de Rona de financer, non pas le CSSS, mais un club de basketball formé par un travailleur social avec des adolescents décrocheurs.

Quand elle raconte la première visite de ces jeunes chez Rona, les larmes lui viennent encore aux yeux.

Avec l'Orchestre, elle entend utiliser la même approche, soit associer les donateurs à des gens plutôt qu'à une organisation.

«Il y a beaucoup de monde qui ne sait pas que les musiciens gagnent seulement 20 000$ par année, et qu'ils doivent avoir plusieurs emplois pour arriver. Quelqu'un qui aime le violon, par exemple, pourrait être intéressé à financer une formation privée pour un premier violon, qui n'aurait jamais les moyens lui-même d'y accéder», illustre-t-elle.