Le premier train à grande vitesse au Canada pourrait bien voir le jour au royaume des pétrodollars.

Le premier train à grande vitesse au Canada pourrait bien voir le jour au royaume des pétrodollars.

La riche Alberta voit sa population croître chaque année. Ses infrastructures routières et aéroportuaires suffisent à peine à répondre à la demande. Accro aux pétrodollars, la province se cherche une conscience environnementale.

Autant de raisons qui font rêver le maire David Bronconnier d'un train à grande vitesse entre sa ville préférée, Calgary, et la capitale de la province, Edmonton.

«À Calgary, le terrain retenu pour construire la gare est à deux coins de rue de l'hôtel de ville, dit-il. Je pourrais donc prendre le train en deux temps trois mouvements...»

S'ils plongeaient dans l'aventure d'un train à grande vitesse entre Calgary et Edmonton, les Albertains pourraient damer le pion aux Québécois et aux Ontariens, qui examinent pour la énième fois la possibilité de construire un train rapide entre Québec et Windsor.

«Ce n'est pas une course au ruban entre l'est et l'ouest du pays, se défend le maire Bronconnier. Je suis certain qu'il y a aussi d'excellentes raisons de relier Québec et Windsor, mais si vous considérez l'apport de l'Alberta à l'économie du pays, il y a aussi d'excellentes raisons d'avoir un train rapide entre Calgary et Edmonton.»

Pour l'Alberta, le train à grande vitesse n'est pas qu'un moyen de transport. Il s'agit d'un outil de croissance économique.

«Nous croyons qu'il s'agit d'un bon investissement à long terme, dit le maire Bronconnier. Afin de prospérer, nous devons trouver une nouvelle façon de déplacer les gens, les biens et les services sur l'axe Calgary-Edmonton.»

Les Albertains semblent d'accord avec le maire Bronconnier. Selon un sondage du Calgary Herald publié en octobre dernier, 70% d'entre eux ont l'intention d'utiliser le train à grande vitesse si le prix d'un billet est raisonnable.

Le train à grande vitesse ne fait toutefois pas l'unanimité en Alberta. Au nombre des opposants: le maire d'Edmonton, Stephen Mandel. Le maire Mandel s'inquiète des conséquences de l'arrivée d'un train à grande vitesse sur l'industrie automobile et les compagnies aériennes.

«À mon avis, il est injustifiable de dépenser une somme aussi exorbitante pour un train qui aura aussi peu de voyageurs. Vous prenez à Pierre pour donner à Paul», a-t-il déclaré l'an dernier au Calgary Herald. Le maire Mandel a décliné les demandes d'entrevue de La Presse Affaires.

Le premier ministre conservateur Ed Stelmach, présentement en campagne électorale, se range du côté des partisans du train à grande vitesse.

Depuis son arrivée à la tête de la province en décembre 2006, l'Alberta a eu des discussions avec Bombardier, Alstom et Siemens, qui lui ont soumis plusieurs scénarios dont le coût varie de 4 à 20 milliards de dollars.

Le gouvernement albertain rendra publiques ses dernières études sur le train à grande vitesse après les élections de lundi prochain.

«Nous ne sommes pas prêts à prendre une décision, dit Gerry Bellikka, directeur des communications du ministère des Transports de l'Alberta. Pour le moment, nos routes et nos aéroports nous suffisent. Nous devons toutefois évaluer si notre population atteindra le nombre critique qui fera en sorte que nous aurons besoin d'un train à grande vitesse dans 10 ans.»

Un trajet idéal

Pour les chercheurs de l'Université de Calgary, la question ne se pose même plus. En 2004, l'Institut Van Horne, une chaire de recherche associée à l'université, concluait à la rentabilité immédiate d'un train à grande vitesse.

Selon l'Institut Van Horne, une ligne ferroviaire partagée avec le transport de marchandises coûterait 1,8 milliard de dollars, comparativement à 3,8 milliards pour une ligne réservée exclusivement au transport de passagers.

Avec cette dernière option, la plus rapide des deux, le trajet Calgary-Edmonton ne prendrait que 2h 22, une économie de 53 minutes (27%) par rapport à l'avion.

«Le corridor Calgary-Edmonton est parfait pour un train à grande vitesse, dit Peter Wallis, président de l'Institut Van Horne. Si la distance est plus courte, l'automobile est plus avantageuse. Si la distance est plus longue, l'avion devient plus concurrentiel. Les Albertains qui veulent un train à grande vitesse sont choyés géographiquement.»

Au fond, la question n'est pas de savoir si l'Alberta aura un train à grande vitesse, mais plutôt si elle fera figure de pionnière devant le Québec et l'Ontario.

«Qui a de l'argent au Canada?» demande Pierre Renault, vice-président des communications d'Alstom au Canada.

Outre ses pétrodollars, l'Alberta possède un autre avantage sur le Québec et l'Ontario. Selon l'ancien ministre des Transports David Collenette, le projet albertain est plus facile à vendre sur le plan politique.

«C'est difficile de convaincre ses collègues des autres régions du pays de construire un train à grande vitesse en Ontario et au Québec, dit l'ancien ministre libéral, qui a piloté les projets Lynx et ViaFast dans le corridor Québec-Windsor. Quand on investit en Ontario et au Québec, les autres régions du pays sont un peu jalouses.»

Le ministre fédéral des Transports, Lawrence Cannon, est bien au courant du projet de train à grande vitesse entre Calgary et Edmonton. «Il y a eu plusieurs études et plusieurs versions du projet, dit-il. C'est un projet solide.»