C'est un remontant infaillible: prenez un billet vert en chute libre et une économie américaine qui chancelle à vue d'oeil. Ajoutez-y du pétrole et de l'or qui n'ont jamais été aussi chers. Amalgamez le tout dans la même journée et vous verrez le huard grimper.

C'est un remontant infaillible: prenez un billet vert en chute libre et une économie américaine qui chancelle à vue d'oeil. Ajoutez-y du pétrole et de l'or qui n'ont jamais été aussi chers. Amalgamez le tout dans la même journée et vous verrez le huard grimper.

Jeudi, notre monnaie a encore une fois pris du galon contre le dollar US qui faiblit contre toutes les grandes devises, à mesure que s'enlise la machine économique américaine.

Ainsi, il fallait plus de 1,5229 $ US pour acheter un euro. Du jamais vu. En 1999, la monnaie unique avait été lancée à 1,19 $ US d'équivalence.

En fait, l'US Dollar Index, un composite de six grandes monnaies dont la canadienne, est tombé à son plus bas niveau jeudi depuis sa création en 1973. Certains experts croient que le billet vert s'affaiblira jusqu'à 1,55$ pour un euro.

Notre huard n'a eu aucune difficulté à poursuivre sa remontée amorcée la semaine dernière en arrachant encore 44 centièmes. À 102,41 cents US, il flirte de nouveau avec les hauteurs vertigineuses de l'automne.

La remontée est d'autant plus abrupte que la dollar canadien a commencé l'année en mode descente.

«Le marché est en train de tester la volonté de la Banque du Canada», explique Marc-André Lalonde, directeur du change étranger à la Banque Laurentienne.

Selon les contrats à terme de Chicago, les investisseurs évaluent à une chance sur deux seulement que notre banque centrale abaisse mardi de 50 centièmes plutôt que 25 son taux directeur, fixé à 4% depuis le 22 janvier.

«Si c'est 25, alors le huard pourra monter encore un peu», juge M. Lalonde. À moins que les chiffres de notre balance des paiements publiés ce matin par Statistique Canada ne fassent état d'une détérioration plus prononcée que prévu.

Le bourbier américain

Jeudi, le président de la Réserve fédérale américaine, Ben S. Bernanke, a admis que la tâche présente est plus difficile que celle accomplie durant la récession de 2001.

«Nous sommes face à un ralentissement économique, jumelé à des tensions sur les marchés financiers et des pressions inflationnistes créées par les produits de base importés, a-t-il indiqué. Chacun de ces éléments pose un défi.»

M. Bernanke, pas plus que le président George W. Bush, ne parle toujours pas de récession.

Un sondage mené toutefois par l'agence Bloomberg auprès d'économistes du secteur financier montre qu'ils sont désormais près d'un sur deux à y croire, contre un sur cinq il y a deux mois à peine.

Une nouvelle baisse de 50 centièmes du taux directeur américain d'ici la mi-mars est escomptée à 100% sur les marchés monétaires, mais plus d'un parieur sur trois mise déjà sur 75 centièmes.

Cela a pour effet de plomber le billet vert et de doper davantage le prix des produits de base, car investisseurs et spéculateurs veulent couvrir leurs capitaux. En prime, cela nourrit l'inflation qui s'accélère depuis trois mois.

Le prix du brut s'est envolé au-dessus des 102$ le baril jeudi, tandis que l'or a fracassé la barre des 970$ l'once.

Noir, noir noir

Les nuages s'amoncellent sur le paysage économique américain. Seulement jeudi, on apprenait que les demandes initiales d'assurance chômage avaient augmenté la semaine dernière beaucoup plus que les attentes des observateurs.

Cela signale que le marché du travail, un des deux piliers encore solides de l'économie, est en train de vaciller à son tour.

Alors qu'on s'attendait à une révision à la hausse des données préliminaires de la croissance économique au quatrième trimestre, le chiffre n'a pas bougé. Pire, sans l'apport du solde du commerce extérieur, la faible expansion de 0,6% devient une contraction de 0,3%. L'année a donc commencé sans aucun élan intérieur.

L'apport du commerce extérieur est comme une lame à deux tranchants: la faiblesse du dollar stimule les exportations, mais déprime l'appétit du consommateur pour les biens importés. Les détaillants en feront les frais.

Les données montrent aussi une révision à la baisse de la croissance du revenu des particuliers. À 4,1% en rythme annuel, il est désormais moins rapide que l'inflation.

Le pouvoir d'achat du consommateur américain s'érode d'autant plus que les prix de l'énergie continuent de monter en chandelle.

La valeur de leur actif aussi s'écorne. Le prix médian des maisons neuves est passé de 245 900$ en novembre à 216 000$ le mois dernier.

Le niveau des ventes est à son plus bas depuis 1991 et le nombre d'unités invendues sur le marché équivaut à 9,9 mois de mises en chantier, un sommet depuis 1981.

Le marché de la revente n'est guère mieux. Le nombre d'unités sur le marché équivaut aux ventes de 11,8 mois au rythme actuel, dont 10,1 mois pour le marché crucial de l'unifamiliale.

«Même si les prix ont baissé de 9,5% en moyenne à l'échelle nationale, le prix de vente d'une unifamiliale équivaut encore à plus de trois fois le revenu familial médian», fait remarquer Stéfane Marion, économiste en chef adjoint à la Financière Banque Nationale.

Comme c'est encore plus de 10% au-dessus de la moyenne historique de 1981-2001, la détérioration va se poursuivre...